L’Union est un si joli nom pour une ville. Il évoque la fraternité, la concorde, l’harmonie entre les citoyens… Cela n’a pourtant pas toujours été le cas dans cette commune de Haute-Garonne.
©Jérômé SiéNous sommes au lendemain de la Révolution française, sur le grand chemin d’Albi, à la sortie de Toulouse. À l’Est de ce qui deviendra une route très fréquentée, se trouve le petit village de Belbèze ; à l’Ouest, celui de La Cornaudric. Appartenant à la même paroisse, les 300 âmes de ces deux bourgades vivent en parfaite harmonie. Au point que l’on décide de les réunir en une même commune, que l’on baptise Saint-Jean-de-Kyrié-Éleyson, du nom de sa seule église. « L’ensemble couvrait alors la superficie actuelle des villes de L’Union et de Saint-Jean, soit 1 200 hectares au total », précise Jean-François Bec, membre du comité Histoire et commémoration de la mairie de l’Union, élève du grand historien local Gilbert Floutard.
C’est dans l’église que se tiennent les conseils municipaux… Ce qui n’est pas vraiment du goût des révolutionnaires, « le directoire considérant que, depuis le règne de l’égalité et de la raison, toute présence dans les églises est d’une ridiculité affreuse et l’apanage des malveillances », peut-on lire dans un arrêté du 6 décembre 1793. Dans ce même texte, le maire de la commune demande donc au Conseil général d’abandonner le nom de Saint-Jean-de Kyrié-Éleyson « qui rappelle le souvenir de la superstition, au profit de celui de L’Union, plus conforme aux exigences des vrais amis de la République. »
Contrairement à ce qu’inspire le nouveau patronyme, ce choix ne fait pas l’unanimité : « On a un peu forcé la main aux habitants. Beaucoup étaient très attachés au nom de leur paroisse », raconte Jean-François Bec. Et avec le temps, d’autres problèmes surgissent : « Ceux qui vivaient du mauvais côté du chemin boueux de la route d’Albi en avaient assez de se salir jusqu’aux genoux tous les dimanches pour aller à l’église. » D’autant qu’au milieu du XIXe siècle, celle-ci commence à dépérir. On décide alors d’en ériger une nouvelle, et cette fois de l’autre côté de la fameuse route. « Une fois construite, on a considéré qu’il n’était pas normal d’avoir deux églises sur cette seule petite commune, que cela faisait trop de frais. On entreprit donc de démolir la première. Ce qui, évidemment, causa une grosse fâcherie.
« C’est ce que l’on appelle une querelle de clocher », résume le passionné d’histoire. La tension devient si forte entre les habitants qu’en 1868, le préfet de la Haute-Garonne y met un terme par décret, après référendum. C’est ainsi que la commune de L’Union est amputée de moitié et que celle de Saint-Jean voit le jour. « La véritable union aura finalement duré moins de 80 ans ! » conclut Jean-François Bec.
Philippe Salvador
Philippe Salvador a été reporter radio pendant quinze ans, à Toulouse et à Paris, pour Sud Radio, Radio France, RTL, RMC et BFM Business. Après avoir été correspondant de BFMTV à Marseille, il est revenu à Toulouse pour cofonder le magazine Boudu.
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