Jusqu’à l’aube du XXIe siècle, l’occasion était un marché de niches. Avec ses propres réseaux, amateurs et usages. Les bibliophages, mélomanes ou bricoleurs du dimanche chinaient leurs trésors auprès des bouquinistes, le samedi aux puces ou dans des boutiques spécialisées. Mais avec l’avènement d’Internet, le secteur de la deuxième main s’est largement généralisé. À la saison où fleurissent les vide-greniers, le JT a sauté sur l’occasion pour dénicher les meilleurs plans.
Près de 58 % des Français ont acheté au moins un objet d’occasion au cours de l’année 2018, selon la dernière étude de l’Observatoire société et consommation (Obsoco) qui suit le phénomène depuis 2012. « Notre hypothèse de départ considérait que les pratiques de consommation alternatives comme l’acquisition et la revente de produits de deuxième main étaient liées à la crise financière de 2008 », expose Agnès Crozet, économiste et secrétaire générale de l’Obsoco.
« Il y a évidemment d’abord l’envie de faire des économies »
Une théorie partiellement contredite par la relative stabilité du marché au moment où l’économie semble se porter mieux. « Nous observons un léger recul de la part des Français impliqués dans ce marché (58% contre 61% en 2012), mais qui est compensé par un plus fort engagement et une diversification des secteurs concernés », précise l’analyste. Autrement dit, les consommateurs sont un peu moins nombreux à privilégier les achats d’occasion, mais ils acquièrent plus de biens et y consacrent une part plus importante de leur budget.
« C’est d’abord une envie de faire des économies. Mais l’achat d’occasion est aussi massivement justifié par le désir de faire un geste pour l’environnement en donnant une deuxième vie aux objets. Ces arguments sont surtout exprimés par les jeunes et les personnes qui se disent à gauche ou proches des mouvements écologistes », analyse Agnès Crozet, qui relève également une aspiration à la qualité. La seconde main étant le moyen pour beaucoup de gens de s’offrir des biens inaccessibles neufs. Si les produits culturels sont toujours très prisés (22 % des Français en ont acquis d’occasion en 2018), le secteur des vêtements (19 %) est en pleine expansion, devant celui des jouets (12 %) et, plus loin, de la mobilité (10 %).
« Faire un geste pour l’environnement en donnant une deuxième vie aux objets »
La téléphonie et le luxe faisant partie des marchés émergents. « La raison écologique peut-être exprimée comme justification a posteriori ou pour valoriser des pratiques, mais elle est rarement la cause motivante ou principale. Sauf dans le cadre militant », nuance Dominique Desjeux, professeur d’anthropologie et spécialiste de la consommation. Selon lui, bien que les facteurs d’évolution des usages soient toujours multiples, la question du pouvoir d’achat est centrale, suivie de près par la facilité de mise en œuvre de la démarche.
« L’offre s’est étoffée et la gamme des produits s’est enrichie »
C’est pourquoi le boum du numérique a été un facteur décisif dans le développement du marché de l’occasion. « La consommation collaborative a toujours existé, mais ces pratiques, comme les vide-greniers ou les brocantes, ont été remises au goût du jour et favorisées par Internet. Les plateformes de mise en relation entre particuliers se sont institutionnalisées et ont sécurisé les échanges, proposant plus de garanties aux acheteurs. De manière générale, l’offre s’est étoffée et nous observons un enrichissement de la gamme des produits », explique l’économiste de l’Obsoco.
Celle-ci constate également que des acteurs historiques de la vente d’objets neufs s’adaptent aussi à ce marché. Certaines enseignes de la grande distribution intégrant des articles de deuxième main à leurs rayons.
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