Ce mardi 15 février 2022, la cour d’appel administrative de Bordeaux a confirmé l’annulation du Plan local d’urbanisme de Toulouse métropole. Une décision attendue qui oblige la collectivité à revoir sa copie. Le futur document, qui devrait aboutir en 2025, devra se plier aux nouvelles normes en matière de lutte contre l’artificialisation de sols, beaucoup plus ambitieuses et contraignantes.
La politique mise en place par la majorité de Jean-Luc Moudenc au sein de la métropole de Toulouse enchaîne les revers juridiques. En effet, par un arrêté daté du 15 février 2022, la cour administrative d’appel de Bordeaux vient de confirmer l’annulation du Plan local d’urbanisme (PLUi-H) de la métropole prononcée par le tribunal administratif de Toulouse, le 30 mars 2021. Une décision prévisible, après l’audience du rapporteur public qui avait plaidé dans ce sens. Également confrontée à l’annulation de son Plan de déplacement urbain (PDU) ainsi qu’à de vives critiques sur son projet de troisième ligne de métro (plan de financement jugé imprudent et étude d’impact environnemental qualifiée d’insincère par des associations), la majorité se voit contrainte, face à la multiplication des recours en justice, de réviser sa politique générale de développement urbain.
« C’est un véritable exploit réalisé par Jean-Luc Moudenc. Le PDU annulé, le Plan climat obsolète, le PLUi-H annulé à son tour et une troisième ligne de métro qui devrait arriver quatre ans après la date prévue. Je ne sais pas s’il existe un maire qui s’y prend aussi mal, mais, s’il existe, j’aimerais le rencontrer », tacle François Piquemal, conseiller métropolitain de l’opposition au sein du groupe Alternative pour une métropole citoyenne (AMC).
« Au vu de l’intervention du rapporteur public qui concluait à l’annulation définitive du PLUi-H, nous n’avons pas été surpris par la décision de la cour d’appel administrative », reconnaît Annette Laigneau, vice-présidente de Toulouse métropole en charge de l’urbanisme, qui regrette toutefois la portée de cette décision. « Ce document, que nous avons mis plusieurs années à élaborer, est l’aboutissement d’un énorme travail des 37 maires de la métropole. Or, un plan d’une telle ampleur est forcément imparfait. Mais ses défauts sont minimes et le motif d’annulation est dérisoire en comparaison de l’importance et de la complexité du sujet », déplore la vice-présidente qui souligne également que cette annulation est le fruit du recours « d’un habitant toulousain qui estimait que le PLUi-H, en réduisant la hauteur des habitations constructible, lui faisait gagner un peu moins d’argent en spéculant sur son terrain. Le PLUi-H, qui est un document d’intérêt public, a malheureusement été annulé sur la base d’intérêts particuliers ».
« Aujourd’hui, tous les projets sont contestés par des minorités »
Le tribunal administratif précise toutefois avoir donné suite à 11 de la quarantaine de requêtes dirigées contre ce document d’urbanisme, dont certaines émanaient d’associations de riverains et de protection de l’environnement. « Aujourd’hui, tous les projets sont contestés par des minorités. Et, sur des programmes aussi complexes, on peut toujours trouver une petite anomalie », relativise l’élue. Une multiplication des procédures que François Piquemal explique par « l’entêtement » du président de la métropole. « On ne constate pas de tels déboires juridiques dans les autres collectivités. En refusant la concertation et en restant sourd aux préconisations des associations, c’est Jean-Luc Moudenc lui-même qui contraint la société civile à se rabattre sur des recours administratifs ».
