Il y a exactement 150 ans, la Commune de Toulouse était proclamée au balcon du Capitole. Une insurrection qui n’a pas grand-chose à voir avec celle de Paris, sans effusion de sang, d’une grande brièveté et au dénouement surprenant…
« Vive la Commune ! Vive Paris ! » Le 25 mars 1871, quelques insurgés proclament la Commune de Toulouse au balcon du Capitole, devant une foule enthousiaste. Ce sont des officiers de la Garde nationale, une force civile armée constituée de 6000 citoyens de la Ville rose. Comme leurs homologues parisiens, ils ont juré de défendre la République. Ils s’opposent à l’Assemblée Nationale, majoritairement monarchiste, et au gouvernement provisoire d’Adolphe Thiers. Dans cette troisième République balbutiante, alors que la capitale est assiégée par les Allemands suite au fiasco de la guerre de Prusse et à l’abdication de Napoléon III, le pouvoir est réfugié à Versaille. Représentants d’un peuple affamé, les Communards veulent instaurer l’école laïque obligatoire et gratuite, la liberté d’association, la suspension des loyers ou le droit au travail pour les femmes.
Le soulèvement toulousain n’a pas grand-chose à voir avec celui de Paris. Au point que le grand historien de la Commune, Jacques Rougerie, écrit que l’on « ne saurait vraiment parler de Commune » à Toulouse. Au cœur des évènements, Armand Duportal, le préfet de la Haute-Garonne, joue un rôle décisif et ambigu. Un jour, le 18 mars, il manifeste sa sympathie aux communards parisiens. Et, le lendemain, il donne au contraire des gages au pouvoir central en lui remettant le poste militaire de l’Arsenal, que détenait la garde nationale. Cette concession ne suffit pas à convaincre Thiers qui destitue le préfet et nomme à sa place le comte de Keratry, un vétéran de guerre. Duportal est alors porté aux nues par la garde nationale qui lui demande de prendre la tête de la Commune de Toulouse. L’homme refuse. Il est « sceptique à l’égard d’un mouvement communaliste qu’il jugeait prématuré », comme l’écrit l’historien toulousain Rémy Pech. C’est, malgré tout, Armand Duportal lui-même qui rédige la proclamation du 25 mars.
« Le soir, des officiers de la garde nationale nommèrent une commission exécutive où les principaux meneurs du mouvement ne figuraient pas. Elle se contenta d’afficher le manifeste, négligea les moindres précautions, même d’occuper la gare », relate à l’époque le journaliste communard Prosper-Olivier Lissagaray. Une désorganisation dont profite le nouveau préfet Keratry. Le 27 mars, celui-ci fait placer trois escadrons de cavalerie, six cents fantassins et six canons chargés à mitraille sur la place du Capitole. Le procureur de la République et des membres de l’Association républicaine viennent jouer les médiateurs. En échange de l’hôtel de ville, ceux-ci obtiennent et garantissent l’impunité aux insurgés, qui ne se font pas prier pour quitter la place. « Une seule décharge à blanc eut fait envoler ces assaillants si les meneurs n’eussent fui le Capitole », écrit Lissagray. La révolution prend ainsi fin, sans effusion de sang, au bout de 48 petites heures.
« La généreuse population ouvrière de Toulouse soulevée au cri de : ‘’Vive Paris !’’ fut ainsi abandonnée par ceux qui l’avaient insurgée. Échec désastreux pour Paris, car le Sud-Ouest aurait suivi Toulouse », se désole Lissagray. Certes, mais, conformément à l’accord de paix qui a été conclu, c’est un insurgé, Edmond Valette, qui récupère la mairie de Toulouse, dont les conseillers sont tous républicains. Quant à Armand Duportal, après avoir été arrêté, il est acquitté par la Cour d’Assises de Pau, dont le président déclare : « La Commune a été proclamée par des hommes qui ont pu avoir de bonnes intentions, qui ont été débordés ». Aujourd’hui, si le souvenir de ce bref soulèvement s’est estompé dans la mémoire des habitants de la capitale gasconne, Rémy Pech y voit « un geste précurseur annonçant (…) l’avènement d’un socialisme toulousain dont l’éclosion dut attendre trente ou cinquante ans. »
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