CONVIVIALITE. Lors d’un copieux repas, les trois invités du jour Jean-François Laffont, Pierre Juston et Gilles Jumaire ont commenté l’actu du moment… Entre le possible retour de Nicolas Sarkozy en 2017, le rapport enterré sur le gaz de schiste et les mannequins anorexiques, ils ont eu de quoi dire !
Par Coralie Bombail et Simon Pialat
C’est rarement dans un état d’esprit autre que bon enfant que se déroule le déjeuner-débat. Le dernier en date n’a pas dérogé à la règle. Fait rarissime, il a démarré sans que la moindre question ne soit posée. Réunis autour de la table, les invités se dévoilent à tour de rôle.
On commence le débat avec le retour possible de Nicolas Sarkozy en 2017, alors que les règles de la primaire à droite sont désormais connues. «J’ai trouvé la Une de Charlie Hebdo de ce mercredi très, très bien !» s’exclame Pierre Juston, étudiant et militant socialiste. «Qui a encore envie de le revoir ? Plus personne, à part les militants UMP.» Aux élections départementales, la droite a fait fureur en France, terrassant son adversaire socialiste quant au nombre de cantons remportés. La Haute-Garonne, historiquement ancrée à gauche, constitue l’une des grandes exceptions. «Mais cette victoire nationale ne veut pas dire que les électeurs souhaitent pour autant son retour.» Plus discret sur sa position politique, Gilles Jumaire sort de l’ombre, reconnaissant peut-être de part et d’autre, dans l’écologie ou la croissance, des positions libérales chez des socialistes, et une vision parfois de gauche chez des personnalités politiques du camp adverse. Mais pour en revenir à l’ancien chef de l’Elysée, lui aussi redoute son retour. «Qui y aura-t-il en face, à gauche ? Les électeurs montrent qu’ils en ont marre de tout cela et moi je suis contre le métier de politique. J’aimerais que ça n’en soit pas un, mais là je rêve (rires) ! Ce sont des organisations d’hommes qui m’échappent.» Aux prises avec la justice dans des affaires différentes, l’ex-président et peut-être futur candidat à la présidentielle « bénéficie toujours d’une présomption d’innocence, mais je ne crois pas qu’il fasse du bien à la politique» ironise l’étudiant socialiste Pierre Juston. «Les citoyens n’ont pas confiance en Sarkozy mais doivent croire en lui sur le fait que c’est une bête et il va rebondir comme un chat. S’il arrive à réunir toutes les voix de droite et du centre, il va battre Hollande» pronostique Jean-François Quoi qu’il en soit, à l’unanimité autour de la table, le Front national arrivera au second tour. «C’est terrifiant et il faut se mettre au boulot, non pas pour le contrer, mais pour comprendre pourquoi il monte.» La gauche ou la droite face au FN ? Les paris sont lancés. «Sarkozy a la machine UMP et l’outil de travail : il va ringardiser Fillon et Juppé » explique le président de Convengéncia Occitana. «On va se retrouver à la présidentielle sans choix, avec l’UMP ou le PS face à Marine Le Pen», constate-t-il.
« Qui y aura-t-il en face de Nicolas Sarkozy à gauche ? »
Le jeune socialiste se refuse quant à lui «au sacre du pragmatisme», à l’heure où l’on dénonce les girouettes dans le monde politique. «Il doit aussi y avoir une idéologie, des repères existants, et ce n’est pas parce que des personnalités dérivent qu’elles se perdent dans leurs valeurs.» Désaccord profond. «Macron, vous n’allez quand même pas me dire qu’il fait une politique de gauche ?» interroge le président de la fédération occitane. «Je n’ai pas de tendance Macron», intervient le directeur de Bleu Citron. «Mais j’ai parfois l’impression que l’économie, c’est une case. Comme la culture et l’enseignement qui sont plutôt marqués à gauche. Mais la croissance, est-elle typiquement de droite ou de gauche ? Sans elle, c’est le chômage. Je n’ai pas besoin de produire plus pour moi mais il faut bien distribuer les richesses.» Problématique autre qu’est le taux d’abstention : « Les gens en ont marre d’élire des responsables comme Hollande ou Sarkozy qui n’ont pas tenu leurs engagements», fustige l’avocat. Proche du milieu politique, l’étudiant Pierre Juston relativise et salue le courage du président socialiste avec le mariage pour tous.
