Antagonismes. C’est un trio plutôt inattendu que nous avions lundi à la table du désormais célèbre Belvédère : François Briançon, Géraldine Borghi et Arthur Arlet pour un débat qui promettait. Au menu, la gauche radicale au pouvoir en Grèce, l’ouverture du procès Bettencourt court et la chute du Stade Toulousain. Bon appétit !
Par Aurélie Renne et Séverine Sarrat
Les présentations faites, nous lançons sur la table le sujet des élections législatives en Grèce. D’emblée les convives s’entendent pour donner la parole au seul homme politique de la table : « c’était une victoire attendue. Je ne suis pas sûr que la notion d’extrême gauche soit la même ici que là-bas. On n’est pas dans la même situation. En tout cas c’est plutôt une bonne nouvelle». Géraldine partage ce sentiment positif : « il y a de l’espoir, quelque chose se passe… » Arthur est plus vindicatif : « c’est surtout une bonne nouvelle car c’est le premier pays européen à élire une politique contre la politique européenne de l’austérité. Cette dernière était un acte hyper violent qui a foutu le pays à plat, ce n’était pas une raison pour les saigner à blanc, nous avons nous aussi une dette incroyable ! »
-François : Les chaînes de télé publique grecque avaient même cessé d’émettre.
-Arthur : Du jamais vu ! Une dictature de la politique européenne ! Maintenant vont-ils avoir la force de lutter contre le FMI ? Finalement, c’est ça qui importe, cela reste anecdotique que ce soit l’extrême gauche !
-Géraldine : N’oublions pas Podemos en Espagne ! Il y a quelques années avec les indignés j’ai ressenti une vraie demande de la jeunesse de fonctionner autrement : est-ce que cela va faire monter l’extrême gauche ?
-François : C’est la conséquence d’une dérive des partis réformistes de gauche qui ont épousé certaines thèses libérales. On arrive à une sanction face à cette gauche qui n’arrive pas à se renouveler. François Hollande n’aura d’ailleurs plus d’excuses, c’est une chance historique pour lui, car ce ne sont pas les Grecs à eux seuls qui peuvent avancer…
Happés par la dégustation des terrines de poisson débarquées sur la table, les invités s’entendent tous sur l’idée de vote contestataire, gauche ou droite n’étant finalement pas l’important… François Briançon met le holà cependant sur l’idée d’un tel résultat ailleurs en Europe, voire dans l’hexagone, car « je me méfie des extrapolations, la situation en France n’est pas la même. Ceci dit , pour la gauche française, c’est important car maintenant nous avons des partenaires, c’est une belle opportunité pour la gauche ! » Géraldine entend à ce moment rappeler certaines horreurs prêtées à l’extrême gauche : « le communisme entre autres atrocités infligées aux peuple ; pourtant moi je n’ai pas ces craintes aujourd’hui, il ne faut pas oublier mais je pense que les choses ont changé ». Arthur est bien loin de ce genre de peurs, il se demande même ce qu’ « on peut craindre des extrêmes de toute manière? Il me semble que les institutions françaises et européennes nous protègent allègrement des guerres et autres dérives… Allez dire aux Grecs qu’ils risquent quelque chose après ce qu’ils ont vécu ! » Notre homme politique n’a pas vraiment la même vision des choses : « Si l’extrême gauche française est républicaine, l’extrême droite est un danger pour cette même République, en France comme ailleurs… »
-Arthur : Mais QUELS dangers ?!
-François : Voir disparaître les principes même de liberté, d’égalité, de fraternité ! Ils ne sont pas garantis…
-Arthur : Si, par la convention !
-François : Oui, il y en a une mais quand on écoute les définitions de Marine le Pen on peut se poser des questions !
