Élu président du Conseil départemental de Haute-Garonne le 13 décembre dernier, Sébastien Vincini revient, pour le Journal Toulousain, sur la politique qu’il compte mener et le nouveau souffle qu’il souhaite insuffler à cette institution. Ses priorités, ses méthodes, sa façon d’appréhender les problématiques… Le nouveau patron du Département annonce des changements…
Sébastien Vincini, vous venez d’être élu à la tête du Conseil départemental de Haute-Garonne, succédant ainsi à Georges Méric, qui a démissionné de ses fonctions en novembre dernier. Quelles étaient vos relations ?
Notre histoire commence en 2011, après ma défaite aux élections cantonales. J’étais parti la fleur au fusil, pensant que j’allais gagné l’ex-canton de Cintegabelle. Je suis sorti troisième, à cause d’une dissidence. Cela a été très dur pour moi, mais j’en ai retiré une grande expérience. J’ai appris la résistance, la résilience, la patience et j’ai développé ma capacité à encaisser des coups. Quelques semaines après, Georges Méric m’a contacté, presque convoqué. Il venait d’être démis de ses fonctions de vice-président du Conseil général (nom du Conseil départemental jusqu’en 2015, NDLR), pour avoir mené une fronde contre Pierre Izard, le président de la collectivité de l’époque. Il me dit alors : « Nous allons devoir traverser le désert. Nous devons changer de méthodes et j’ai besoin de jeunes comme toi au Parti Socialiste. Faisons un bout de chemin ensemble ! » Nous ne nous sommes plus quittés et, pendant 11 ans, nous avons été compagnons de route. J’ai beaucoup appris à ses côtés. Nous avons formé un réel binôme. Il m’a fait confiance. Il m’a formé. Il y a une forme de filiation, je le reconnais.
« Je vais modifier certaines choses et impulser une autre dynamique »
Effectivement, vous êtes considéré comme son dauphin, estimez-vous logique de lui succéder aujourd’hui à la présidence du Département ?
Je me suis en effet construit et formé pour, un jour, diriger le Conseil départemental. Mais Georges Méric était le maître du temps. C’est lui qui a décidé de passer la main, avec un souci de transmission de ses valeurs humanistes, universalistes, républicaines et laïques. Il est donc effectivement logique que je reprenne la fonction, dans « une continuité adaptative » comme il aime le dire. Car, il connaît mon tempérament, mon caractère et mes méthodes et sait très bien que je vais modifier certaines choses et impulser une autre dynamique.
Cette logique était-elle partagée par tous les conseillers départementaux de la majorité ?
Le débat a été ouvert car j’aurais pu me sentir légitime, mais ne pas l’être au regard des autres. Il y a quand même 14 autres vice-présidents qui aurait pu prétendre à la fonction et qui en étaient totalement aptes. Mais personne ne s’est porté candidat. Et j’ai fait le plein de soutiens. J’ai fait l’unanimité au sein de notre groupe “Haute-Garonne en commun“.
Vous dîtes que Georges Méric « était le maître du temps ». Or, il avait annoncé, lors de sa première élection, qu’il ne souhaitait faire qu’un mandat. Il a expliqué sa seconde candidature par le fait que la relève n’était pas prête. Vous n’étiez pas prêt ?
Nous avons eu une discussion franche en 2020, à l’approche de la préparation de la campagne. Personnellement, j’avais besoin de passer par une autre étape : l’exercice de responsabilités dans la plus grande proximité, celle de maire de Cintegabelle. Je voulais me confronter au réel, impératif pour comprendre le quotidien des citoyens et la lenteur administrative. Quand on est maire, on reçoit des gens tous les jours et l’on se doit de trouver des solutions à leurs difficultés, rapidement. J’avais besoin de cet ancrage-là !
D’autre part, nous étions en pleine crise sanitaire due à la Covid-19. Nous n’avions aucune visibilité quant à l’état de l’opinion. Il fallait donc un capitaine qui tienne déjà la barre. Il n’était pas opportun d’engager une dynamique de renouvellement à ce moment-là. Nous avions un bon bilan et nous avons décidé, avec Georges Méric, qu’il le porterait.
« C’est ma génération qui doit prendre des décisions pour changer le cours des choses »
Finalement, il n’ira pas au bout de son second mandat, et vous prenez sa suite à 44 ans. Après Georges Méric, et Pierre Izard avant lui, qui ont respectivement quitté leur fonction à 75 et 80 ans, vous incarnez le renouveau et la jeunesse. Quel nouveau souffle allez-vous donner au Département ?
Georges Méric regardait le monde avec son regard de sage. Moi, je suis plus en prise avec le réel, avec le quotidien de beaucoup de quadragénaires. Je suis père de trois enfants, qui se trouvent dans trois niveaux scolaires différents (primaire, collège et lycée), mon épouse travaille… J’ai les mêmes problèmes que toutes les familles : l’école, les bouchons en voiture (je mets 1h30 tous les matins), l’organisation… De même, j’ai une très grande inquiétude vis-à-vis du changement climatique et de ses impacts. Je considère que c’est ma génération qui doit prendre des décisions pour changer le cours des choses et préparer les générations futures. J’arrive donc avec un regard un peu plus volontariste, enthousiaste et surtout optimiste.
En quoi votre politique va se différencier de celle de vos prédécesseurs ?
