Il y a des tragรฉdies. Comme, en dรฉcembre dernier, celle de cette femme dรฉcรฉdรฉe 12 heures aprรจs son arrivรฉe aux urgences de lโhรดpital Lariboisiรจre, ร Paris. Et puis il y a le drame du quotidien : des services saturรฉs, des รฉquipes รฉpuisรฉes, et par consรฉquent des patients parfois mal pris en charge. Le projet de loi Santรฉ, qui vient dโรชtre prรฉsentรฉ par la ministre Agnรจs Buzyn, contient quelques pistes pour dรฉsengorger les urgences. Entre alternatives existantes et rรฉorganisation globale de lโoffre mรฉdicale pour assurer la permanence des soins, le JT a consultรฉ des spรฉcialistes.
Le nombre de passages aux urgences a augmentรฉ de 14 millions en 2002 ร 21,4 millions en 2018, selon la Fรฉdรฉration des observatoires rรฉgionaux des urgences. Salles bondรฉes, attente interminable, patients qui restentย des nuits entiรจres sur des civiรจres… La qualitรฉ de la prise en charge en pรขtit et les drames se rรฉpรจtentย : ยซย Aujourdโhui, on essaie juste dโรฉviter des morts sur les brancardsย ยป, lance Christophe Prudhomme, porte-parole de lโAssociation des mรฉdecins-urgentistes de France (Amuf). Ce dernier tรฉmoigne dโune profession au bord de la crise de nerfsย : ยซย Ils nโen peuvent plus. ร 35-40 ans, ils sont flinguรฉs. Et ils se sauvent tous des urgences ร cause des conditions de travail indignes.ย ยป Ainsi, un quart des postes ร temps plein ne sont pas pourvus.
ยซย Aujourdโhui, on essaie juste dโรฉviter des morts sur les brancardsย ยป
Dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes rappelle que ยซย ce systรจme ร bout de souffleย ยป coรปte cher, plus de 3ย milliards dโeuros par an ร lโAssurance-maladie. Sachant quโun passage aux urgences (sans hospitalisation) est tarifรฉ 148ย euros ร la Sรฉcuritรฉ sociale, alors quโune visite ร domicile lโest entre 84 et 104ย euros. Les sages montrent du doigt la bobologieย : ยซย Il est permis de penser quโenviron 20ย % des patients actuels des urgences ne devraient pas frรฉquenter ces structures.ย ยป Et regrettent que le systรจme ne favorise pas lโorientation des cas les moins graves vers des mรฉdecins traitants.
ยซโMais cโest justement parce quโil nโy en a pas assez que les gens viennent aux urgencesย ! Lโeffondrement de la dรฉmographie mรฉdicale de ville est le nลud du problรจmeโยป, rรฉpondย Christophe Prudhomme. Le nombre de gรฉnรฉralistes ne cesse en effet de baisser โ la France en a perdu plus de 10ย 000 en dix ans, selon le Lโordre des mรฉdecins โ ร mesure que celui des spรฉcialistes augmente, ยซย ce qui ne correspond nullement aux besoins de la populationย ยป. Cโest ร la fin des annรฉesย 1990 que le manque a commencรฉ ร nettement se faire sentir, obligeant les mรฉdecins traitants dรฉjร installรฉs ร prendre en charge de plus en plus de patients. Pour les soulager, le ministre de la Santรฉ Jean-Franรงois Mattei a diminuรฉ, en 2003, le nombre de leurs gardes et astreintesย : ยซโNous avions prรฉvenu que cela risquait de faire exploser les urgences. Malheureusement, nous avions raisonย ยป, dรฉplore le porte-parole de lโAmuf.
ยซย Lโeffondrement de la dรฉmographie mรฉdicale de ville est le nลud du problรจmeย ยป
Ce dernier pointe les incohรฉrences du systรจme de formation franรงais, qui devrait accepter, selon lui, davantage dโรฉtudiantsย : ยซย Un quart des nouveaux mรฉdecins ont un diplรดme obtenu ร lโรฉtranger… Ce sont les mรชmes qui sโรฉtaient fait jeter comme des malpropres de nos universitรฉs ร cause du numerus clausus.ย ยป Et regrette les rรฉpercutions de la baisse du nombre de gรฉnรฉralistes sur la santรฉ dโuneย partie de la population, qui se retrouve aux urgencesย : ยซย On voit arriver des gens dans un รฉtat trรจs dรฉgradรฉ parce quโils ne consultent plus aucun mรฉdecin en villeโdepuis trop longtemps ยป, tรฉmoigne Christophe Prudhomme, qui doute enfin de lโefficacitรฉ du plan santรฉย 2022 dโEmmanuel Macron, craignant ยซย des petites solutions concoctรฉes par des experts trop loin du terrain ยป. ยซ Alors quโil faudrait remettre ร plat lโensemble du systรจme ยป, lance-t-il.
ยฉ Le Journal Toulousain
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