Diversification des pratiques, cohabitation des usagers et développement de l’intermodalité. L’explosion de la micromobilité électrique bouscule nos habitudes de circulation dans la ville. Pour l’urbaniste Edouard Malsch, l’espace public de demain devra avant tout être flexible, adaptable et… apaisé.
« L’explosion de la micromobilité électrique a un impact indéniable sur les villes », observe Edouard Malsch, responsable d’un service urbanisme dans la fonction publique territoriale. « Globalement, les projets d’aménagement sont toujours élaborés dans une logique centrée sur l’automobile. Celle-ci est, encore aujourd’hui, le moyen de transport privilégié des Français. On entend souvent que les trottinettes envahissent les rues, mais c’est en fait la voiture qui est omniprésente. À terme, l’espace qui lui est dédié est voué à se restreindre afin d’accueillir les autres engins. La micromobilité est un mode de déplacement intéressant qu’il serait dommage d’interdire et qui nous offre l’opportunité de réinventer l’espace public. » L’expert constate le caractère fulgurant de certaines évolutions : « Les autorités ont à peine pris conscience de la nécessité d’investir pour adapter la ville au vélo que déjà apparaissent des alternatives à celui-ci. L’écart entre le temps politique et celui de l’innovation est tel qu’il y a un risque fort que les aménagements d’aujourd’hui soient obsolètes avant même d’être réalisés. Il faut donc surtout éviter de s’enfermer dans des configurations rigides », avertit-il.
En passant d’un modèle qui réunit trois ou quatre modes de déplacement (voiture, bus, vélo et piétons) à une multiplication des engins et des pratiques, le principal défi est celui de la cohabitation. « Il faut se rendre compte que la micromobilité ne rentre pas directement en concurrence avec l’auto ou les transports en commun. Il n’y a donc pas un transfert qui pourrait se traduire par une réhabilitation des infrastructures d’un usage vers l’autre. Cela pose la question du partage de l’espace public, qui n’est pas extensible. Il faut une plus grande flexibilité. Nous devons concevoir des aménagements adaptés aux différents aspects de la mobilité et ne plus réfléchir en termes d’usages figés avec des voies dédiées, délimitées par des trottoirs ou des bandes blanches. L’idée serait de passer d’un partage sectorisé de la voirie à un espace plus continu et inclusif », suggère Edouard Malsch.
Mais cette cohabitation n’est pas toujours évidente. « Contrairement, à ce que l’on peut s’imaginer, la micromobilité électrique n’est pas forcément compatible avec les vélos, car il existe un différentiel d’accélération et de vitesse qui peut s’avérer accidentogène. La régulation de cette dernière est donc une clé essentielle. Elle ne doit plus être pensée en fonction de la catégorie des véhicules. Il faut rendre équivalentes les vitesses pratiquées afin de favoriser la cohabitation. Il y a un effort a faire dans les deux sens : adapter les aménagements, mais également nos usages. Cette souplesse ne doit pas se limiter aux déplacements. Un espace public de qualité est un espace ou l’on peut circuler, mais aussi se poser et jouer », préconise Edouard Malsch, qui défend une vision apaisée du paysage urbain et de son appropriation.
Titulaire d’un master d’aménagement & urbanisme et d’une licence de géographie, il est actuellement responsable d’un service d’urbanisme dans la fonction publique territoriale. Il est aussi cofondateur du projet collaboratif UrbaNews.fr
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