QUE D’EAU ! Tout enfant toulousain qui se respecte s’est forcément demandé un jour pourquoi ce pont que tout le monde qualifie de neuf a l’air si vieux. Avant de découvrir un jour que de nombreuses autres villes ont, elles aussi, leur Pont-Neuf. Le JT a décidé de se pencher sur ce paradoxe généralisé.
Il existe des noms de lieux, de places ou de rues qui renvoient automatiquement à la ville auxquelles ils appartiennent. Pour les ponts, la situation est un peu différente. Quand on parle de Pont-Neuf en France par exemple, il y a forcément un effort supplémentaire de localisation à fournir. On peut, en effet, traverser un Pont-Neuf à Nice, Limoges, Poitiers et bien sûr Paris, sans oublier plus près de chez nous Albi, Montauban ou Carcassonne… Liste loin d’être exhaustive.
En tout cas, sur le pont en question, à Toulouse, cette homonymie n’a, a priori, jamais été une source d’interrogation plus poussée que cela pour Maryse, qui peine avec son vélo dans les derniers mètres avant la descente vers la rive droite : « J’imagine tout bêtement qu’à une certaine époque on appelait comme ça tous les nouveaux ponts », souffle-t-elle. « Oui mais alors, quand il y avait un nouveau pont dans la ville, il fallait changer les noms », rétorque fort justement son fils Maxime. Effectivement, si l’on avait écouté la logique inébranlable de Maxime, nous ne serions pas dans cette situation ubuesque qui fait que les ponts-neufs sont souvent les plus anciens de leur ville d’ancrage.
Pour expliquer la généralisation de cette appellation, on pourrait aussi invoquer le manque d’inspiration mais les exemples de Toulouse et Paris offrent des pistes bien plus sérieuses. Dans les deux cas, l’apparition d’un pont-neuf a, en vérité, clairement marqué une rupture, autant dans la conception que dans les matériaux utilisés pour la construction. Dans la capitale, le Pont-Neuf, inauguré en 1606, a été le premier pont en pierre de la ville, le premier aussi à disposer de trottoirs et à être dénué d’habitations.
À Toulouse, ce sont les Capitouls qui, face à l’étroitesse et à la fragilité des ponts-vieux et de la Daurade, décidèrent en 1541 la construction d’un grand pont de pierres et de briques avec des dégueuloirs pour atténuer les colères de la Garonne. En raison des guerres de religion et de nombreuses crues, le chantier dura près de 90 ans et l’ouvrage ne fut inauguré qu’en 1632 mais marqua un vrai tournant en termes de communications.
D’autres ponts-neufs sont ensuite apparus plus tard un peu partout en France jusqu’aux XVIIIe et XIXe siècles, incarnant de quelque manière que ce soit une forme de modernité. Car tant dans l’évolution des matériaux à disposition que dans les besoins de communication, l’histoire des ponts est étroitement liée à celle de l’humanité. Et si les ponts-neufs sont certes devenus vieux, leur nom nous rappelle avec sagesse le temps qui passe et que quoi qu’il arrive, de l’eau continuera à couler.
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