Des chercheurs du laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS) de l’Observatoire Midi-Pyrénées de Toulouse ont installé des réglettes dans 16 lacs des Pyrénées afin de mesurer leur niveau d’eau. Quotidiennement, les randonneurs passant à proximité les prennent en photographie et envoient les clichés aux scientifiques, participant ainsi à la surveillance de l’hydrométrie des lacs des Pyrénées.
Depuis plus de trois ans, des chercheurs du laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS) de l’Observatoire Midi-Pyrénées et du Centre national d’études spatiales (CNES) de Toulouse installent des réglettes dans des lacs des Pyrénées afin de mesurer leur niveau d’eau.
Au total, 16 lacs en sont équipés, dont six en Ariège à proximité d’Auzat et du Pic du Rulhe, et dix dans les Pyrénées-Orientales autour du Pic Carlit. Trois autres réglettes seront installées avant la fin de l’année dans l’étang de Joclar, au lac Bleu et au lac Médécourbe, dans la vallée d’Aston.
Les réglettes, d’un mètre de hauteur et graduées en centimètres, ont été installées contre des rochers immergés dans des lacs aux abords de parcours empruntés par les randonneurs qui sillonnent les Pyrénées. Ceci afin qu’ils puissent les photographier. Les promeneurs envoient ensuite les clichés aux coordonnées téléphoniques indiquées sur un panneau explicatif, installé à côté de la réglette.
Ce numéro de téléphone, c’est celui de Jean-François Cretaux, chercheur au CNES, chargé du projet. « Depuis que nous avons commencé à installer les réglettes, en 2019, j’ai reçu plus de 2 600 photographies, dont 1 000 l’année dernière », explique-t-il. Généralement, elles sont envoyées entre mai et novembre, lorsque les températures s’adoucissent et que les marcheurs prennent le chemin des randonnées. « Au mois de juillet et d’août, je peux recevoir jusqu’à vingt photos par jour », poursuit le chercheur.
Chacun peut donc participer à la démarche scientifique. Lorsqu’il reçoit une photographie d’une réglette, Jean-François Cretaux inscrit la mesure du niveau d’eau du lac concerné dans une base de données. « Ces mesures servent à observer les variations du niveau des lacs sur une année. Nous pouvons d’ores et déjà faire des comparaisons entre les hauteurs des lacs en 2020 et 2021, par rapport à 2022. Au début du mois de mai par exemple, le niveau d’eau dans l’ensemble des étendues des Pyrénées était bien supérieur à celui des années précédentes. Ceci peut s’expliquer par les nombreux épisodes neigeux de l’hiver. À l’inverse, les niveaux d’eau aujourd’hui, en plein été, sont bien plus bas que ceux observés depuis le début de l’étude à cause des fortes chaleurs », précise le chercheur, qui ajoute que les variations devraient continuer de se creuser avec le réchauffement climatique.
Le projet de mesure des niveaux d’eau par les randonneurs dans les lacs des Pyrénées fait partie d’une étude internationale nommée “Lake observations by citizen scientists and satellites” (LOCSS), portée par l’Observatoire Midi-Pyrénées, le CNES, mais aussi par la NASA. En effet, des réglettes, identiques à celles installées en Ariège et dans les Pyrénées-Orientales, ont également été mises en place dans des lacs aux États-Unis, en Inde, au Népal, au Pakistan, au Canada, au Chili…
Comme en France, les données photographiées par les randonneurs partout dans le monde servent à mesurer le niveau d’eau des lacs équipés de réglettes à un instant donné. Mais pas que. Elles servent aussi à comparer ces mesures à celles relevées par sept satellites dits “d’altimétrie”, qui gravitent actuellement autour de la Terre pour évaluer en temps réel les hauteurs des étendues d’eau de la planète. Si les mesures constatées sur les photographies envoyées aux chercheurs correspondent à celles des satellites, cela signifie que les engins en orbite fonctionnent correctement.
« Les satellites d’altimétrie qui gravitent actuellement autour de la planète ne sont pas capables de mesurer les niveaux d’eau de tous les lacs du monde », assure Jean-François Cretaux. C’est pourquoi le CNES et la NASA vont prochainement lancer dans l’espace un nouveau satellite, développé depuis plus de 20 ans. Son nom : SWOT, (Surface Water Ocean Topography). « Cette nouvelle technologie va nous permettre de mesurer le niveau d’eau de plus de deux millions de lacs avec une très grande précision », se réjouit le chercheur.
L’objectif est de surveiller la répartition et l’évolution des ressources en eau de la planète. « Sur notre territoire par exemple, une partie du bassin versant des Pyrénées se dirige vers l’Aude et la Méditerranée, l’autre partie vers la Haute-Garonne », poursuit Jean-François Cretaux. Sur son chemin, l’eau alimente de nombreuses installations, comme des barrages. En savoir davantage sur son cycle permettra donc d’adapter ces installations dans les prochaines années en fonction de l’augmentation ou de la baisse des débits.
Les données récoltées par le CNES et la NASA grâce à SWOT seront accessibles au grand public d’ici un an. Elles serviront aux gestionnaires des ressources en eau des grands bassins, mais aussi aux scientifiques ou encore aux professionnels de l’aménagement du territoire qui surveillent les zones d’habitations inondables. Les océanographes, aussi, exploiteront ces données, car le satellite aura également pour mission d’évaluer les hauteurs des océans et des rivières. « Ceci permettra aux scientifiques de travailler plus précisément sur les phénomènes océaniques, ainsi que sur le cycle de l’eau au niveau continental, à savoir tous les échanges d’eaux entre les rivières, les lacs, les océans, les mers, les deltas, l’atmosphère, etc. Nous aurons une vision globale de l’eau sur notre Terre à des niveaux de résolution jamais atteints », conclut le chercheur.
Malgré ce haut niveau de technologie, les réglettes installées dans les Pyrénées comme dans d’autres pays continueront d’être utiles aux chercheurs du CNES et de la NASA. En effet, comme pour les autres satellites d’altimétrie, les clichés pris par les randonneurs serviront à valider ou non les données envoyées par SWOT, et à détecter un dysfonctionnement si les mesures ne correspondent pas.
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