Transparence. Des conséquences de la mobilisation contre la loi travail, à l’implication de l’ex-chef des stups dans un trafic de cannabis, en passant par des essais cliniques mortels, nos invités du jour se sont attardés sur l’actualité nationale. Des coups de gueules mais aussi des propositions.
Non sans coquetterie, Maître Judith Amalric-Zermati se repoudre le nez avant de se prêter au jeu des photos, rejoint par David Gerson terminant une conversation téléphonique. Et nul besoin de faire les présentations, car nos deux convives se connaissent déjà : « C’est mon avocate », s’exclame le délégué Les Républicains, mais « ce n’est pas pour autant que nous sommes toujours d’accord », précise l’avocate. C’est ce que nous allons découvrir en abordant les contestations contre la loi El Khomri qui prennent aujourd’hui une nouvelle tournure avec le blocage des raffineries, mais aussi les violences dénoncées en parallèle des manifestations. Pour Judith Amalric-Zermati, la méthode employée par le gouvernement « de mettre les citoyens devant le fait accompli, sans concertation préalable » et par les manifestants « qui mélangent désobéissance civile et violence », sont contestables. Elle dénonce, la surenchère de la CGT, la prise à partie des élus dans leur permanence comme à leur domicile : « Nous n’avons jamais vu autant de violence de la part de mouvements de gauche. Avant la guerre, c’étaient les ligues fascistes qui avaient recours à ces méthodes ! » Ce qu’approuve David Gerson : « Nous assistons à la radicalisation d’un syndicat qui ne représente que 3% des salariés. Et pour gagner en légitimité, il empêche les entreprises de fonctionner. » Là, il voit une perte d’autorité de l’État incapable de s’imposer : « Comment peut-on avouer que les casseurs sont clairement identifiés à ce jour et les laisser se mêler aux cortèges ? Comment peut-on autoriser des manifestations en situation d’état d’urgence ? » L’avocate saute sur l’occasion pour démontrer qu’effectivement, ils ne partagent pas toujours le même avis : « Je suis également opposée à cette loi mais je suis descendue dans la rue pour le faire savoir car, Monsieur, la manifestation est un droit démocratique ! En revanche, faire croire que la refonte du Code du travail pourrait être à l’origine du chômage est faux ! » Elle avance même que beaucoup se disent contre cette loi sans n’avoir jamais lu le projet en question. Même interrogation pour David Gerson qui se demande finalement pourquoi être contre, « quand on ne sait plus de quoi elle est composée. Elle a été tricotée, détricotée, retricotée… Bref, tout est emmêlé ! » Pour ce dernier, la solution est simple : « Baisser les charges patronales et augmenter la TVA de deux à trois points pour combler. La taxe sur la valeur ajoutée est payée par tous et représente la plus grosse recette fiscale pour l’État. » À cette proposition, l’avocate hoche la tête et confirme que tout le problème économique provient des charges, « et c’est bien pour cela qu’il faut réformer le Code du travail ! Mais pas de la manière dont s’y prend le gouvernement ! » Pour son vis-à-vis, « il ne faudrait pas reculer devant la pression de la rue. Sarkozy avait bien tenu face aux manifestations de 2010 pour la réforme des retraites ! » Il suffirait de rediscuter le projet comme le souligne Judith Amalric-Zermati, « et pourquoi pas envisager un référendum où tous les citoyens pourraient s’exprimer », quand David Gerson propose plutôt un fonctionnement par ordonnances : « Quand un président est élu, il devrait, dans les quatre premiers mois de son mandat, faire passer ses grandes lois par ordonnances. Il aurait ensuite son quinquennat pour les appliquer et convaincre. »
