Quelle est la raison dโรชtre dโune entrepriseย ? Pour la premiรจre fois,ย ses impacts sociaux et environnementaux devraient รชtre inscrits dans le marbre de la loi. Un rapport allant dans ce sens a รฉtรฉ remis au ministre de lโรconomie Bruno Le Maire, en prรฉvision de la loi Pacte sur la transformation des entreprises. Si lโesprit en est conservรฉ, une sociรฉtรฉ ne pourra plus, ร lโavenir, reposer uniquement sur la recherche du profit. Avant dโen constater les effets au quotidien, le JT a poussรฉ la porte de ceux qui dessinent dรฉjร lโentreprise du futur.
ยซย Aucune entreprise ne peut plus envisager son succรจs et son profit sans considรฉrer les impacts de son activitรฉ. [Le capitalisme franรงais] ne doit pas se limiter ร la rรฉalisation de bรฉnรฉfices. Il doit […] participer ร la transformation de la sociรฉtรฉ et ร lโamรฉlioration de la vie quotidienne de chacunย ยป. On pourrait croire cette phrase, relevรฉe le vendredi 12 mars dans les colonnes du quotidien “Le Monde”, sortie de la bouche dโun farouche opposant au libรฉralisme. Cโest pourtant le ministre de lโรconomie Bruno Le Maire qui lโa prononcรฉe, faisant sien lโesprit du rapport Notat-Sรฉnard sur la place de lโentreprise dans la sociรฉtรฉ, remis trois jours plus tรดt.
Si lโon ne sait pas encore ร quel point le rapport inspirera la loi Pacte (Plan dโaction pour la croissance et la transformation des entreprises), prรฉsentรฉe le mercredi 2 mai en conseil des ministres, ce dernier pourrait marquer un changement majeur dans les rapports entre les entreprises et leur environnement. Car si lโon cherche ร reconnecter celles-ci avec le monde qui les entoure, cโest que ce lien sโest rompu. Un tournant que Jacques Igalens, professeur de sciences de gestion ร Toulouse School of Management, date des annรฉes 1980ย : ยซย Cโest la grande รฉpoque de dรฉrรฉgulation et de financiarisation. Un virage libรฉral destinรฉ ร favoriser lโenrichissement des actionnaires qui sโest accompagnรฉ dโun changement des rรจgles comptables. Une entreprise devait รชtre estimรฉe comme si elle allait รชtre vendue le lendemain.ย ยป
Des dรฉrives court-termistes et de financiarisation relevรฉes par le rapport Notat-Senard. Une de ses prรฉconisations suscite particuliรจrement lโintรฉrรชt de Jacques Igalens, lโinscription dans la loi de la considรฉration pour les enjeux sociaux et environnementauxย : ยซย Les auteurs du rapport ont eu le courage de sโattaquer au cลur du rรฉacteurย ; les articles 1832 et 1833 du Code civil concernant la finalitรฉ dโune entreprise. En ajoutant un alinรฉa ร lโarticle 1833, on officialise le fait quโune sociรฉtรฉ ne doit pas รชtre dรฉcontextualisรฉe de son environnement, cโest un enjeu capital car le droit est ร la fois contraignant et habilitant. ยป
Parmi les autres pistes susceptibles de mieux ancrer dans la sociรฉtรฉ les entreprises du futur figurent notamment la crรฉation dโun comitรฉ des parties prenantes (clients, fournisseurs…), ou lโinstauration de primes dโintรฉressements basรฉes sur des critรจres responsabilitรฉ sociale des entreprises ยซย Il y a aussi un point importantย : le changement de mรฉthode comptable qui ne mesure jusquโร prรฉsent que le profit. Il faudrait que la comptabilitรฉ puisse prendre en considรฉration รฉgalement lโimpact des sociรฉtรฉs sur leurs environnements, un chantier รฉnorme mais dont les fondements sont dรฉjร รฉtablisย ยป, ajoute Jacques Igalens.
Pour lโexpert, si le rapport ne traduit pas une transformation idรฉologique radicale, il porte en lui les รฉlรฉments nรฉcessaires pour enrayer, sur le long terme, lโimage de la multinationale cynique assoiffรฉe de parts de marchรฉ. ร condition tout de mรชme que les instances de gouvernance tels que les administrateurs, sur qui reposera en partie la mise en pratique du texte, prennent leur rรดle ร cลur.
Dossier : “A quoi ressemble l’entreprise du futur ?”
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