Dans quelques jours, un Centre de préparation au retour (CPAR) devrait ouvrir à Saint-Lys, au Nord de la Haute-Garonne, en lieu et place de l’ancien Ehpad “La Joie de vivre”. Celui-ci accueillera une centaine de migrants dont les demandes d’asile ont été rejetées, et qui souhaitent volontairement retourner dans leur pays d’origine. Le maire socialiste de Saint-Lys, Serge Deuilhé, affirme n’avoir été mis au courant de la création de cette structure qu’à la dernière minute et s’estime « dénigré par l’État ». Il s’explique dans cette tribune libre pour justifier ces accusations.
« C’est en ma qualité de maire de Saint-Lys en Haute-Garonne, commune d’un peu moins de 10 000 habitants, que je souhaite alerter quant à la situation que vivent les Saint-Lysiennes et les Saint-Lysiens que je représente. Mon homologue de Saint-Brévin-les-Pins, et le nombre inégalé de maires qui en sont venus à démissionner depuis 2020, ne peuvent qu’alerter sur les conditions d’exercice du mandat de maire. Mon engagement depuis bien des années perd aujourd’hui son sens face à ce que je considère comme une absence de soutien de l’État dans le cadre de ses prérogatives, voire un non-respect de la fonction de maire et de la parole donnée.
L’État cache des informations au maire, élu de terrain, de proximité et de premier recours pour les citoyens. Après investigations, mon équipe et moi-même avons découvert en 2021 le projet de création d’un Centre de Préparation au Retour (CPAR) sur le territoire communal. Porté par la société ADOMA, filiale de la CDC Habitat, mandatée par l’État, ce projet correspond à la déclinaison de la politique nationale migratoire mise en place par le gouvernement.
Nous ne nous sommes pas opposés à l’accueil de cette structure. Nous avons toujours promu l’écoute et la négociation pour travailler à une solution acceptable, en matière de cohésion sociale et territoriale. Depuis cette date, je n’ai eu de cesse de solliciter les services déconcentrés de l’État pour obtenir notamment des précisions et une meilleure transparence sur la gestion du dossier. Ces demandes n’ont pas été suivies d’effet. Lors d’une rencontre en présence d’ADOMA et des services préfectoraux le 24 mars dernier, il nous a été indiqué que la cession du bâtiment aurait lieu en septembre 2023, que des travaux d’une durée de six mois seraient effectués avant l’arrivée effective des premiers occupants, prévue pour le début de l’année 2024. Or, lors du dernier conseil municipal du 22 mai, ce sont des élus d’opposition qui m’ont appris que la cession était programmée fin mai et que l’arrivée des premiers résidents était prévue fin juin. En interrogeant immédiatement les services de l’État sur ces éléments, j’en ai eu confirmation alors même qu’aucune information ne m’était parvenue. Je ne peux accepter une telle situation.
Depuis 2021, les habitants de Saint-Lys n’ont pas eu la possibilité d’être informés sur ce projet, malgré les requêtes que j’ai continuellement adressées à l’État, afin d’établir un plan de communication. Force est de constater qu’à ce jour, excepté la tenue d’une réunion publique à l’initiative de la commune fin 2022, les Saint-Lysiennes et les Saint-Lysiens demeurent en attente d’informations officielles.
Nous avons adressé un courrier au ministre de l’Intérieur pour demander des moyens complémentaires pour maintenir la sécurité des habitants et lutter contre le sentiment d’insécurité. La Secrétaire d’État, chargée de la citoyenneté, nous a répondu que notre demande serait intégrée dans le travail de concertation engagé le 5 novembre par le ministre de l’Intérieur avec les élus de la Haute-Garonne. J’ai été destinataire d’une lettre du général de division commandant la Région Gendarmerie Occitanie qui n’apporte pas de réponse à notre requête.
En tant que maire, je me retrouve seul face à une mesure imposée par l’État sans concertation. Je n’ai été ni soutenu, ni accompagné, ni respecté dans le cadre de la gestion de ce dossier. Par ailleurs, les élus d’opposition du conseil municipal de Saint-Lys ont eu accès à plusieurs reprises à des informations capitales sur les modalités d’accueil au sein du CPAR avant même que j’en sois informé, en tant que premier magistrat de la commune. J’ai sollicité quatre fois par courrier, sans compter les relances par mail, une rencontre avec la députée de circonscription, Monique Iborra, qui n’a jamais souhaité y donner suite.
Certains événements récents témoignent de la nécessité d’associer les élus locaux à la déclinaison de la politique migratoire nationale. Ils témoignent également de la nécessité pour l’État, porteur du projet, de communiquer afin d’éviter les dérives extrémistes qui conduisent aux déchainements de haine et à la violence. Comme pour de nombreux collègues maires, ce dénigrement de la fonction entraîne un désengagement croissant qui met en danger l’équilibre républicain. Il est indispensable de stopper l’hémorragie locale et de retrouver la confiance civique.
En ma qualité de maire de Saint-Lys, j’exige que l’État tienne ses engagements, notamment sur la question des délais de mise en œuvre du projet et le nombre de personnes accueillies ; J’exige que l’État change sa posture à mon égard et m’avise systématiquement de tout élément nouveau relatif à ce dossier ; J’exige que l’État communique en toute transparence à la population saint-lysienne sur le fonctionnement de ce centre, les résidents du CPAR devant pouvoir être accueillis dans des conditions satisfaisantes ; J’exige une évaluation régulière de l’incidence de cette infrastructure sur le fonctionnement de la commune et que des mesures soient prises si nécessaire. »
Serge Deuilhé, maire de Saint-Lys
Commentaires