L’obsolescence programmée, celle qui contraint à racheter un appareil électrique plutôt que de le réparer, est-elle légion ? Pour le savoir, Lucie Paimblanc, journaliste au JT a tenté de ramener à la vie son grille-pain. En se rendant notamment à un atelier Café Bricol’ qui se tient régulièrement à Toulouse et environ. Lucie Paimblanc
Ce jour-là, dès potron-minet, à l’heure où les réflexes l’emportent sur l’intellect, j’appuie machinalement sur le bouton qui fait descendre ma tranche de pain dans le fond du grille-pain. Mais rien ne se passe. La tartine remonte à la surface, les résistances de l’appareil ne chauffent pas. Je vérifie qu’il est bien branché, puis je réessaie. Rien à faire, l’objet ne fonctionne plus. Il n’a pourtant pris aucun choc, il n’est pas tombé… Je m’agace de cette situation qui me parait illogique. «Encore un coup de l’obsolescence programmée», me dis-je. « Mais tu ne m’auras pas comme ça, société de consommation, je vais le réparer, ce grille-pain ! »
Depuis que l’industrie a compris que les objets éternels limitent le volume des ventes, nous, consommateurs, sommes confrontés à l’obsolescence programmée. Pour faire simple : j’achète un appareil qui tombe en panne peu de temps après la durée de sa garantie, je me renseigne pour le faire réparer mais cela me coûterait trop cher, alors j’en rachète un neuf. Ce mécanisme contribue à piller les ressources naturelles non renouvelables et à polluer la planète. Les fabricants d’électroménager se débrouillent généralement pour que les particuliers ne puissent pas réparer les objets du quotidien. Alors, voyons si mon toaster est si récalcitrant que ça.
Avec mon grille-pain sous le bras, je me rends donc à un Café Bricol’ organisé au Fablab toulousain Artilect. Ce rendez-vous gratuit permet d’apprendre à réparer les objets défectueux. Sur place, je découvre une poignée de personnes en train de démonter leur machine à café, four à micro-ondes ou machine à coudre. Un bénévole bricoleur, Philippe, passe nous voir les uns après les autres pour nous indiquer quoi faire. «Commence par vérifier que la résistance du grille-pain n’est pas cassée. Cela arrive souvent quand on plonge un couteau pointu dans l’engin pour attraper une tranche de pain coincée», me dit-il. Les participants font appel à l’entraide, aux bons conseils des bénévoles mais doivent aussi y passer un peu de leur temps libre. Après deux heures à dévisser tant bien que mal le socle de l’appareil, je n’ai pas fait la moitié du travail. Il faudra donc que je revienne à un prochain Café Bricol’ pour tenter de relancer mon grille-pain.
Hors de question de dire “Adieu” à mes toasts pour autant. S’il me faut un appareil de remplacement, je n’en achèterai certainement pas un neuf. Premier réflexe : une virée chez Emmaüs. J’y trouve un modèle plus ancien qui me donne tout de suite plus confiance dans sa longévité. Mon compagnon s’amuse à le désosser pour le nettoyer parfaitement avant de le remonter. Étonnement, il ne lui a pas fallu plus de cinq minutes pour démonter cette vieillerie. Outre Emmaüs, j’aurais pu me tourner vers les Ressourceries, les brocantes ou encore un site de vente d’occasion. Je découvre même une nouvelle tendance : le prêt. Le site français mutum.fr souhaite, par exemple, calmer les ardeurs de la consommation en suggérant d’intégrer l’emprunt et le prêt d’objets dans notre mode de vie courant.
Aujourd’hui, la résistance s’organise face au fléau environnemental de l’obsolescence programmée. Le site halteobsolescence.org liste des leviers pour « améliorer la réparabilité des produits ». Il faudrait, selon eux, que le consommateur ait accès à des pièces détachées pendant dix ans et inscrire ce droit dans le Code de la consommation. L’organisation Halte à l’obsolescence programmée propose, elle, d’alourdir les sanctions applicables en cas de non-respect de la loi. « Pour être dissuasives, elles doivent impérativement être augmentées en indexant le montant de l’amende sur un pourcentage du chiffre d’affaires relatif au produit concerné », indique-t-elle. Et cela plutôt que l’amende actuelle qui peut s’élever au maximum à 15 000 €. Ce simple grille-pain m’aura fait vivre une grande aventure au pays de la consommation !
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