EXPรRIENCE. Aujourd’hui, n’importe qui peut prendre une photo avec son smartphone sans รชtre initiรฉ. L’arrivรฉe du numรฉrique a totalement rรฉvolutionnรฉ la maniรจre de prendre un clichรฉ. Un contexte qui bouscule le mรฉtier de photographe reporter et de ceux qui lโenseignent.
ยซ Depuis toujours, la photo attire des passionnรฉs et le numรฉrique n’a rien changรฉ ยป, raconte Wilfrid Esteve, photojournaliste. Cโest pour ces fous dโimages quโun diplรดme universitaire a รฉtรฉ mis en place ร Carcassonne. Le professionnel est aussi responsable de cette formation en “Photographie, documentaire et รฉcriture numรฉrique”. Dโune durรฉe de six mois, elle comprend des stages en rรฉdactions, des collaborations avec des mรฉdias, et la rรฉalisation de master class, des cours donnรฉs par des photographes de renoms. Initiative originale, un stage de “sensibilisation aux risques en zone de tension” est aussi organisรฉ. Vouloir dรฉcrocher la meilleure photo peut amener certains photojournalistes ร se mettre en danger pour รชtre au plus prรจs des รฉvรฉnements. C’est pour รฉviter des drames que Wilfrid Esteve a choisi de travailler avec le RPIMA, le 1er rรฉgiment de parachutistes d’infanterie de marine basรฉ lui aussi ร Carcassonne : ยซ Ces soldats interviennent toujours dans les zones tampons, celles qui sont ร la limite du front et cรดtoient ร chaque mission des photographes venus suivre les รฉvรฉnements. Ils savent mieux que quiconque apprรฉhender le danger et du coup l’enseigne aux รฉtudiants. ยป
Denis Meyer a suivi, voilร quelques mois, la formation dispensรฉe par l’รฉquipe de Wilfrid Esteve. Ancien รฉducateur et passionnรฉ de photo, il a choisi de devenir professionnel. Aprรจs des publications pour “La Croix”, “L’Humanitรฉ” et “L’Obs” dans la catรฉgorie news, il a vendu ร la revue “6 Mois” tout un reportage sur l’occupation par des รฉcologistes allemands d’une mine de charbon. Mรชme si aujourdโhui il rรฉussit, il a conscience de la rรฉalitรฉ du marchรฉ du travail et de la place des photos non professionnelles. ยซ Il ne faut pas se leurrer, les premiers clichรฉs sur les รฉvรจnements sont ceux d’amateurs et ce sera toujours le cas, ร moins d’un coup de bol. Ensuite, arrivent les photojournalistes qui, grรขce ร leur technique, peuvent rรฉpondre aux exigences des mรฉdias. Libรฉration, par exemple, aime particuliรจrement les contrechamps alors que VSD veut du frontal. ยป
ยซ Photojournaliste, c’est un vrai mรฉtier ยป
Mais le novice n’est pas naรฏf et sait trรจs bien qu’il va devoir trouver d’autres sources de financement pour vivre. Beaucoup de photographes font aujourd’hui du news, du documentaire mais aussi du corporate (ils travaillent pour les services de communication des entreprises) et des mariages pour pouvoir boucler les fins de mois. D’autant que la concurrence est rude mรชme si, selon Wilfrid Esteve, elle a toujours existรฉ. Quand on lui parle dโimages amateurs, le responsable de la formation affirme pourtant : ยซ Sans ces photographes du dimanche, nous n’aurions jamais eu de clichรฉs de l’assassinat de Kennedy en 1963 ou de l’attentat contre le pape en 1981. Il faut les respecter. Aprรจs, c’est au directeur de la photographie du journal et ร son รฉquipe de rechercher la source dโun clichรฉ et de vรฉrifier la vรฉracitรฉ de ce qu’il y a sur la pellicule. ยป Le photojournaliste ajoute :ยซ La diffรฉrence se fait sur la fiche de paye, car les mรฉdias qui publient des photos d’amateurs refusent souvent de les payer. Ce qui est parfaitement scandaleux ! ยป Avant de conclure : ยซ Photojournaliste, cโest un vrai mรฉtier : il faut mettre en scรจne, scรฉnariser et c’est ce que j’essaye d’apprendre ร mes รฉlรจves. ยป
Par Anne Mignard
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