Bien que difficilement mesurable, l’impact de la disparition des abeilles fait planer le spectre de graves crises alimentaires mondiales. Conscients du rôle crucial de leurs protégées, les apiculteurs organisent, du 13 au 15 juin, la 10e édition des journées APIdays®. Un rendez-vous national en faveur des abeilles et des pollinisateurs sauvages. À cette occasion, le JT est allé butiner les meilleures idées essaimées par tous les passionnés qui volent au secours de ce sympathique insecte.
©johnpaulgoguenDurant l’hiver 2017, le taux moyen de mortalité des colonies d’abeilles à l’échelle nationale était estimé à 29,4 %, selon la dernière enquête du ministère de l’Agriculture. Un chiffre très au-delà des 10 % de mortalité hivernale, qualifié de normal. « Une colonie sur trois a donc été décimée en quelques mois », confirme Christophe Gatineau, agronome, auteur du livre “Éloge de l’abeille” (Éditions Flammarion). L’expert y explique notamment la différence entre les hyménoptères sauvages et ceux dits “domestiques”. Les premières évoluant seules dans leur environnement naturel quand les secondes sont élevées en ruche par l’Homme.
« Une perte de 40 à 60 % de la population des abeilles en 20 ans »
Et la distinction est de taille. « Si les insectes domestiques, dont le renouvellement des cheptels est assuré par les apiculteurs, subissent une surmortalité, les espèces sauvages, elles, sont véritablement en déclin », précise Axel Decourtye, directeur scientifique de l’Institut des abeilles (Itsap). « Des inventaires réalisés en Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni font état d’une perte de 40 à 60 % de leur population en 20 ans. La France n’a pas mené de telles études, mais la situation est certainement la même », estime le chercheur.
Trois causes majeures ont été identifiées pour expliquer à la fois le dépérissement des colonies domestiques et le déclin des espèces sauvages : les agresseurs naturels, les polluants et le manque de ressources alimentaires. Un point commun à ces agents extérieurs : l’Homme. « Son intervention accentue les effets mortels pour les abeilles », confie Axel Decourtye. Il précise : « Par exemple, le varroa, petit acarien parasite de l’abeille, et le frelon à pattes jaunes, tout deux originaires d’Asie, ont été importés par nos soins. Les abeilles européennes n’étant pas armées pour s’en défendre, elles subissent leurs attaques en masse. »
Il en est de même pour l’utilisation de produits chimiques comme le glyphosate. Ce dernier « ralentit le rythme cardiaque des abeilles, les désoriente et agit sur leur mémoire », rajoute Christophe Gatineau. Ainsi, elles ne parviennent plus à retrouver leur ruche ou leur essaim et ne peuvent plus nourrir les reines qui meurent rapidement. Sans compter la raréfaction de la flore qui n’est plus assez abondante ni assez variée pour répondre aux besoins des différentes espèces d’hyménoptères.
« Si cette tendance se poursuit, les cultures nutritives telles que les fruits et les légumes seront remplacées par des cultures vivrières comme le riz, le maïs et les pommes de terre, favorisant les régimes alimentaires déséquilibrés », alerte l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). En effet, 80 % des plantes dépendent de la pollinisation des insectes, ce qui représente un tiers de notre alimentation. Et en la matière, l’abeille est la plus performante.
« Si les abeilles disparaissent, tout comme les vers de terre, ce sera la famine »
Un rôle fondamental dans la chaîne alimentaire et dans tout notre écosystème. « Si les abeilles disparaissent, tout comme les vers de terre, ce sera la famine », s’alarme Christophe Gatineau, arguant que toutes les réponses industrielles et chimiques ne remplaceront jamais la nature. « Ce sont des remèdes de très court terme, qui s’avéreront pires que le mal lui-même », conclut-il.
Sources : Greenpeace, Anses, Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
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