Unique en France, la Coopérative de l’immobilier, née à Toulouse, regroupe des propriétaires sociétaires qui unissent leur force pour faire baisser les critères hyper sélectifs exigés des locataires. Cette agence pas comme les autres entend mettre fin au cercle vicieux qui empêche toute une catégorie de la population d’accéder à un logement.
®Franck Alix« Tous les propriétaires en France ne sont pas de gros capitalistes assoiffés d’argent », lance Vincent Borrel. C’est pour lever ce genre de malentendus aboutissant à un climat de défiance généralisé qu’en 2017, cet homme a fondé, à Toulouse, la première société coopérative en matière d’immobilier en France. « Cela m’énervait de voir des gens tout à fait solvables ne pas pouvoir accéder à des logements à cause de demandes aberrantes. Les critères sont tellement sélectifs que l’on préfère laisser des appartements vides. Une situation absurde », déplore le président de la Coopérative de l’immobilier.
« Tous les proprios en France ne sont pas de gros capitalistes »
À Toulouse, ce constat se traduit en chiffres : 30 000 logements vacants, un taux de rotation de locataires de 18 mois pour les petites surfaces alors que la moyenne est de 36 mois, un délai de relocation deux fois supérieur à d’autres métropoles et une hausse continue des loyers. Pour sortir du cercle vicieux, plusieurs « petits » propriétaires se sont donc réunis pour créer leur propre agence, basée sur le modèle de l’économie sociale et solidaire. Un système simple qui repose sur la force du nombre : « En nous regroupant, nous pouvons négocier avec la couverture d’assurance afin de rendre les critères plus accessibles », expose l’entrepreneur. L’avantage de la coopérative est également de pouvoir actionner l’ensemble des dispositifs de garantie existant pour répondre de la solvabilité des locataires.
Résultat, pour chaque bien géré par ses soins, la Coopérative de l’immobilier augmente le nombre des candidats potentiels, mais aussi la variété de leurs profils. Parmi les occupants des 60 lots confiés jusqu’ici à la société, figurent notamment 6 % d’intérimaires, 12 % de personnes bénéficiaires du Fonds de solidarité logement (FSL) destiné aux locataires rencontrant des difficultés financières, et autant de gens ayant droit au dispositif Visale, un système de caution dédié aux moins de 30 ans. « Ce sont des statistiques que vous ne retrouvez pas dans les agences classiques. Nous avons aussi permis de se loger à une famille syrienne, à des retraités ou à des personnes en situation de handicap. De manière générale, c’est bien simple, nous n’avons aucun occupant en CDI », assure Vincent Borrel.
« Nous n’avons aucun occupant en CDI »
Fabienne Lopez est l’une de ces locataires. Avant d’intégrer au mois de juin dernier un appartement propriété de la mairie de Bois-de-la-Pierre, petite commune de Haute-Garonne, elle a cherché pendant six mois, en vain : « En tant que bénéficiaire d’une pension invalidité, on ne me laissait même pas faire de visite. C’est quand j’ai répondu à l’annonce pour cet appartement que l’on m’a mise en contact avec la Coopérative de l’immobilier. Ils ont réussi à faire baisser le loyer afin que j’ai droit à la Garantie loyers impayés et tout s’est fait en une semaine », explique-t-elle. Un exemple typique des relations qu’entretient la coopérative avec sa trentaine de sociétaires, dont fait partie la commune de Bois-de-la-Pierre.
La société entend ainsi faire passer le message qu’en plaçant la barre trop haute, les propriétaires ne sont pas nécessairement gagnants à long terme. « Toutes les agences immobilières à Toulouse recherchent le profil type de l’Airbusien, le must du locataire. Mais au bout de deux ou trois ans, ce dernier finit forcément par acheter et c’est reparti pour plusieurs mois de vacance », illustre Vincent Borrel, qui prône donc la stabilité sur la longue durée.
Par son modèle économique, dont l’objectif est uniquement de faire vivre ses services et ses deux salariés, la Coopérative de l’immobilier prouve également qu’un propriétaire, un locataire et un agent immobilier peuvent poursuivre un but commun. « Ce fonctionnement m’assure que tout est fait dans mon intérêt. Et j’ai aussi conscience qu’il est une solution d’avenir à une vraie problématique », témoigne Stéphane Isnard, récent acquéreur d’un T2 à Borderouge. « Mon locataire actuel est en CDD dans l’informatique. Travaillant dans le même domaine, en tant que fonctionnaire à l’université, je suis bien placé pour savoir qu’il n’est pas forcément précaire et qu’il n’a pas à gagner trois fois le montant du loyer pour pouvoir payer. »
« Une solution d’avenir à une vraie problématique »
Stéphane Isnard compte bien mettre ses compétences au service de la coopérative afin de participer à son développement. Pour l’instant, elle fonctionne surtout grâce aux transactions immobilières et les locataires découvrent l’alternative qu’elle représente au hasard des milliers d’annonces. « À notre taille, nous sommes encore loin du grand soir du logement », confie Vincent Borrel. Pour autant, la Coopérative de l’immobilier nourrit de belles ambitions et espère, à terme, essaimer dans toute la France.
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