Rencontrer de nouvelles personnes, faire une activité physique régulière, le foot en marchant est le sport pour senior par excellence : il permet de lutter contre l’isolement et de garder la forme. Même s’il n’est pas autant pratiqué en France qu’en Angleterre, le walking-foot est en train de se démocratiser dans l’Hexagone.
Faire son sac de sport pour retrouver les copains et se dépenser, ce petit rituel manque cruellement aux seniors, adeptes du football, qui ne sont plus en capacité physique de le pratiquer. Mais pour eux, la solution est toute trouvée : jouer en marchant. « Faire bouger nos aînés, c’est un peu l’idée de ce sport. Cela dérouille, entretient et vous donne la forme. Tout cela dans une ambiance chaleureuse. Nous nous chambrons énormément, nous retrouvons notre âme d’enfant », explique Fabien Bilger, responsable du foot en marchant du S.C Ebersheim en Alsace. L’objectif est multiple : conserver une condition physique adaptée, gagner en autonomie, mais aussi s’insérer dans un projet collectif, créer du lien social et sortir de l’isolement.
Jeff Smith, l’un des fondateurs de l’Association Bretagne Foot en Marchant, la toute première du genre lancée dans le Morbihan en 2016, précise que « le walking-foot permet aux personnes souffrant de pathologies, comme des problèmes cardiaques ou physiques, de gagner en confiance ». L’homme, de plus de 70 ans, ajoute que « cela aide également les habitants des zones rurales reculées comme le centre de la Bretagne à rencontrer d’autres personnes ».
La pratique du football en marchant amène les joueurs à entretenir des rapports sociaux qu’ils n’auraient pas forcément recherchés. C’est notamment le cas dans cette association, où les footballeurs ont entre 50 et 75 ans, et sont d’origines différentes : « Nous comptons 25 joueurs dans notre structure, et seulement sept Français. Nous avons par exemple deux Gallois, un Écossais et dix Anglais », indique Jeff Smith, qui a lui-même émigré d’Angleterre avec sa femme, en 2013, pour s’installer à Silfiac, dans le Morbihan.
Outre les entraînements, l’association bretonne organise des repas, des quiz et surtout des tournois, auxquels Fabien Bilger et son équipe alsacienne ont été invités. « Mais l’idée de traverser la France en a découragé certains », regrette le responsable du S.C Ebersheim. Cependant, ils participent à d’autres compétitions lorsqu’elles ont lieu dans la région. « Quand nous affrontons nos amis lorrains par exemple, c’est un peu comme les matchs de vétérans : après les rencontres, il y a une troisième mi-temps. D’ailleurs, après chaque entraînement nous nous retrouvons également. L’idée étant de créer un esprit de club de village », explique l’homme de 68 ans, toujours à l’aise pour jouer en attaque, comme il le faisait dans sa jeunesse.
Pas de courses à haute intensité, pas de mi-temps de 45 minutes ni de grand terrain. Le walking-foot se joue généralement à cinq contre cinq, sur un terrain synthétique ou de gazon de 25 mètres sur 50, ou bien sur un terrain de hand-ball, avec des mini-buts. Durant les rencontres, le premier qui s’avise de courir au lieu de marcher est immédiatement rappelé à l’ordre par l’arbitre. « La différence entre courir et marcher n’est pas forcément évidente. Il est en fait interdit de décoller les deux pieds du sol. » D’autres règles sont également revues par rapport au football traditionnel : « Nous n’avons pas le droit de rentrer dans la surface de réparation, elle est réservée au gardien. De même, les coups francs sont toujours indirects, et tous les contacts, comme les tacles, sont proscrits », précise Claude Cotton, joueur de 55 ans et membre de l’administration de l’ABFM. Il poursuit : « Nous veillons à maintenir le ballon au sol. Et nous jouons en trois touches de balles maximum, cela évite que les participants se mettent à dribbler. »
Ces règles strictes ne se font pourtant pas au détriment du beau jeu. Le dispositif tactique et la fluidité l’emportent sur les pointes de vitesse décisives et les dribbles en tous genres. Une philosophie de jeu qui convient bien à Fabien Bilger : « C’est une activité physique qui est vraiment recherchée par les seniors. Mais attention, il faut tout de même avoir un peu de technique. »
Dans l’Hexagone, le football en marchant est bien moins développé qu’en Angleterre, pays où il a fait son apparition. Il faut remonter à 2011 pour voir le club de football de Chesterfield, dans le Derbyshire, prendre l’initiative de monter une équipe. « D’anciens joueurs professionnels, frustrés de ne plus pratiquer, se sont dit : “Pourquoi l’on ne continuerait pas ?” », explique Claude Cotton. Aujourd’hui, plus de 1 200 clubs sont recensés en Grande-Bretagne. Les conditions d’entraînements et de matchs ne sont pas les mêmes qu’en France : « J’ai discuté avec un joueur de Boston que nous avons reçu l’année dernière lors d’un tournoi. Il me disait pouvoir enchaîner trois entraînements en un seul week-end. Chez eux, c’est vraiment une passion. Et ils sont là pour gagner. Ça ne rigole pas », témoigne-t-il.
En France, le walking-football n’en est qu’à ses débuts. « Nous avons eu jusqu’à présent 32 contacts avec d’autres équipes dans le pays, et nous avons rencontré 12 formations lors de compétitions ou de séances de démonstration. C’est en train de se développer petit à petit », indique Jeff Smith. Aujourd’hui, il existe même un responsable du foot en marchant à la Fédération. Sa mission est de mettre en avant ce sport sur le territoire. « Sur le principe, la Fédération française de football est d’accord pour nous affilier, mais il faut encore que nous nous organisions pour définir les règles exactes », termine Claude Cotton.
Erwan Issanchou
En attendant, des initiatives visant à faire du sport un vecteur d’insertion sociale fleurissent dans toute la France. Et ce auprès de publics très variés. Qu’il s’agisse de football en marchant pour que les personnes âgées puissent garder un lien social, de karaté pour que les femmes victimes de violence se réapproprient leur corps, ou d’athlétisme pour aider les autistes à maîtriser leurs angoisses. Un petit échantillon des nombreux projets que le JT met en exergue dans ce dossier du mois d’octobre.
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