Défi. Depuis la défaite cinglante de mars dernier, la gauche peine à se remettre en ordre de bataille. Pourtant, la reconquête de la ville se joue dès maintenant.
La gauche toulousaine ne s’attendait pas à pareille gifle. Comme si elle n’avait jamais envisagé de perdre le Capitole… Comme si elle s’était auto-persuadée que la sociologie de notre territoire ne jouerait jamais contre elle. «Forte du score toulousain de François Hollande à la Présidentielle, la gauche se pensait intouchable. Elle a donc laissé Moudenc avoir un train d’avance durant toute la campagne municipale. Plus que de l’arrogance, elle s’est comportée telle une Nomenklatura », confie Hervé Boco, vice-président de l’UDI 31, en charge du projet de Christine de Veyrac, avant de rejoindre les troupes de Jean-Luc Moudenc.
Pour notre politologue maison Stéphane Baumont, « la gauche toulousaine se trouve dans une situation inédite et historique. Elle a perdu la main en quittant le château qu’est le Capitole, et risque d’en subir les conséquences dans toutes les échéances électorales à venir. Elle est dans la peau de l’Empereur qui aurait pu gagner à Waterloo. » Aujourd’hui, le bilan doit être tiré et la page tournée. « Beaucoup sont dans le non-dit et refusent de regarder les choses en face, on reconstruit une opposition en état larmoyant », remarque Nicolas Tissot, candidat aux élections du PS 31 et ancien adjoint de Pierre Cohen. François Briançon, ancien adjoint et membre de l’opposition, estime quant à lui que « l’analyse a été faite de manière collective et personnelle.» Nous n’en connaîtrons pas les détails, « car cette analyse n’est pas publique », précise-t-il avant d’affirmer « être maintenant tourné vers l’avenir. » Premier défi : purger les désaccords qui ont provoqué la multiplicité des listes au premier tour de l’élection municipale (on pense principalement aux listes d’EELV et du Parti de Gauche).
« Il faut co-construire collectivement l’opposition »
En tant que candidat aux élections internes (qui se tiennent ce jeudi soir), Nicolas Tissot, propose « un comité de liaison permanent avec les autres partis de gauche. » Surtout avec EELV et le Parti communiste : « Ils ne peuvent pas gagner seuls, et on ne peut pas gagner sans eux. » Quant au Front de Gauche, dans son ensemble, « c’est plus compliqué », avoue-t-il. Pourtant dans les rangs de la gauche de la gauche, la prise de conscience est effective : « Avec EELV, nous avons des luttes communes et le dialogue est quasi permanent », selon Romain Jammes, co-responsable du comité toulousain du Parti de Gauche. Mais les relations avec le PS local ne sont pas au beau fixe : « Nous avons des contacts avec des militants socialistes qui sont en plein désarroi. L’écart se creuse entre une partie du PS et les barons locaux… Il s’est creusé sous la mandature de Pierre Cohen, et encore plus durant la campagne. De notre côté, nous ne sommes pas dans la sauvegarde d’un patrimoine électoral. C’est le peuple qu’il faut fédérer, plus les partis.»
Pour réussir l’union, le PS va devoir certainement mettre de l’eau dans son vin. François Briançon, reconnaît qu’il « faudra apprendre à respecter nos partenaires politiques, plus que nous ne l’avons fait dans le passé.» Aujourd’hui, verts, communistes et socialistes « cohabitent » dans l’opposition municipale. « On se connaît, on s’apprécie, on a vécu de nombreux combats ensemble. Maintenant il faut co-construire collectivement l’opposition. »
Plus qu’une problématique de personnes, restent à régler les divergences de fond : « Nous nous sommes opposés avec virulence à Pierre Cohen sur la question de la régie publique de l’eau. Mais notre désaccord le plus lourd avec le PS est celui qui concerne la métropolisation. On la rejette ! Ce n’est pas notre conception de la ville. » Pour Nicolas Tissot, le dialogue n’est pas impossible « si on trouve une plateforme minimum pour s’entendre. » Pour l’heure, le chantier de l’union de la Gauche n’est donc qu’une hypothèse voire un fantasme, car si la gauche de la gauche a entamé des rapprochements, le PS est aujourd’hui prisonnier d’un contexte national mais aussi d’une guerre des égos en interne.
« Pierre Cohen n’est plus en mesure d’incarner le désir »
Pierre Izard, Bertrand Auban ou encore Monique Iborra tentent encore de tirer certaines ficelles… Mais la jeune garde pousse de plus en plus les barons historiques vers la sortie. Le choix des militants de porter le maire de Tournefeuille Claude Raynal à la tête de la liste des sénatoriales a été un premier avertissement cinglant… Le début d’une longue série et d’un renouvellement ? Le duel entre deux nouvelles têtes, Sébastien Vincini et Nicolas Tissot, pour prendre la tête de la fédération du PS 31 est sans doute le début de la réponse. Le premier louvoie entre un soutien au gouvernement et ses affinités avec Arnaud Montebourg. Le second s’affiche avec les « frondeurs » du parti… La fédération sera un appareil crucial pour un retour en force de la gauche, notamment pour le quadrillage du terrain. « La reconquête de la ville va passer par la reconquête des quartiers, qui ont majoritairement voté Jean-Luc Moudenc », analyse Jean-Claude Duphil, historien spécialiste de la politique toulousaine. Avant cela, il faudra remotiver les troupes, « car on a perdu beaucoup de militants, plusieurs centaines de cartes n’ont pas été renouvelées cette année », révèle Nicolas Tissot.
Pour la course au Capitole, reste à trouver un leader qui incarne la ville. Pour notre politologue, « Pierre Cohen n’est plus en mesure d’incarner le désir… Il n’aura plus la confiance des militants. » Les anciens adjoints François Briançon, Joël Carreiras et Romain Cujives y pensent sans le dire. Jean-Claude Duphil est convaincu que la solution ne se trouve pas dans le groupe d’opposition : « Il faut du changement, une personnalité extérieure au groupe. » Peut-être Catherine Lemorton (« c’est sûrement la mieux placée, elle a déjà battu Moudenc sur son nom et elle a un bilan en tant que parlementaire », note S. Baumont), Christophe Borgel (plutôt silencieux sur le contexte toulousain, sans doute accaparé par ses dossiers parisiens) ou encore Nadia Pellefigue, vice-présidente ambitieuse du Conseil Régional. Le nom de Nathalie Mader, universitaire reconnue et épouse du chanteur star de notre ville, circule aussi dans certains salons…
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