Enjeu économique et sociétal, l’innovation est inévitablement au cœur de notre quotidien. Alors qu’elles représentent 52 % de la population, les femmes disposent d’une place encore trop marginale dans ce processus de recherche et de développement. Un potentiel à côté duquel l’Association des femmes entrepreneurs d’Europe se refuse de passer. Pour cela, elle organise ce jeudi 14 novembre son troisième colloque Femmes & innovation. Partenaire de cette démarche, le JT est allé à la rencontre de quatre femmes porteuses d’idées novatrices.
Quand on parle innovation, on pense aux nouvelles technologies ou aux industries de pointe. Des univers que l’on imagine peuplés d’hommes connectés et dans la force de l’âge. Bien qu’imprécise, cette image d’une surreprésentation masculine se vérifie malheureusement sur le terrain.
« Il ne faut pas confondre invention, création et innovation. La dernière étant la traduction, sur le marché, des deux premières. Elle s’accompagne toujours d’une appropriation sociale de la nouveauté et conditionne les grandes politiques industrielles », définit Séverine Le Loarne, titulaire de la chaire Femme et renouveau économique de l’école de management de Grenoble.
Ainsi, l’innovation ne se limite pas aux secteurs les plus techniques. On en parle également dans la gestion d’équipe ou dans les modèles d’affaires. « Depuis le début des années 2000, les révolutions les plus spectaculaires ont eu lieu dans le champ économique », précise l’universitaire, qui cite l’explosion de la vente par Internet ou des livraisons via des plateformes numériques.
« Un point de vue nouveau et donc décalé »
Pour elle, donc, « l’innovation est intimement liée aux choix stratégiques et économiques de l’entreprise ». Ce qui génère une double discrimination à l’égard des femmes. Celles-ci sont statistiquement peu présentes dans les métiers de la “R&D” (22 % d’ingénieures), et dans les chaînes de décision au sein des sociétés. Là où se joue l’avenir de l’innovation.
Pourtant, Séverine Le Loarne est formelle. L’inventivité n’est pas, par essence, fonction du genre. « C’est la marginalité qui provoque l’originalité. Quand une femme intègre un groupe d’innovation, elle se retrouve dans un univers qui lui est moins familier que ses homologues masculins. De ce fait, elle aura tendance à avoir un point de vue nouveau et donc décalé », explique la chercheuse. Un atout pour la créativité à l’heure de concevoir les transformations les plus radicales.
« Augmenter la présence des femmes dans ces secteurs, c’est déjà de l’innovation »
Mais qui peine à se traduire par des responsabilités dans les domaines les plus techniques. Principalement ceux liés au numérique, à l’intelligence artificielle et aux technologies de rupture pourtant en pleine croissance et avides de compétences. « Augmenter la présence des femmes dans ces secteurs, avec leur regard singulier, c’est déjà de l’innovation », relève Carole Maurage, fondatrice du mouvement Digital Girls et présidente de l’agence Myneedmysolution.
Selon elle, ces dernières auraient tendance à se tourner vers les innovations d’usage ou organisationnelles. « On les retrouve essentiellement dans tout ce qui est lié à l’innovation en termes de méthode de travail et de gouvernance. Les femmes sont plus enclines à briser les structures hiérarchiques pour privilégier les processus d’intelligence collective.
Même quand elles s’investissent dans la technologie, elles adoptent plus naturellement une approche d’avantage centrée sur l’humain », observe Carole Maurage qui remarque que les initiatives pour faire bouger les lignes se multiplient. Même si ces efforts ne sont pas toujours visibles dans les statistiques. « Il faut continuer de les pousser. Leur dédier des programmes et les convaincre que les places de leader sont pour elles », ajoute-t-elle.
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