Une camรฉra de surveillance munie dโun haut-parleur sur le quai de la Daurade a dรฉfrayรฉ la chronique. Ce dispositif en phase d’expรฉrimentation depuis septembre 2017, a pour but de diminuer les incivilitรฉs. Ses dรฉtracteurs y voient une atteinte aux libertรฉs publiques. – Pauline Vilchez DR
Cโest le post Facebook dโun Toulousain qui a lancรฉ lโalerte fin avril. La police municipale interpelle dรฉsormais, ร travers le haut-parleur dโune camรฉra de surveillance situรฉe sur le quai de la Daurade, les habitants qui commettent des incivilitรฉs. Pour Olivier Arsac, lโadjoint au maire chargรฉ de la sรฉcuritรฉ, ยซ il sโagit de petits rappels ร lโordre pour assurer la tranquillitรฉ publique, prรฉalables ร une รฉventuelle intervention dโune patrouille ยป. ยซ Trois fois sur quatre, lโinfraction cesse immรฉdiatement, car lโeffet de surprise rend lโavertissement efficace ยป, signale l’รฉlu.
Mais les associations ne lโentendent pas de cette oreille : ยซ On est vรฉritablement en train de basculer dans quelque chose dโorwellien ยป, redoute Pascal Nakache, avocat, prรฉsident dโhonneur de la sectionย toulousaine de la Ligue des droits de lโHomme, qui dรฉnonce la mise en place de camรฉras de surveillance dans les lieux publics. Le juriste fait rรฉfรฉrence ร “1984”, un livre qui dรฉpeint un รฉtat totalitaire oรน chacun serait soumis au contrรดle dโun Big Brother omniprรฉsent. De mรชme, si le dispositif du quai de la Daurade venait ร se gรฉnรฉraliser dans les rues de Toulouse, ยซ les habitants seraient interpellรฉs au vu et au su de tout le monde, parce quโun agent aura repรฉrรฉ non pas une infraction mais quelque chose qui ne lui a pas plu ยป.
Lโavocat explique ainsi comment les machines sโinstallent en lieu et place de la police humaine de proximitรฉ, au dรฉtriment de la vie privรฉe, et des droits de libre circulation : ยซ Les citoyens nโont pas pris conscience du recul que cela reprรฉsente. Certains sโimaginent quโils nโont rien ร se reprocher et tolรจrent ainsi que lโon sโassoit sur nos libertรฉs publiques. ยป Dโautant que la vidรฉosurveillance est dรฉsormais largement acceptรฉe : selon un sondage rรฉalisรฉ en novembre 2013 par lโIfop pour lโagence Comexposium, 83% des plus de 15 ans sont favorables ร la mise en place des camรฉras de surveillance dans les lieux publics, 72% sont pour un systรจme de reconnaissance faciale et 74% pour รชtre gรฉolocalisรฉ par les secours.
Lโassociation Souriez, vous รชtes filmรฉs milite aussi contre ces dispositifs de surveillance quโelle dรฉcrit comme chers, inefficaces, รฉlectoralistes et la consรฉquence dโune dรฉrive sรฉcuritaire. Depuis 1995, ce collectif de personnes ยซ dรฉsireuses de ne pas sombrer dans une sociรฉtรฉ de technologie rรฉpressive ยป organise des actions de masquage de camรฉras et entreprend de nombreux recours juridiques, notamment contre lโutilisation des radars de sรฉcuritรฉ routiรจre. Pour la Ligue des droits de lโHomme, la vidรฉosurveillance nโest pas la solution pour faire diminuer les infractions : ยซ Des รฉtudes prouvent quโau lieu de les faire cesser, elle ne fait que les dรฉplacer ยป.
L’ONG souhaite donc รฉlargir le dรฉbat. Elle est convaincue quโen rรฉduisant les inรฉgalitรฉs, les Franรงais seront plus impliquรฉs dans la sociรฉtรฉ et commettront moins dโinfractions. ยซ Nous ne versons pas dans lโangรฉlisme pour autant ยป, assure Pascal Nakache, persuadรฉ quโil est quand mรชme nรฉcessaire que certains systรจmes de surveillance et de punition restent en vigueur. Pour lui, cโest par une politique de solidaritรฉ que lโensemble de la population ยซ sera responsabilisรฉe, et non pas parย une vidรฉosurveillance permanente ยป, conclut-il.
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