#LeBQE – Il y a vingt ans encore, les automobilistes toulousains pouvaient s’offrir des sensations fortes en plein centre-ville. D’immenses toboggans leur permettaient d’éviter les bouchons.
Fut un temps où l’on pouvait rigoler au volant de sa voiture. Au cœur de Toulouse, des voies très privilégiées étaient réservées aux automobilistes, qui pouvaient s’offrir un tour de montagnes russes tout en survolant les bouchons. Installés au début des années 1970, les autoponts des carrefours Saint-Michel, de la Patte-d’Oie et de Croix-de-Pierre avaient ainsi quelque peu changé l’esprit de ces quartiers : « J’avais dix ans et j’allais à l’école Saint-Stanislas, juste devant le toboggan de Saint-Michel. Je trouvais cela marrant de pouvoir passer au-dessus de tout le monde », se souvient Jean-Michel Lattes, premier adjoint au maire de Toulouse, chargé des déplacements. Bien que la vitesse y était limitée à 50 kilomètres-heure, les accidents étaient monnaie courante sur ces pistes noires urbaines : « Celles de Croix-de-Pierre et de Patte-d’Oie étaient très étroites, en courbe, sur de petits croisements. Il y avait souvent de la casse », témoigne encore Jean-Michel Lattes.
Si, à l’époque, les habitants accueillent avec enthousiasme ces immenses structures métalliques de couleur rouille, ce n’est pas par goût de l’art contemporain, mais parce qu’elles permettaient d’enjamber des axes de circulation complètement engorgés. « Chaque jour, près de 75 000 voitures circulent dans les rues de Toulouse, s’y croisent, s’y doublent dans le centre, et tournent dans un carrousel impressionnant à la recherche de quelques places pour stationner », narre un journaliste sur un reportage vidéo datant de novembre 1971, disponible sur le site de l’INA. Sur un autre, de 1972, le maire Pierre Baudis confirme que le trafic a doublé en six ans seulement et qu’il est temps de prendre des mesures d’urgence. Parmi elles, l’érection de ces autoponts, censés être provisoires. « Les élus ne pensaient pas un instant à renforcer le réseau de transports publics, qui était médiocre à l’époque. La voiture devait être privilégiée », explique Jean-Michel Lattes, également président de Tisseo-SMTC.
C’est au début des années 1990 que l’on a sifflé la fin de la récréation et décidé de démonter ces merveilleuses créations du génie humain. Il faut dire que Guy Hersant, alors adjoint au maire chargé de l’urbanisme, avait bien étudié la question : « Pendant longtemps, les ingénieurs nous ont assuré qu’il n’était pas possible de remplacer l’autopont, qu’un giratoire ne suffirait jamais… Et puis, avec des études un peu plus fines, on s’est rendu compte que si », disait-il à nos confrères de La Dépêche du Midi, en annonçant la dépose du dernier toboggan toulousain, celui de Croix-de-Pierre, en novembre 1998. Et il n’y a guère aujourd’hui qu’autour des ronds-points que l’on peut encore rigoler un peu.
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
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