Le Museum de Toulouse cache dans son sous-sol les restes d’humanoïdes aux crânes proéminents, très allongés. Des êtres étranges qui ne viennent pas d’ailleurs, puisqu’on pouvait les croiser dans les rues de Toulouse jusqu’au siècle dernier…
DRDes crânes exagérément étirés vers l’arrière, des mentons en avant, des arêtes nasales anguleuses et des frontales inexistantes. En découvrant ces ossements mystérieux qui dorment au fond des réserves du Muséum de Toulouse, Scully et Mulder ouvriraient une enquête sur le champ. Mais, au risque de décevoir les ufologues, cette déformation spectaculaire est en réalité le résultat « d’une compression mécanique de la tête des nouveaux-nés, dans le but de leur donner une conformation particulière », écrit en 1871 le médecin anatomiste Paul Broca. Pour continuer de comprimer leur encéphale, ces enfants grandissaient coiffés d’un « bandeau qui passe transversalement sur la fontanelle et qui d’autre part va passer tantôt sous la nuque, tantôt sous les mâchoires ». Peu de chance ainsi de rester incognito…
« Dès la fin du XVIIIème siècle, beaucoup d’écrits de voyageurs, d’observateurs, de scientifiques évoquent la physionomie si curieuse de ces individus », raconte Bertrand De Viviés, conservateur des musées et du patrimoine de Gaillac, grand spécialiste du sujet. À l’époque, la pratique est si répandue par chez nous qu’on la nomme “déformation toulousaine”. « Je m’élève contre cette dénomination car il s’agit d’une coutume ancienne, universelle, existant depuis la préhistoire et sur tous les continents. Si on l’a qualifie de toulousaine c’est parce qu’elle a perduré à Toulouse plus longtemps qu’ailleurs », s’insurge-t-il.
Et si Broca pensait que cette déformation modifiait « d’une manière très notable le développement relatif des divers lobes du cerveau », la science a depuis prouvé qu’il n’en est rien et des indices laissent à penser que toutes les classes sociales étaient concernées. Ainsi, les portraits de certains Capitouls, de scientifiques dont Pierre de Fermat, d’homme politiques ou de notables toulousains montrent des occiputs à la forme inhabituelle. « Même si, pour s’en assurer, il faudrait disposer d’une photo de leur profil », ajoute Bertrand de Viviés.
Le conservateur suggère que cette mode a débarqué en Occitanie à l’époque mérovingienne, quand les Burgondes nous ont envahit. « D’après les fouilles archéologiques, beaucoup de ces cavaliers venus de l’Est avaient le crâne déformé. Les Toulousains ont peut-être assimilé cette pratique afin de s’intégrer à ce peuple barbare. » D’autres experts évoquent des raisons religieuses, prophylactiques – c’était le moyen de protéger la fontanelle – ou esthétiques – après tout, c’est un look comme un autre. D’où qu’elle vienne, la déformation toulousaine n’a plus cours depuis la Première guerre mondiale, stigmatisée par la médecine moderne. Seuls quelques extra-terrestres se l’infligent encore.
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
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