De Claude Nougaro, l’enfant du pays, on sait l’attachement à la Garonne et aux eaux vertes du Canal du Midi, le goût pour la castagne et le penchant pour les balcons. Mais peu de gens connaissent le rapport qu’il entretenait avec les chiffres.
Sous la voûte de la 26e arcade de la place du Capitole, entre une évocation du rugby et une allégorie de la technologie, le peintre Raymond Moretti a réalisé un portrait fougueux et énigmatique de l’incontournable chanteur et poète toulousain Claude Nougaro. Le petit taureau, comme l’avait baptisé l’écrivain Jacques Audiberti en hommage à son physique et à son jeu de scène puissant, si on l’y cherche bien, est représenté neuf fois. Un clin d’œil à une manie de l’auteur du plus bel hymne écrit à la Ville rose.
En effet, l’homme cultivait un innocent fétichisme autour du chiffre neuf. « Cela vient de sa date de naissance, le 9 septembre 1929, dans laquelle il y a quatre fois le chiffre neuf », confirme sa fille, Cécile, qui souligne les conditions particulières de l’événement : l’accouchement a été réalisé aux forceps par la grand-mère du poète, également prénommée Cécile et sage-femme de métier. Né en plein krach boursier, Claude Nougaro aimait à rappeler que « c’était le bordel chez les milliardaires et un bon millésime chez les Bordelais ».
Marqué par ce signe fondateur, l’auteur de ‘’Armstrong’’ et ‘’Le Jazz et la Java’’ a donné une place de choix au chiffre neuf dans sa carrière. Son premier 33 tours, sorti en 1959, contient neuf titres. Ce qui est également le cas du suivant et d’albums mythiques comme ‘’NougaYork’’ ou ‘’Bleu Blanc Blues’’. De même, quand il crée sa propre société d’édition musicale, en 1974, avec sa soeur Hélène, il la baptise Les éditions du chiffre neuf. Mais, pour sa fille, c’est la poésie et l’humour qui animaient l’homme, plus que la superstition ou un quelconque mysticisme. « Je pense que le fait que le chiffre neuf ait un double sens (qui est nouveau, ndlr) lui plaisait. Mon père avait gardé une âme d’enfant. Il était sensible à la beauté, aux cadeaux et aux pieds de nez à la vie », raconte-t-elle avant de dévoiler que Claude Nougaro « comptait les marches quand il montait les escaliers ».
Dans sa chanson ‘’Petit taureau’’, le poète chante lui-même qu’il pouvait « échapper au mal en jouant avec les mots ». Quelle meilleure preuve, pour lui, de cette magie des mots que d’avoir rencontré sa dernière femme, Hélène, sur l’île de la Réunion ? Il a d’ailleurs fini sa vie avec elle, dans une maison qu’ils avaient acheté en 1999. Et le chiffre neuf continue d’émailler sa destinée de clins d’œil malicieux, puisque la Maison Nougaro verra finalement le jour en 2019, année où il aurait soufflé ses 90 bougies.
Nicolas Belaubre
Nicolas Belaubre a fait ses premiers pas de journaliste comme critique de spectacle vivant avant d’écrire, pendant huit ans, dans la rubrique culture du magazine institutionnel ‘’à Toulouse’’. En 2016, il fait le choix de quitter la communication pour se tourner vers la presse. Après avoir été pigiste pour divers titres, il intègre l’équipe du Journal Toulousain, alors hebdomadaire de solution.
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