Du lycée Bellevue à Rangueil, le péquin lambda connaît au moins le parc. Terrains de foot, de rugby, de tennis, de baskets, pâquerettes et grands arbres, il doit faire bon vivre et étudier au Lycée Bellevue d’autant plus que l’endroit semble faire de la place à chacun. Lycée d’Enseignement Professionnel et classes prépas s’y côtoient tranquilles, dans le parc comme à la cafétéria. L’impression est confirmée dans une évaluation proposée par le magazine L’Étudiant, qui attribue un superbe 5 sur cinq à la rubrique « ambiance ». Pas sûr que les élèves du LEP éprouvent la même sérénité. Leurs profs sont soumis à des injonctions paradoxales qui risquent d’assombrir le beau paysage et fatigués d’attendre sans comprendre, ils s’organisent. Motif principal : le non versement d’une indemnité spécifique. Au LEP, la pédagogie se décline en mode contrôle continu. Ce sont les profs qui l’organisent, c’est du travail, de l’organisation. Il faut choisir les sujets, les corriger, reporter le tout sur des grilles ad hoc et ce, tout au long de l’année. En allouant une prime spécifique, l’administration le reconnaît, encore faut-il qu’une erreur d’aiguillage ne vienne pas verser dans d’autres poches ladite indemnité. C’est pourtant cette improbable situation qui a incité les enseignants à aller frapper à la porte du rectorat. Cette raison et d’autres encore, qui laissent à penser que le LEP n’est pas considéré comme il devrait l’être, que l’enseignement professionnel, souvent loué par les politiques, est un parent pauvre, très pauvre. En 2012 et en 2013, la prime espérée se dérobe. Oui, l’administration en a versé une partie mais pas aux trente enseignants, à une autre personne qui n’a pas encore trouvé le temps d’aller manifester devant le rectorat contre cette surprenante générosité. Pendant deux ans, l’un encaisse, les autres se brossent, ils en ont marre et le disent. Pourtant, ils font preuve d’une étonnante modération.
« Nous sommes la dernière roue du carrosse »
Peut-être las, ou trop habitué aux turpitudes d’une administration dépassée, ils constatent, en prenant soin d’épargner l’administration du lycée. Celui qu’ils stigmatisent, c’est bien le brontosaure, le rectorat tout puissant qui rechigne et se trompe, pour quelques centaines d’euros… Sur le ton du constat, un peu dépités, un peu fatalistes, ils expliquent : « nous sommes la dernière roue du carrosse, les autorités n’ont qu’une vision comptable des choses en cherchant à faire des économies toujours et partout. » Audacieuse, l’administration, qui n’a pas répondu à notre sollicitation, fait preuve d’imagination pour combler les carences. Alors qu’il manque un intervenant pour assurer les cours de secourisme, elle se tourne vers une enseignante titulaire des qualifications requises pour qu’elle prenne en charge cette formation, gracieusement bien sûr. La personne ayant décliné, les élèves n’auront plus qu’à expliquer aux malheureux en détresse, que pour les gestes qui sauvent, c’est sauve qui peut. Devant le rectorat, ils se retrouvent, listent les revendications, insistent sur le demi poste de prof d’espagnol qui manque encore et déplorent l’impact de ces manquements sur l’image négative que les parents ont du LEP. Au terme de leur entrevue, le rectorat assure que le préjudice financier va être réparé et que les enseignants vont recevoir leurs indemnisations pour 2012 et 2013 mais rien en ce qui concerne le poste de prof d’espagnol, rien sur les interventions de secourisme et premier soins. Demain, ils assureront leurs cours toujours fatalistes, mais toujours combatifs.
Julien Davenne
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