Aujourd’hui, le Conseil départemental doit franchir une nouvelle étape. Celle du partenariat et de la contractualisation. J’appelle cela le cumul des forces. Sans cela, certains dossiers n’avanceront pas, à l’image de celui des mobilités. Plus de 50% des habitants de Haute-Garonne viennent s’embouteiller dans les bouchons tous les matins et tous les soirs. Non seulement c’est pénible, mais en plus c’est nocif pour notre santé. Il faut prendre des décisions. Et alors que le Département n’a plus aucune compétence en la matière, je propose de nous mettre autour de la table et de contribuer à bâtir des réponses à cette problématique. J’ai interpellé le préfet de région, j’ai échangé longuement à ce sujet avec Carole Delga (présidente de la Région Occitanie, NDLR), et un rendez-vous est en prévision avec Jean-Luc Moudenc, le président de Toulouse Métropole pour la rentrée. Ceci pour accélérer les prises de décisions.
« Si toutes les institutions travaillaient ensemble, et non chacune de son côté, tout serait plus direct et plus rapide »
Vous évoquez le recours aux partenariats (public-privé) et aux contractualisations avec les autres collectivités et institutions. Qu’est-ce que cela apporterait ?
Effectivement. C’est une nouvelle ère qui s’ouvre, car je pense que nouer des contractualisations avec les organismes étatiques, permettrait d’être plus efficace. En matière de solidarité par exemple, nous devons une réponse globale aux personnes qui nous sollicitent et qui cumulent souvent les difficultés. Bâtir une réelle politique publique est essentiel. Cela permettrait également de moderniser l’action publique. Si toutes les institutions travaillaient ensemble, et non chacune de son côté, tout serait plus direct et plus rapide pour répondre aux problèmes du quotidien.
Concernant les partenariats public-privé, ils seraient bénéfiques dans l’aménagement numérique par exemple, pour créer des bâtiments intelligents, des territoires connectés et ainsi améliorer nos mobilités, nos consommations énergétiques, optimiser la gestion de nos déchets et de la ressource en eau… Tout ce champ des possibles n’est envisageable qu’avec le concours des entreprises. Nous devons attirer des créateurs, des chefs d’entreprises et des industries sur ces missions de service public.
Vous annoncez des partenariats dans le domaine des mobilités, domaine dans lequel le Département n’a pas de compétences directes vous le rappeliez. Dans ce cas, quel sera votre rôle ?
D’abord, nous amènerons une capacité d’investissement. Ensuite, une expertise car notre rôle d’aménageur du territoire nous permet de connaître la réalité des Haut-Garonnais. Mais encore faut-il parvenir à s’asseoir autour de la table… Nous ne sommes pas autorité d’organisation mais nous souhaitons investir, très concrètement, et donc faire partie des débats.
« Toulouse Métropole ne peut pas continuer à ne penser qu’à ses déplacements intra-muros »
Investir où ? Dans quoi ? Le RER Toulousain ?
La réponse à la problématique de la mobilité n’est pas unique, elle est multiple. Il faut renforcer les aires de covoiturage, les autoroutes à vélo (Réseau express vélo – Rev)… Et, évidemment, le RER Toulousain en fait partie. Nous avons d’ailleurs, cet automne, demandé à la préfecture la communication des études réalisées sur la question. Je vais maintenant aller plus loin, le porter politiquement. Et je pense que Toulouse Métropole ne peut pas continuer à ne penser qu’à ses déplacements intra-muros, ce serait une erreur. Les très nombreux Haut-Garonnais qui viennent travailler dans l’agglomération toulousaine sont issus du Sicoval, du Muretain, de la vallée de l’Ariège, des coteaux du Nord, de Montauban… C’est une réalité. Et si nous ne leur proposons pas des solutions de transports alternatives à la voiture rapidement, dans 10 ans, ce sera trop tard. Les décisions doivent se prendre maintenant ! Que les instances compétentes cessent de se renvoyer la balle ! Et si le Département peut faciliter leur mise en relation sur ce sujet, on aura avancé !
Les mobilités sont donc une des priorités du mandat “Sébastien Vincini”. Quels sont les autres sujets sur lesquels vous mettrez l’accent ?
D’abord, l’innovation sociale : nous devons lutter contre la pauvreté, la précarisation des travailleurs, accompagner les personnes éloignées de l’emploi en tissant de nouveaux partenariats. Ensuite, l’éducation : par la construction de sept collèges dans le périmètre métropolitain d’ici la fin du mandat, nous poursuivrons notre politique de mixité sociale et nous offrirons de meilleures conditions scolaires aux collégiens qui arrivent toujours plus nombreux sur notre territoire. Et pour finir, le défi climatique : nous devrons construire les logements différemment et sécuriser l’alimentation en eau potable.
« Je vais proposer de rétablir la fonction de rapporteur général du budget, et confier la mission à un membre de la minorité »
Autre nouveauté : politiquement parlant, vous optez pour un travail plus étroit avec l’opposition départementale…
Je préfère parler de minorité politique plutôt que d’opposition… Car les élus d’autres bords que le mien ne s’opposent pas systématiquement. De plus, ils ont été élus sur leur canton respectif, ils sont donc aussi légitimes que n’importe quel autre conseiller départemental de la majorité. Georges Méric cherchait toujours la concorde et la conciliation, sans transiger sur ses valeurs. Moi, je veux aller plus loin et institutionnaliser un fonctionnement plus démocratique. Par exemple, je vais proposer de rétablir la fonction de rapporteur général du budget, et confier la mission à un membre de la minorité. À eux de désigner l’élu qui l’occupera. Cela nous obligera à faire des efforts de transparence, d’explication, de débat. Un angle de vue différent est toujours plus sain. Il ne s’agira pas pour la minorité d’approuver ou pas notre budget, ni de le contrôler mais de mieux comprendre nos choix financiers.
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