Appliquer les lois, c’est aussi ce qu’aurait dû faire François Thierry, ex-patron des Stups, sur lequel une enquête interne est menée pour une mise en cause dans un large trafic de cannabis en France. Pour nos invités, à l’unanimité, c’est le manque de contrôle qui engendre ce type de dérives. S’il rappelle que les “ripoux” ne représentent qu’une minorité de policiers et que la généralisation n’est pas de mise, David Gerson s’interroge quand même : « n’est-ce pas le système qui est grippé ? On demande à ces flics toujours plus de résultats sans leur donner les moyens de les obtenir. Pour plus d’efficacité, ils font donc appel à des informateurs, prennent des couvertures pour s’infiltrer au sein de trafic… et sont donc soumis à la tentation. Certains passent alors de l’autre côté de la ligne. » Pour y remédier, Judith Amalric-Zermati propose d’abord de permettre aux différents services de communiquer, puis d’augmenter les contrôles, et enfin de réformer leur fonctionnement en dissociant la police judiciaire de la police administrative. Effectivement, si cette confusion n’avait pas lieu, « François Thierry n’aurait pas pu mettre ce trafic en place. S’il y est parvenu, c’est forcément grâce à l’aide de complices à l’intérieur même de la police, et ce à tous les niveaux hiérarchiques. Certains ont préféré fermer les yeux ! » Comme le souligne l’avocate, « les contrôles doivent être moralisés, car les supérieurs couvrent les “ripoux”. Cela n’existerait pas si le fonctionnement des polices était revu ! »
Et en ce qui concerne les contrôles justement, ils sont aussi préconisés par nos invités en matière de santé. Alors que le laboratoire Biotrial a été mis en cause par l’Inspection générale des affaires sociales dans l’essai clinique mortel de Rennes, l’avocat rappelle que « des avertissements avaient déjà été lancés lors de l’affaire du Mediator qui avait largement soulevé le comportement cynique des laboratoires. Malheureusement, nous n’en avons tiré aucune leçon ! » À l’époque, l’influence des lobbies pharmaceutiques avait été dénoncée « mais l’opacité des laboratoires persiste. Les contrôles sont approximatifs et les enjeux financiers dépassent ceux de la santé », déplore David Gerson, précisant que pour lui, il s’agit-là « d’un véritable attentat, commis par des entreprises au comportement extrémiste. » Judith Amalric-Zermati cautionne ces dires et parle elle « d’un empoisonnement. C’est irresponsable car la recherche effrénée de la rentabilité à court terme et la concurrence acharnée vont à l’encontre de leur mission ! » Mais comment éviter que cela ne se reproduise ? « En encadrant les essais thérapeutiques par des instances réellement indépendantes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », répond l’avocate, relevant les conflits d’intérêts notoires à l’Assemblée nationale et à Bruxelles. Mais le secteur de la santé souffre d’une opacité que regrettent nos deux convives. De manière transparente, elle, Judith Amalric-Zermati conclut elle-même le débat. À la façon d’une plaidoirie qu’elle maîtrise, elle résume : « l’heure est au dialogue, à la pacification des rapports sociaux, et ce dans tous les domaines. Il faut consolider notre fond démocratique… sous peine de faire place nette aux extrêmes. »
Phrase exergue : « Baisser les charges patronales et augmenter la TVA de deux à trois points pour combler. » David Gerson
Phrase exergue : « L’heure est au dialogue, à la pacification des rapports sociaux et ce dans tous les domaines » Judith Amalric-Zermati
Mini-bios :
Judith Amalric-Zermati : Avocate au barreau de Toulouse depuis 25 ans, elle exerce un droit généraliste mais garde une prédominance pour le droit du travail, privé comme public. Son implication dans le milieu judiciaire la conduira à devenir déléguée pour le Syndicat des avocats de France. Mais elle s’engage également dans le milieu associatif en s’impliquant auprès d’organismes qui lutte pour le droit des hommes, des femmes et des enfants.
David Gerson : Adhérant au RPR en 1989, il est toujours un membre actif des Républicains puisqu’il est actuellement délégué de la première circonscription LR et conseiller municipal d’opposition à Blagnac. Il mène également, localement, la campagne de Jean-François Copé aux primaires de son parti. À 45 ans, il est gérant de deux entreprises évoluant dans la certification d’hygiène.
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