La parité est à l’honneur pour ce déjeuner au bout de l’agréable petite rue des Filatiers. Nathalie Levert Puel et Alain Sottil, installés sous un parasol de la Table du Vigneron, commandent leurs tartares. Le contact est courtois, les verres ont été bien remplis. L’actualité des derniers jours est au cœur des débats de ce début de siècle. Tout est prêt, place à la discussion.
Séverine Sarrat et Amélie Phillipson
Une fois les présentations faîtes, le premier sujet tombe, aussi rapidement que l’évènement dont il est question : la tuerie en Isère. Acte terroriste ou revanche d’un salarié sur son patron ? « Il a quand même envoyé un selfie à un ami djihadiste », lance Nathalie Levert Puel. « Décapiter quelqu’un, ce n’est pas qu’une vengeance. Il a installé des drapeaux pour dire qu’il était islamiste, mais au final, il revendique quoi ? », se demande Alain Sottil.
La conversation dérive sur le rôle de la médiatisation et s’arrête un moment sur ce fameux “selfie”. « Cette mise en scène de soi est devenue monnaie courante. C’est hyper nombriliste, ce besoin de reconnaissance des autres », affirme Nathalie Levert Puel. « Mohamed Merah se prenait en photo aussi, devant une grosse voiture, pour faire le malin », assure Alain Sottil. Ce que Nathalie Levert Puel trouve inquiétant est « le nombre de jeunes qui trouvent dans les discours extrémistes une opportunité de se faire reconnaître, à n’importe quel prix. Ce qui est commun à beaucoup de jeunes défavorisés est de vouloir briller. D’être célèbre, peu importe les moyen ».
La violence se banalise-t-elle ? « On va de plus en plus vers une société violente. Dès que le ton monte, les gens frappent. Ils essaient de constituer un palmarès de la violence », s’indigne Alain Sottil. Plus dubitative, Nathalie Levert Puel propose d’aborder ce sujet sur une échelle de temps plus longue. « Si on regarde le Moyen-Age, la Seconde Guerre Mondiale ou la guerre d’Algérie, on a toujours été aussi violent qu’aujourd’hui. En France c’est moins anodin, mais une grande partie du monde est confrontée à ce type de violences tous les jours. »
Petite interruption pour apprendre qu’à la Table du Vigneron, l’entrée et le plat sont servis en même temps. Les invités apprécient le concept et la conversation reprend. Suite à la tuerie en Isère, le premier ministre Manuel Valls a évoqué une « guerre de civilisations ». Alain Sottil et Nathalie Levert Puel se heurtent au choix du mot “civilisation”. « Ce n’est pas politiquement correct », juge Alain Sottil, « quand Sarkozy avait dit ça après les attentats au Danemark, il a été stigmatisé. C’est plutôt une guerre de religion ». Selon Nathalie Levert Puel, « c’est un peu vache pour les pays arabes de parler d’une guerre de civilisation, de les opposer à l’occident ». Manuel Valls a cependant précisé qu’il ne parlait pas d’une guerre entre occident et monde musulman mais au sein même de l’islam. Alors c’est une guerre entre quelles civilisations ? « Je n’emploierai pas un mot aussi large. Je ne donne pas aux islamistes extrémistes le crédit d’être une civilisation », soutient Nathalie Levert Puel. Alain Sottil se range de son côté, « il ne faut pas stigmatiser l’ensemble des musulmans sous prétexte que ».
Cette réflexion de Manuel Valls, du pain béni pour la droite ? « Tout ce qui se passe est une aubaine pour l’extrême-droite », corrige Alain Sottil. Bien implanté dans la vie politique locale, il en profite pour rappeler la dernière percée du Front national. « Dans les communes où j’étais candidat aux départementales, le Front national est arrivé en tête avec des scores au-dessus de 30%, flirtant parfois avec les 40%. Et ceci dans des petites communes paisibles ». Comment expliquer cette explosion des votes pour l’extrême-droite ? Selon Nathalie Levert Puel, « il faut sortir de sa sphère professionnelle. Quand on se confronte aux commerçants par exemple, le discours se focalise sur les abus, les profiteurs, les aides accordées sans raison. » Le Front national est clairement très présent dans l’esprit d’Alain Sottil, qui se désole. « Les gens ne se rendent pas compte qu’on est dans le plus beau pays du monde, dans une démocratie, qu’on est un pays de liberté. On trouve encore des gens qui contestent tout ça ».
