Si la forêt de Bouconne est cernée de pylônes téléphoniques, son territoire de 2378 hectares, lui, en est totalement vierge. Il n’est d’ailleurs pas toujours facile de capter durant les balades dominicales. Mais alors, à quoi peut donc bien servir cette mystérieuse tour de télécommunication, cachée là, entre les arbres ?
Le soleil perce faiblement entre les feuilles multicolores des arbres. Les ondes aussi. Un panier contenant de quoi préparer trois omelettes pend au bras de Georges. Ce dernier connaît le domaine comme sa poche : « Une antenne relais ? Mais quelle sottise ! À quoi voulez-vous que ça serve ici ? » Pourtant, il indique la direction de Lévignac, près de la base de loisirs : « Vous trouverez quelque chose de ressemblant. »
En effet, en prenant la route du Drapeau depuis la N224, l’on tombe sur un sentier balisé. Au bout du chemin, un édifice rouge tente de se camoufler derrière des troncs trop minces. Le bâtiment est un cylindre de briques de 10 mètres de haut. Voici l’antenne relais. Celle-ci a deux particularités. La première est qu’elle n’envoie pas d’ondes potentiellement dangereuses. La seconde est qu’elle ne fonctionne plus depuis plus d’un siècle et demi. Il s’agit d’un télégraphe Chappe.
Ce système de communication révolutionnaire a été développé en France à la fin du XVIIIe siècle. En 1773, Claude Chappe invente un procédé optique qui permet de communiquer à distance. En installant une tour tous les dix kilomètres entre deux villes distantes, l’on peut diffuser une information grâce à des signaux cryptés. Un mât de six mètres de haut, disparu aujourd’hui, surplombait l’ensemble.
« À la moindre insurrection régionale, l’armée pouvait mobiliser des troupes beaucoup plus rapidement »
« À Bouconne, un stationnaire était présent toute l’année pour assurer les transmissions », explique José Fernandez, historien et auteur de ‘’La tour de Chappe de la forêt de Bouconne’’. Cet employé de l’État redirigeait le message envoyé par la tour de Cornebarrieu vers celle de Thil, et vice-versa. À l’aide d’une lunette de Galilée, sorte de longue vue, il regardait la position de la tour précédente. Puis il manipulait son mat grâce à des cordes et des poulies pour l’imiter. Enfin, il s’assurait que la tour suivante reproduisait son mouvement.
Les messages parvenaient à Paris en cinq petites heures, au lieu de cinq jours à dos de cheval. « La capitale a pu ainsi renforcer sa mainmise sur le pays. À la moindre insurrection régionale, l’armée pouvait mobiliser des troupes beaucoup plus rapidement », précise José Fernandez. Les stationnaires ignoraient tout de ce qu’ils transmettaient. Seuls les militaires et les préfets étaient équipés du dictionnaire Chappe, permettant de décrypter l’information. La tour de Bouconne a fonctionné de 1834 à 1853, avant que le télégraphe électrique ne le ringardise définitivement. La Tour de Chappe se visite tous les premiers mercredis du mois, entre 14h30 et 15h30 sur site.
Gabriel Haurillon
La rédaction
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