« Le sport c’est comme la politique, si vous ne voulez pas perdre il ne faut pas en faire ! »
La table est scindée en deux, Géraldine rejoint son voisin de gauche pour dire que l’extrême droite semble plus dangereuse. Le débat dévie alors vers la montée de cette dernière dans plusieurs pays européens. Une énumération qu’Arthur interrompt vivement : « La France est plutôt bien placée dans les sondages pour accueillir l’extrême droite, ne l’oublions pas… »
François : N’oublions pas qu’ici à Toulouse, beaucoup d’Espagnols sont arrivés car chassés par l’extrême droite…
Arthur clôt le débat par une analyse pertinente : « tout cela va mettre à jour la violence du système européen, car le FMI ne va certainement pas se laisser faire face à une demande d’effacement de la dette… Ils ne voudront pas perdre la face. »
Alors que nous tentons tant bien que mal d’aborder l’ouverture du procès Bettencourt, nos invités s’égarent du côté de la loi Macron actuellement en examen… Géraldine se jette finalement à l’eau : « Il y a carrément un côté Dallas, ça a l’air très difficile à dénouer : argent, famille, à quel moment la famille bascule dans tout ça… ». Aucun d’eux n’est réellement passionné par le sujet, François explique que c’est peu son univers… Ils s’accordent tous à dire qu’il vaut mieux dans ce cas « laisser la justice faire son travail ! » Arthur se remémore simplement « la mise en scène de la vieille dame (Liliane Bettencourt ndlr), j’avais vraiment trouvé que ça manquait de dignité…» Autour de la table, chacun trouve en tout cas ce genre d’affaire « désolant pour la politique ». François pointe pourtant un paradoxe : « il y a beaucoup d’affaires de ce genre, pourtant le système est très coercitif et la loi Rocard essentielle pour moraliser la vie politique… » Arthur assure que « si l’un tombe, tout le monde sera éclaboussé… Je crois quand même que le pouvoir et l’argent n’aident pas à vivre simplement… » Ce sera notre conclusion. Le troisième sujet déboule en même temps que les cafés et les petites douceurs : que penser des résultats du Stade Toulousain ? À table, nous avons deux supporters : « les hommes à fond rugby et moi qui n’y connais rien, c’est un peu cliché ! » lance Géraldine. On assiste alors à un dialogue de supporters d’horizons plutôt différents :
-François : les difficultés, ça arrive et ce n’est que le milieu de la saison !
-Arthur : Je suis moins confiant, moi, leur jeu ne me fait plus rêver…
-François : Le sport c’est comme la politique si vous ne voulez pas perdre il ne faut pas en faire !
-Arthur : Avant on se sentait protégés, c’était impossible de prendre Toulouse mais les équipes sont meilleures aujourd’hui
-François : Car le niveau monte…
-Géraldine : Je remarque de l‘extérieur que quand on gagne, tout le monde le sait, par contre quand on perd, ça passe à la trappe…
À chacun alors d’analyser les difficultés rencontrées par le Stade : pour notre homme politique « dans un groupe humain, il y a des moments où les relations sont tendues, mais parfois il suffit d’une décision pour perdre, ça se limite à ça. Et puis tout mener de front relève de l’impossible »
-Arthur : Pourtant Toulon l’a fait l’année dernière !
-François : C’est vrai… Mais il faut bien être un peu de mauvaise foi pour soutenir le Stade !
C’est finalement Géraldine, danseuse de profession qui va réunir nos supporters autour d’une idée : « Dans le sport, le doute c’est la faiblesse ». C’était le mot de la fin. Et la conversation s’achève sur quelques échanges relatifs aux vies professionnelles et personnelles de chacun avant que chacun ne vaque à ses occupations. Bonne semaine !
Mini-bios
Géraldine Borghi
Chorégraphe et danseuse, elle codirige la compagnie Filao (créée il y a cinq ans) qui propose des spectacles de danse contemporaine tous publics, mais aussi des représentations dédiées aux enfants (à partir de trois ans). Animée par la volonté de rendre son art accessible et de sensibiliser les plus jeunes à la danse, elle intervient dans les écoles de l’agglomération.
François Briançon
Actuellement, élu municipal d’opposition à la mairie de Toulouse, il a siégé dans la majorité lors du mandat de Pierre Cohen durant lequel il était adjoint en charge des sports et loisirs. Pour se consacrer pleinement à sa fonction, il avait cessé son activité professionnelle qu’il reprend aujourd’hui en créant son agence de communication, Lune rousse.
Arthur Arlet
Fondateur et gérant de l’établissement de restauration rapide « Duck me ». Basé exclusivement sur la viande de canard, son nouveau concept semble séduire les Toulousains, le but étant de concurrencer les chaînes de fast-food en introduisant, dans ce mode de consommation, des produits du terroir.
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