Néanmoins, pour Annette Laigneau, l’annulation du plan local d’urbanisme par le tribunal administratif de Toulouse était motivée par des questions de forme plus que de fond. « Contrairement à ce qui a été dit, le PLUi-H n’a pas été annulé à cause d’une consommation excessive des espaces naturels. Le recours portait sur la méthode de calcul de la consommation foncière. Nous devions faire le bilan des dix dernières années pour établir la trajectoire à suivre dans les prochaines années. Or, au moment de l’élaboration du plan, les chiffres officiels des deux dernières années n’avaient pas encore été publiés et nous avons dû les extrapoler. Il nous a été reproché de mal avoir estimé les besoins. Mais, le jour de l’audience, nous avons apporté ces données officielles et la preuve que nos tendances prospectives étaient avérées », insiste Annette Laigneau. Ce qui ne l’empêche pas de défendre l’ambition de ce premier texte. « À l’époque où nous avions conçu le PLUi-H, le Schéma de cohérence territoriale (Scot), qui établit la feuille de route du plan d’urbanisme, avait déjà diminué les prévisions de consommation foncière. Nous avions même réduit cette consommation de 10 % par rapport aux préconisations. La tendance était déjà la baisse. »
« Une surévaluation des besoins fonciers et une hausse du rythme de prélèvement »
Dans les faits, si le tribunal administratif mentionne effectivement des « insuffisances substantielles dans l’analyse de la consommation des espaces naturels et agricoles et la justification des objectifs de modération de cette consommation », la justice a tout de même conclu à une « surestimation » des données produites et à une « surévaluation des besoins fonciers ». Le tribunal a même déduit que, au lieu de présenter une réduction de l’artificialisation des sols, le PLUi-H qui lui avait été soumis induisait « une hausse du rythme de prélèvement, par rapport à la décennie antérieure ».
« Nous avions fait une analyse de la crise passée et nous avions constaté une tendance significative à la reprise de l’emploi et de l’attractivité de la métropole. Ce qui implique une forte pression démographique », maintient Annette Laigneau qui assure que, à ce jour, la collectivité n’a « pas de motifs justifiant de modifier l’orientation et la trajectoire du PLUi-H annulé ». Toutefois, comme l’explique l’élue, le cadre légal a évolué entre la délibération du 11 avril 2019 qui actait le précédent plan d’urbanisme et aujourd’hui.
Concrètement, la loi Climat et résilience, votée en août 2021, durcit ses dispositions en matière de lutte contre l’artificialisation des sols. Désormais, les collectivités sont tenues de réduire de moitié leur consommation d’espaces naturels dans la prochaine décennie et atteindre zéro artificialisation nette en 2050. La métropole toulousaine sera donc contrainte de passer de 130 à 65 hectares rendus constructibles (terrains à bâtir, voirie, Zone d’aménagement concerté [ZAC], etc.) chaque année.
« Cette nouvelle loi de sobriété foncière nous place face à un challenge énorme. Mais cela nous offre également l’occasion d’être la première métropole à mettre en application cette ambition dans son PLUi-H », se félicite Annette Laigneau qui assure que la collectivité profitera de cette révision forcée pour renforcer l’impact de son programme, notamment sur ses ambitions en matière de transition énergétique et climatique. « Sans sacrifier à la qualité de vie des Toulousains », ajoute-t-elle. Ce nouveau document devrait être finalisé le 1er janvier 2025.
« Jean-Luc Moudenc veut foncer et on finit par se retrouver dans le mur, stoppé net »
Néanmoins, pendant près de trois ans, les communes de la métropole devront se baser sur les plans d’urbanisme antérieurs tout en anticipant les contraintes du futur plan. « Nous faisons face à de petites tracasseries. Certains projets ou opérations de ZAC vont être un peu freinés. Mais surtout, en revenant au précédent PLU, nous avons perdu le moyen et l’autorité pour freiner l’appétit d’artificialisation des promoteurs. Ceux-ci peuvent s’appuyer sur l’ancien texte pour imposer des projets sans que nous puissions juridiquement nous y opposer. Nous avons une année difficile à passer mais nous allons limiter les problèmes par le dialogue », assure la vice-présidente.
Une situation qui inquiète particulièrement l’opposition. « Nous n’avons toujours pas de stratégie claire sur ce que doit être la politique du logement sur la métropole. Nous sommes, encore une fois, face à une absence de planification et d’anticipation en matière d’urbanisme », déplore François Piquemal qui alerte sur l’impact de l’annulation du PLUi-H sur la création de certains équipements publics : écoles, place de stationnement dans les nouveaux quartiers, etc. « Jean-Luc Moudenc veut foncer et on finit par se retrouver dans le mur, stoppé net », résume-t-il. Avant de se ranger à l’opinion d’Annette Laigneau sur la nécessité de faire contre mauvaise fortune bon cœur et, surtout, de « profiter de cette annulation pour revoir à la hausse les ambitions de la métropole en matière de logement et de respect de l’environnement ».
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