Afin de prévenir les abus ou les mauvais usages des écrans, il faut en contrôler l’utilisation. Mais où poser les limites ? Sont-elles les mêmes pour un enfant en bas âge que pour un préadolescent ? Les outils numériques sont-ils à bannir ? Les réponses de Serge Tisseron, psychiatre, à l’origine des ‘’balises 3-6-9-12’’.
©C. Benfredj (Wikipedia)Le problème ne vient pas de l’objet en lui-même, mais de son usage. Ainsi, les écrans et les outils numériques en général ne sont pas néfastes par nature pour les enfants. Seule l’est leur utilisation excessive.
Pour guider les parents dans cette gestion des limites, Serge Tisseron, psychiatre spécialiste des problématiques liées à l’emploi abusif des écrans, a édite en 2008 une série de repères baptisés “balises 3-6-9-12”. Celles-ci font désormais référence et sont recommandées par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mild&Ca). Il s’agit d’adapter l’activité selon les âges, autant que faire se peut. La première des règles étant : pas de télévision ni d’écrans non interactifs avant 3 ans. « D’abord, parce qu’ils n’apportent rien à l’enfant. Ensuite, parce qu’ils l’empêchent de se concentrer sur l’essentiel à cet âge comme l’apprentissage du langage, la socialisation par les mimiques, le développement de l’attention et la motricité », explique Serge Tisseron. Tout du moins, l’expert conseille une exposition n’excédant pas cinq minutes, en privilégiant toujours les jouets traditionnels et les relations avec l’enfant.
À partir de 3 ans, la télévision peut être introduite, mais avec modération et dans le respect de certaines règles, en fixant des tranches horaires : « ‘’Tu peux regarder un dessin animé pendant 15 minutes’’ (une heure maximum). Ou, ‘’Regardes la pendule, tu pourras allumer la TV quand les deux aiguilles seront sur le 10’’. Cela lui apprend à attendre », précise le psychiatre. Ce dernier préconise d’ailleurs de ne pas acheter d’écran spécifiquement pour l’enfant, car il sera alors difficile de le lui retirer sans se heurter au fameux : « Non, c’est à moi ! » Mieux vaut avoir recours à des écrans familiaux, de même qu’à des DVD plutôt qu’au flux continu de la télé. L’enfant peut ainsi choisir ce qu’il regarde et le parent en limiter automatiquement l’exposition.
De même, l’expert contre-indique l’achat de consoles de jeu personnelles avant 6 ans : « Les logiciels éducatifs avant cet âge n’existent pas. Ils sont purement ludiques. » Il convient donc de privilégier des activités déconnectées plus classiques. C’est à partir de 6 ans que les jeux vidéo peuvent être intégrés, sous contrôle des parents. « Et pour commencer, ‘’Minecraft’’, un logiciel de construction en ligne, est plutôt bien adapté », suggère Serge Tisseron. Par la suite, il est préconisé d’opter pour des jeux à plusieurs participants comme ‘’Mariokart’’, qui favorisent les interactions physiques.
Le passage sur Internet peut quant à lui s’effectuer dès 9 ans, sous forme d’initiation. En appuyant sur les dangers du Web comme la pornographie ou les fake-news. Il pourra ainsi, à partir de 12 ans, surfer seul, sur des moments de connexion autorisés et définis avec ses parents.
Des règles qu’il peut être difficile de mettre en œuvre à l’heure du tout numérique, mais pas de panique, « un enfant ne deviendra pas pour autant idiot », confirme l’expert. « Il faut simplement l’accompagner dans l’utilisation de ces outils, alterner les activités et lui apprendre à s’autoréguler. »
Psychiatre et docteur en psychologie, habilité à diriger des recherches, il est également membre de l’Académie des technologies, chercheur associé à l’Université Paris VII Denis-Diderot (CRPMS).
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