Mardi soir à 17h30, des milliers de Toulousains se sont réunis place du Capitole pour rendre hommage aux victimes décédées lors des attentats de Paris, vendredi dernier. Un rassemblement paisible et émouvant pour clôturer trois jours de deuil national.
Par Laurie Mecreant
Dans les rues adjacentes à la place du Capitole, la vie bat son plein mardi en fin d’après-midi. Le ciel est sans nuages, la lumière tombe doucement, l’air est encore doux, enveloppant les passants d’un air jovial. La chaussée est animée par les nombreux badauds, venus profiter de cette agréable fin de journée pour faire leurs emplettes. À l’entrée de la place, veillent des policiers. Deux ou trois véhicules seulement postés à chaque angle de rue. Malgré les rumeurs de menace, le plan Vigipirate renforcé et la tension palpable suite au choc des évènements, pas de déploiement surdimensionné des forces de l’ordre apparent.
La place carrée est noire de monde. Peu de pancartes brandies et malgré l’affluence, beaucoup de calme. Des petites blondinettes passent par-là, trottinette à la main, une pochette de carton autour du cou avec chacune une inscription « je suis née pour être libre » et « paix et amour ».
Les regards sont tournés vers l’Hôtel de Ville. Devant la façade principale, les personnes défilent pour lire les messages, se recueillir, et surtout allumer des bougies, sans cesse renouvelées.
La nuit tombe doucement. À l’entrée du Capitole, les écharpes bleu, blanc, rouge, sont agroupées. Les élus, les candidats et autres représentants politiques sont venus nombreux. En tête de file, Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse, Georges Méric, président du Conseil général de Haute-Garonne, et Martin Malvy, président du Conseil régional de Midi-Pyrénées. En première ligne, on trouve aussi un imam, accompagné d’autres personnalités religieuses de foi musulmane ainsi qu’un rabbin.
17h30 le silence s’installe. On entend les travaux dans les rues au loin et quelques chuchotements. Un discours se fait attendre. Au bout de quelques minutes, la Marseillaise est entonnée, les politiciens suivent, et puis toute l’assemblée. Un tonnerre d’applaudissements conclut l’hymne national et le silence revient.
« Allez la France » crie quelqu’un. Et la foule répète. Un brouhaha monte alors avant de retomber sobrement. Sur le balcon du Capitole, les journalistes assaillent l’attroupement de flashs. L’un d’eux agite son téléphone portable, lumière allumée. La multitude l’imite. Un lent balai de lucioles s’agite sans bruit. L’émotion grandit à mesure que le ciel s’obscurcit.
La Marseillaise à nouveau. Les gorges se déploient au son du refrain. La clameur célèbre la communion.
« On joue leur jeu, celui des images. On veut montrer une France unie. »
Les élus présents et représentants des différentes fois, se serrent la main et s’embrassent. Des cris retentissent, repris en chœur par l’assemblée « liberté, égalité, fraternité », « on est tous unis », « la France encore debout » et puis un « Aveyron » bien distinct qui déclenche l’hilarité. Des messages sont également scandés comme « N’aie pas peur », « Toulousains », « Parisiens » ou encore « Paris, Toulouse est avec toi ». Une troisième fois la Marseillaise, avant le silence, encore plus prégnant à chaque fois.
Vers 18h, alors que la foule commence à peine à se disperser, que les discussions reprennent, Martin Malvy salue « ce moment de recueillement et d’émotion, cette volonté du peuple de vivre ensemble et de défendre les valeurs de la République ». L’imam de Bagatelle, Haj Moktar, est indigné « Ils ont sali l’Islam. Tous les musulmans sont choqués. L’Islam ce n’est pas ça. L’Islam nous dit de vivre ensemble, c’est ça l’Islam ». Les réactions sont rapides, les remerciements nombreux de la part des quelques citoyens qui ont entendu ses propos, reconnaissants de cette affirmation du pacifisme de l’Islam.
Certains regrettent l’absence de discours. Quelques regards humides percent « J’étais à Paris vendredi, pas très loin des attaques. J’ai perdu des proches de proches, des amis de la famille, et ça aurait pu m’arriver. » La majorité s’attarde, désireuse de prolonger le recueillement.
Ci et là, des dessins naissent à même le pavé. Chacun y va de son coup de craie. « On fait ce que l’on peut pour montrer que l’on est unis. On joue leur jeu, celui des images. On veut montrer une France unie. Pour moi, à notre échelle de citoyen, c’est ce qu’on peut faire de mieux, mieux que d’y aller chacun de son petit commentaire sur les réseaux sociaux ».
Quand finalement on s’éloigne de la place, « les Champs-Élysées » de Joe Dassin, entonnée à qauche et à droite, nous accompagne comme une happy-end nous esquisse un sourire, les yeux bouffis de larmes pas encore essuyées.
Commentaires