Affres. Les rues paisibles du quartier des Minimes s’animent depuis quelques temps de tristes émois. Et pour cause, le trafic de drogue s’y intensifierait provoquant d’inquiétantes nuisances qui dénotent largement dans ce quartier connu pour être plutôt familial et résidentiel.
Par Aurélie Renne et Séverine Sarrat
« Depuis quelques mois nous assistons à une dégradation dangereuse du quartier des Minimes/Négreneys autour de la cité Caffort ». Voilà les premiers mots d’une énième pétition circulant aux Minimes et faisant état de « […] vente à la sauvette de drogue dans les rues, de seringues dans les jardins et caniveaux, de shoots entre deux voitures […] » Un constat alarmant qui semble agiter le quartier. Serge Baggi, président du comité de quartier Minimes Barrière de Paris Toulouse (CQMBPT) ne peut que confirmer ces craintes : «C’est un quartier qui change beaucoup et qui évolue trop vite ! » La police qui officie dans ce secteur, identifie quatre points critiques de deal de drogue : « le 20 rue Emile Caffort, la cité Négreneys, celle de Bourbaki, et le métro Claude Nougaro. Là, les rabatteurs ont pignon sur rue, assis sur des canapés, au vu et au su de tous. Il s’agirait presque d’une supérette, il ne manque plus que les néons », ironise amèrement notre source. Marc Boularan, membre du comité de quartier habite les Minimes depuis 50 ans et assiste tristement à une dégradation des choses : « le point chaud c’est la rue des anges, qui débouche sur la cité Caffort, d’ailleurs des commerces ne cessent de s’installer et de fermer. Est-ce qu’ils se refusent à collaborer avec un certain trafic ? Seul le bistrot reste : quel rôle joue-t-il ? » Pour lui l’explication coule de source : « Les Izards sont sous haute-surveillance, du coup tout s’est déplacé chez nous… » Pourtant côté forces de l’ordre, ce n’est pas si simple car si une source appuie cette idée, elle ne fait pas l’unanimité boulevard de l’embouchure : « Quand nous intervenons sur cette dernière cité, les vannes s’ouvrent aux Minimes ! Auparavant, le trafic des deux cités était connecté mais ce n’est plus le cas, désormais chacun a son territoire.» Une autre source explique que « les points de deal dans les zones difficiles ne se déplacent que rarement, par contre on remarque que les vendeurs dans les halls d’immeubles sont issus d’autres quartiers ! Mais la présence policière accrue aux Izards n’a rien délocalisé. On ne peut vraiment pas dire que les Minimes soient à l’abandon. » Pour preuve, il cite deux opérations sur la cité Caffort ces derniers mois, aboutissant à plusieurs incarcérations. Par ailleurs, la police nationale confirme les actions du parquet qui ordonne des « 78-2 ». En langage profane : des contrôles d’identité menés sur un lieu précis à une heure donnée. Soit une à deux fois par mois, boulevard des Minimes, avenue des Etats-Unis ou barrière de Paris.
« Des monticules de seringues au fond des jardins »
Pourtant malgré « plusieurs opérations de démantèlement et une présence régulière », dixit notre source policière, le noyau dur du trafic au Minimes reste inlassablement la cité Caffort.Une cité au milieu de résidences pavillonnaires, de rues familiales où évoluent petits et grands. Un curieux mélange qui semblait cohabiter plus discrètement auparavant. Devant ces changements et pour en dénoncer les nuisances, le Comité mené par Serge Baggi « a rencontré Maxime Boyer, le maire de quartier, à plusieurs reprises… » Interpelé, ce dernier parle bien de criminalité et non de délinquance, toutefois il relativise : « ce problème n’est prégnant que sur trois rues du quartier, il ne faut pas généraliser ! » rajoutant que « le trafic de drogue n’est pas une compétence de la mairie mais de l’Etat, c’est donc à la police nationale de prendre les choses en mains. Le seul pouvoir de la mairie est celui d’organiser des tables rondes où police nationale et municipale, Habitat Toulouse (gestionnaire bailleur social) et les services sociaux pourraient trouver une solution commune. » Certaines mesures ont d’ailleurs déjà été prises. Ainsi, deux entrées de la dite cité auraient été murées pour faciliter les descentes policières, une information confirmée par Maxime Boyer, qui nous informe en plus de l’installation de vidéosurveillances sous les porches.
Pourtant un mystère demeure, car ce qui semble avoir changé c’est surtout le profil des toxicomanes : « Je vois régulièrement des personnes se shooter en pleine rue », explique un riverain. C’est sans compter les nombreuses seringues retrouvées au jardin public, quand ce ne sont pas les habitants eux-mêmes qui découvrent « un monticule de kits de shoot au fond de leur jardin… » Ce que nous explique le pharmacien du coin, rue Négreneys : « on voit bien que la consommation par injection augmente via les ventes de steribox (kit pour toxicomanes, ndlr) ». Les chiffres sont étonnants : « Je suis passé de 150 ventes à 450 en un an… Rien qu’au mois d’août, 84 steribox étaient vendues, ce qui m’a convaincu d’arrêter la commercialisation depuis septembre dernier.» Il explique que sa clientèle se présente régulièrement à la pharmacie, photo à l’appui, pour fustiger la consommation immédiate dans les rues, et l’abandon de matériel sur place. De son côté, aucun doute : « quiconque veut du crack ou de l’héroïne en trouve en moins de 2 minutes au pied de la cité Caffort ». Des propos que ne corroborent pourtant pas nos sources policières : « il s’y vend essentiellement de la cocaïne et de la résine de cannabis, rares sont ceux qui se piquent, je n’ai pas de véritable explication pour les chiffres des pharmaciens, peut-être que quelques squats se sont installés dans le quartier. » Une chose est sûre : les riverains n’entendent pas laisser la porte ouverte à ce trafic qui va en s’aggravant et multiplient les initiatives. Seuls quelques irréductibles se refusent encore à signer les pétitions, « par peur des représailles », entend-on dans le quartier. Les doléances des habitants du quartier seraient parvenues aux oreilles de Jean-Luc Moudenc, qui aurait pris le dossier en mains. Affaire à suivre.
Commentaires