Pour en revenir aux attentats récents, Nicolas Sarkozy a accusé le gouvernement de ne pas agir correctement. « C’est le jeu politique », entonnent simultanément les deux invités. Aurait-on plutôt l’habitude de l’unité nationale, dans ce type de circonstances ? « Est-ce qu’elle a duré longtemps, l’unité nationale ? », s’interroge Alain Sottil, faisant référence aux attentats de janvier dernier. Nathalie Levert Puel répond sans hésiter : « le temps de la manifestation qui a suivi l’attentat à Charlie hebdo. Pas plus. La vraie unité nationale, c’est ce que fait Angela Merkel. Elle met tous les partis autour d’une table et ils discutent ».
Au menu de cette fin de repas, boules de glace caramel et beurre salé. En savourant ce dessert frais tant attendu, les invités abordent le mariage gay. Il vient d’être légalisé par la Cour suprême aux Etats-Unis. Alain Sottil déclare : « Personnellement, je n’étais pas un ardent défenseur du mariage homosexuel. J’étais resté sur les valeurs de la famille, mais tout le monde le fait autour de nous. C’est rentré dans les mœurs, et ça ne me gêne pas ». Quant à Nathalie Levert Puel, elle y est davantage favorable. « Ce qui m’a fait prendre une opinion, c’est de connaître des couples homosexuels qui vivent depuis longtemps ensemble. Pourquoi n’auraient-ils pas le même droit qu’un couple qui se déchire au bout de cinq ans ? Cela fait partie des grandes avancées. Je préfère un homosexuel qui a une vie décente qu’un Strauss-Kahn ».
Ce débat pose aussi, entre autres, la question de la procréation médicalement assistée et de la gestion pour autrui. « Un homme politique ne peut pas se mettre à la place d’une femme qui met au monde un enfant », pense Alain Sottil. Les invités s’accordent pour dire que le problème, c’est les dérives, comme la possibilité que cela se transforme en business. Difficile de légiférer sur de tels sujets. Il faudrait alors un rapport personnel à une problématique pour en saisir les enjeux. « Les hommes politiques font avancer les choses parce que ça les touche, ça touche leurs proches », déclare Nathalie Levert Puel. « En tant qu’élu, nous devons aussi aller à la rencontre des gens et les écouter. Les décisions politiques sont souvent faîtes sur des considérations de bon sens, et non des considérations partisanes », ajoute Alain Sottil.
Alors l’Histoire avance-t-elle ainsi ? « L’Histoire est un éternel recommencement », affirme Alain Sottil. En parallèle des « grandes avancées » dont parlaient Nathalie Levert Puel, l’humanité n’apprendrait donc pas pour autant de ses erreurs. « On a coupé la tête à Marie-Antoinette, et d’autres recommencent aujourd’hui ». Nathalie Levert Puel s’empare de l’occasion pour plaisanter : « La différence est qu’ils n’avaient pas les selfies, eux ! » Nous sommes en 2015, il faut bien en revenir aux selfies.
Mini-bios
Nathalie Levert Puel
Ingénieur en aéronautique de formation elle a notamment travaillé pour Airbus et ATR, mais il y a 15 ans, elle décide de créer son propre cabinet conseil en ressources humaines, Umanove, spécialiste entre autre du recrutement, des risques psycho-sociaux et de la qualité de vie au travail. Installée à Blagnac, l’entreprise qui emploie désormais 19 salariés et réalise 2 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Alain Sottil
Retraité de la vente automobile chez Renault, il est plus connu dans l’agglomération pour son application politique. De 1983 à 1989, il est conseiller municipal à Eaunes avant de prendre la mairie jusqu’en 2014 et de devenir vice-président de la communauté d’agglomération du Muretain. Il se présente ensuite aux municipales à Muret mais se s’impose pas face à André Mandement. Il y est donc actuellement conseiller de l’opposition et conseiller communautaire.
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