L’actualité a été marquée par deux démissions de maires en Haute-Garonne en seulement quelques mois. Faut-il y voir là un phénomène inquiétant ou s’agit-il de cas isolés ?
Camille Pouponneau (Pibrac), Dominique Fouchier (Tournefeuille), Jean-Clément Cassan (Caraman), Philippe Plantade (Bruguières), Didier Cujives (Paulhac)… En l’espace de quelques mois, les démissions de maires en Haute-Garonne, notamment dans la région toulousaine, se sont enchainées. Est-ce un phénomène qui pourrait s’accentuer dans le département ? La présidente de l’association des maires de Haute-Garonne et maire de Soueich, Brigitte Ségard, se veut rassurante. « La démission, c’est quand même quelque chose de relativement rare », estime-t-elle. D’autant que, comme elle le souligne, si Camille Pouponneau et Dominique Fouchier, pour ne citer qu’eux, ont décidé de renoncer à leur mandat, c’est pour des raisons différentes. Ainsi, pour l’ancien maire de Tournefeuille, il s’agit d’une décision « personnelle, responsable et qui vise à préparer l’avenir ». En clair, un choix stratégique en vue des prochaines élections municipales. « Ayant décidé de ne pas briguer un troisième mandat de maire en 2026, ma décision permet une transition plus efficace », déclarait Dominique Fouchier dans un communiqué. D’ailleurs, c’est Frédéric Parre, son adjoint aux finances et aux ressources humaines qu’il avait désigné à sa succession, qui a été élu maire de Tournefeuille par le conseil municipal le jeudi 28 novembre dernier.
Pour Camille Pouponneau, dont la démission a surpris Brigitte Ségard, la raison est tout autre. Effectivement, l’ex-maire de Pibrac, en plus d’évoquer une « dégradation de sa santé mentale », expliquait qu’elle faisait face à une « déresponsabilisation progressive des citoyens plutôt prompts à la judiciarisation » et à « un sentiment d’injustice et d’impuissance constant ». « Il y a un poids très lourd qui pèse sur les épaules des maires », estime la présidente de l’association des maires de Haute-Garonne. Un poids que certains ne peuvent donc plus porter. « Dans notre communauté de communes Cagire Garonne Salat, une maire a démissionné parce qu’elle s’est rendu compte que la tâche était trop compliquée et ne souhaitait pas continuer », rapporte-t-elle. Encore une fois, Brigitte Ségard tempère : « Nous avons quelques démissions de maires en Haute-Garonne parce que nous avons souvent affaire à des administrés qui sont de plus en plus exigeants et que nous avons de moins en moins de réponses à leur apporter. Mais une majorité d’entre eux se bat et continue à porter leur commune haut et fort ».
Non sans toutefois affronter quelques difficultés, notamment financières. « On nous a retiré beaucoup d’autonomie fiscale en supprimant la taxe d’habitation. Désormais, il y a une décorrélation entre les services que fournissent les communes et l’impôt consenti par les résidents. La disparition de la taxe d’habitation a été mal compensée », juge la maire de Souiech. En plus de ça, le gouvernement de Michel Barnier a annoncé des coupes budgétaires importantes pour les collectivités. En tout, elles doivent réaliser un effort de 5 milliards d’euros d’économie pour ramener le déficit public à 5% du PIB dans le cadre du projet de loi de finances 2025. « On nous reprend des budgets de manière scandaleuse et on nous fait porter une responsabilité qui n’est absolument pas la nôtre. Cela traduit un regard négatif sur les maires qui est extrêmement pervers. Mais nous ne sommes pas des voyous qui dépensent l’argent public à tort et à travers, puisque par obligation, nos budgets sont équilibrés », rappelle-t-elle.
Brigitte Ségard dénonce ainsi un manque de respect de la part des autorités publiques, mais également des administrés. « Nous devons faire face à beaucoup d’incivilités, à l’image des décharges sauvages, du non-respect des règles d’urbanisme, des cabanisations et à des mouvements d’humeur parfois très violents, difficiles à gérer », confie la maire qui précise que « toutes les communes » sont touchées. « Dans les petites, comme la mienne, il existe une forte proximité. Beaucoup de personnes ont mon téléphone portable, d’ailleurs, je suis à portée de poche. Ce qui ne garantie plus de limites aux coups de sang des uns et des autres. Et si cela n’arrive pas tous les quatre matins, c’est pesant, violent et difficile », révèle Brigitte Ségard qui rapporte que « beaucoup de maires dénoncent l’absence de civisme ». « Notre société devient extrêmement individualiste et chacun y va de son intérêt personnel et l’intérêt commun passe à la trappe », dénonce-t-elle.
Autant de raisons pour lesquelles les maires « sont en colère ». Sans compter leurs faibles indemnités. Camille Pouponneau regrettait ainsi « n’avoir pas assumé une indemnité décente pour son mandat (qui s’élève aujourd’hui à 1 127€) et d’avoir assuré deux fonctions : celle de maire de Pibrac et celle de directeur de cabinet ». « Au vu de notre temps de travail et de l’investissement qui est le nôtre, la rémunération est effectivement dérisoire », accorde Brigitte Ségard qui poursuit : « Mais nous en sommes conscients lorsque nous nous lançons dans un mandat de maire ». Et heureusement, tout n’est pas noir. « Il y a des moments puissants, qui nous aident à avancer comme le congrès des maires », sourit-elle estimant ainsi que le maire est « le premier élu qui recueille le respect et le regard bienveillant de la part des citoyens ». « C’est aussi celui dont on peut voir le travail sur place. On sait qu’il est là, qu’il est aidant », déclare-t-elle avant de souligner que les maires ont d’ailleurs « tenu la baraque au niveau local quand le national n’était plus au rendez-vous, pendant la crise sanitaire de la Covid-19 par exemple ».
Pour elle, les maires, qui ont « une fonction majeure en matière d’État civil, de police et de représentation de l’État », ne sont pas voués à disparaitre. Bien au contraire. Et ce, même dans les petits villages du département. « Lors des dernières municipales, nous avons observé des communes de seulement 50 habitants où trois listes ont été déposées », informe-t-elle. Et pour les prochaines, la présidente de l’association des maires de Haute-Garonne se veut confiante. « Certains édiles se représenteront, pour mener à bien des projets qu’ils ont lancé. Peut-être, certains maires en place en ont assez, et ne se représenteront pas. Mais d’autres personnes leur succéderont », conclut l’élue. Réponse en 2026, donc.
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