Droits réservés – Mercredi 12 septembre, la directive européenne sur le droit d’auteur appliqué au numérique a été votée par les eurodéputés avec une large majorité. Malgré la pression des géants du Web, le législateur a fait un premier pas contre le pillage des œuvres sur Internet, qu’elles soient artistiques ou produites par des professionnels de presse.
DRDès sa naissance, Internet a été conçu comme un lieu de partage et de libre circulation de l’information. Par essence neutre, décentralisé et dérégulé, le Web est rapidement devenu un espace de non-droit et de pillage des œuvres relevant de la propriété intellectuelle. « Les pratiques très libres de partage et copie en ligne permises par les plateformes et réseaux sociaux ont vite fait oublier que tout créateur détient sur sa production un droit moral et d’exploitation qui suppose son accord pour utiliser son œuvre et lui donne droit à rémunération », rappelle Patricia Sultan, juriste toulousaine spécialisée dans le droit des médias. L’avènement des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon…), qui génèrent des recettes astronomiques sur l’agrégation et le partage sans discernement de contenus, repose la question des droits d’auteur et de la juste répartition des revenus.
Aujourd’hui, les artistes et les professionnels de la presse sont démunis face à un modèle de diffusion massive et virale qui leur échappe. Or, selon Patricia Sultan, « les règles sur le copyright s’appliquent, quel que soit le mode de diffusion des œuvres et pour toutes les formes de création ». « C’est au seul créateur de décider des droits ou des restrictions qui se rattachent à sa production. Il s’agit simplement d’appliquer le droit existant au numérique », note l’experte. En effet, les plateformes de partage et réseaux sociaux jouissent actuellement d’un statut d’hébergeur passif qui leur permet de se dédouaner de la question des droits d’auteur et de rejeter cette responsabilité sur l’utilisateur.
« Les règles sur le copyright s’appliquent, quel que soit le mode de diffusion des œuvres »
Le Parlement européen s’est donc penché sur des mesures afin de « responsabiliser les pratiques » en ligne et de « mieux cadrer les diffusions de contenus protégés ». L’article 13 prévoit notamment d’imposer aux plateformes un système approprié et proportionné de filtrage et de vérification des conditions de licence. Ce système basé sur des algorithmes fonctionne déjà, par exemple, sur YouTube, qui bloque la diffusion d’œuvres soumises au copyright. Cette question du contrôle systématique des publications par des multinationales privées inquiète toutefois les partisans d’un Web libre et dérégulé. La version finale de la directive européenne privilégie donc une « négociation de bonne foi » avec des systèmes de recours plutôt qu’un blocage.
Enfin, l’article 11 prévoit la création d’un ‘’droit voisin’’ pour la presse, permettant la rémunération des éditeurs et agences lorsque leurs publications sont reprises en ligne. En clair, quand un utilisateur partage un article de presse sur une plateforme telle que Google ou Facebook, celle-ci récupère une partie du contenu, notamment les images, le titre et un extrait du texte. Désormais, le site hébergeur devra une rétribution proportionnelle à l’auteur. Ce principe a d’ailleurs déjà été expérimenté en Espagne où les plateformes ont préféré… ne plus référencer les sites éditeurs de presse demandant une rémunération. Provoquant une baisse significative de la fréquentation et des revenus de ces derniers. Si cette directive va dans le sens d’une protection des auteurs-créateurs, le très inégal bras de fer économique qui les oppose aux Gafa est loin d’être terminé.
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