En terminant nos émincés de porc, nous passons au deuxième thème de cette rencontre : le rapport surprise sur le gaz de schiste, commandé par Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, puis enterré… Il révèle une nouvelle méthode d’extraction plus respectueuse de l’environnement et certains soupçonnent un passage sous silence, pour ne pas froisser (davantage) les Verts… Sur ce sujet, Jean-François Laffont est péremptoire : «Le pétrole s’est effondré, cette ressource n’est donc plus rentable aujourd’hui». Une affirmation qui sous-tend la volonté claire de préserver notre territoire : « La France est un pays désindustrialisé, que va-t-il rester à nos petits-enfants si on enlève nos beaux paysages, notre histoire, notre gastronomie ? » s’interroge-t-il. Pierre Juston ne croit pas à une stratégie politicienne envers les écologistes : « l’enjeu est plus important que cela », selon lui. «Je pense que c’est bien de continuer à faire des recherches, à commander des rapports mais a priori on n’a pas encore trouvé une méthode d’extraction propre», poursuit le socialiste, qui se prononce en faveur des énergies renouvelables notamment maritimes. Gilles Jumaire, quant à lui n’a pas « de position nette par rapport à ça », mais remarque que « les politiques devraient bien réfléchir avant de mettre quelque chose en place… Moi, par exemple, j’ai profité des avantages des panneaux photovoltaïques, mais le gouvernement a fait marche arrière quand il s’est rendu compte qu’il perdait une fortune ! » Pierre Juston milite en faveur de programmes locaux en faveur des énergies renouvelables, qui « s’adaptent aux spécificités des régions ». « Mais il y’a toujours le problème du lobby, comme on le remarque dans le domaine automobile, ça fait longtemps qu’on connait d’autres moyens que l’essence ! » lance Gilles Jumaire.
« Pourquoi le camp majoritaire n’est-il pas allé voter ? »
Le dernier sujet s’éloigne de la ligne politique et concerne le vote d’une loi interdisant les mannequins anorexiques de défiler. Gilles Jumaire n’en croit pas ses oreilles : « Les députés ont vraiment légiféré là-dessus ? Ils n’ont rien d’autre à faire ? » Pierre Juston défend ce texte : « C’est le même débat que la parité, ce n’est pas quelque chose qui devrait se décréter mais la loi doit parfois intervenir pour rétablir les choses. » Il avance que derrière cette loi, « c’est la question de l’image de la femme véhiculée dans les médias, des canons de beauté, qui deviennent des références dangereuses pour les jeunes filles. C’est également la pression des agences de mannequinat, qui sont parfois des esclavagistes du rêve ». Jean-François Laffont va plus loin : « On pourrait même se demander si c’est éthique de faire défiler des êtres humains ? » avant de terminer sur une note d’humour : « L’Assemblée nationale pourrait aussi les obliger à sourire, parce que franchement, les mannequins tirent la gueule ! » L’idée est lancée…
Mini bios
Gilles Jumaire : Il y a 15 ans, il crée la société Bleu Citron à Toulouse, qui a pour objet d’organiser et produire des spectacles. Spécialisé en musiques actuelles, Bleu Citron programme aussi bien des artistes au Zénith qu’à la Dynamo. Originaire de Tour, Gilles Jumaire commence sa carrière à Paris avant d’intégrer le Printemps de Bourges en tant que responsable du secteur artistique.
Pierre Juston : Etudiant en Master 2 de droit public, Pierre Juston travaille dans le milieu éducatif depuis 5 ans. Il a rejoint un temps les rangs de la Ligue des droits de l’Homme avant de s’engager au Parti socialiste, « au moment de la primaire citoyenne ». Il soutenait alors Arnaud Montebourg.
Jean-François Laffont : président de la Fédération Convergence occitane qui regroupe 85 associations, il se définit comme « un militant occitan -et pas occitaniste- depuis toujours ». Fier de son pays, il défend néanmoins le droit de laisser s’exprimer deux cultures. Il est également avocat au barreau de Toulouse.
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