Émotion. Depuis samedi dernier, la place du Capitole est devenue un lieu de recueillement et de rassemblement pour les Toulousains. Les attentats de Paris ont résonné comme une onde de choc sur la ville, d’autant que l’actualité est marquée par des vagues de perquisitions. Faut-il s’inquiéter ?
Par Séverine Sarrat et Coralie Bombail
Bougies, banderoles, fleurs, messages de soutien en tous genres, ont envahi le parvis du Capitole. Tandis que les drapeaux au balcon de l’édifice sont en bernes. Comme en janvier dernier, les Toulousains sont au rendez-vous du rassemblement. Depuis les attentats de Paris, le temps s’est arrêté à plusieurs reprises pour célébrer des minutes de silence en hommage aux victimes. Mardi dernier, 12 000 personnes se sont recueillies sur la place toulousaine, ont entonné la Marseillaise et ont scandé : « Nous n’avons pas peur ! Nous n’avons pas peur ! Nous n’avons pas peur ! » Résister à la psychose est un enjeu majeur. Car derrière l’émotion palpable, l’État d’urgence rappelle à tous la réalité de la menace terroriste.
Depuis dimanche dernier, 19 perquisitions ont eu lieu à Toulouse, six gardes à vue, et trois maintiens à résidence. Actuellement, une seule personne est encore en garde à vue. La préfecture de Haute-Garonne précise que ces opérations « n’ont pas de liens avec l’enquête en cours sur les attentats de Paris du 13 novembre. » Pourquoi une telle accélération ? « Il y avait une riposte à faire après les attentats, les perquisitions ont été ordonnées au niveau parisien », explique Didier Martinez, du syndicat policier SGP. Difficile de savoir sur quelles informations ont été décidées ces descentes dans les quartiers. La préfecture, qui centralise toute la communication sur le sujet, reste lacunaire : « Ces interventions visaient des individus suspects à différents titres. » « Il y a un certain secret autour de ces opérations, nous avons peu d’éléments », avoue le policier toulousain Philippe Peyri, affilié au syndicat FPIP, « mais il est certain que les autorités vont profiter de l’état d’urgence pour mener les interventions qui ne pouvaient pas être menées avant », poursuit-il.
« Il s’agissait surtout de mettre un coup de pied dans la fourmilière »
L’état d’urgence permet aux forces de l’ordre de dépasser le cadre légal des interventions (notamment au niveau des horaires). « Les perquisitions vont se poursuivre. Cela va nous permettre de réaliser un travail de fond, car nous aurons moins de freins juridiques », précise David Portes, secrétaire de la zone Sud-ouest du syndicat FPIP. Dans la nuit de dimanche à lundi, une centaine d’hommes a été rappelée pour participer à l’opération. Résultat : les policiers ont notamment saisi de l’argent et de la drogue, « c’est-à-dire ce qui sert au financement des filières terroristes », mentionne le commandant de police Christophe Rouget, membre du syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI). « Ce que nous avons trouvé concerne surtout des affaires incidentes, mais c’est toujours utile », nuance Didier Martinez, selon qui, il s’agissait surtout « de mettre un coup de pied dans la fourmilière, on y est allé un peu à tâtons pour voir où on en était avec ces individus, repérés depuis un certain temps. »
Bref, ces perquisitions ne sont pas le signe d’une aggravation soudaine de la situation. En revanche, les forces de l’ordre sont en alerte depuis longtemps à Toulouse : « Avec l’affaire Merah, un gros travail a été réalisé, même si le service de renseignement est vraiment sous-dimensionné ici », remarque le policier David Portes. Récemment, la tension est montée d’un cran : « Il y a quelques semaines, au Mirail, nous avons interpellé un individu, fragile psychologiquement, qui portait un gilet pare-balle, une arme automatique. Il criait « Allah akbar ! » et nous a avoué vouloir faire exploser un bar. Nous ne sommes pas passés loin du drame », raconte le commandant Christophe Rouget, qui rappelle que « Toulouse constitue un terreau fertile pour le terrorisme ».
« Nous ne sommes pas passés loin du drame »
D’ailleurs, l’homme qui enregistré le message de Daesh suite aux attentats de Paris est un Toulousain : il s’agit de Fabien Clain, un proche de Mohammed Merah. Une des priorités sécuritaires est de repérer les « recrues » du djihad : « De plus en plus de jeunes cherchent à rejoindre les zones de guerre, de combats ou en reviennent. En Midi-Pyrénées, nous dénombrons beaucoup de personnes dans ces cas-là. Nous les surveillons, mais la tâche est ardue, car nous ne pouvons pas intervenir tant qu’ils n’ont rien fait », déplore le commandant Rouget, qui ne peut révéler le nombre d’individus fichés S dans la région. « La fiche S est un fantasme médiatique », clame-t-il, « Il s’agit tout simplement d’une procédure à suivre pour obtenir des renseignements lorsque le doute plane sur une personne ».
La surveillance est à son maximum sur tout le département. 80 % des effectifs de police et gendarmerie sont mobilisés, et vont concentrer leur présence sur les lieux publics, les lieux de cultes, mais aussi les centres commerciaux : « À l’approche de Noël, nous sommes inquiets, car ce pourrait être une cible de choix », prévient le policier Philippe Peyri (FPIP). La fin d’année va être difficile à gérer, « d’autant qu’il est prévu que nous envoyons des effectifs pour la Cop 21, pour l’instant ce n’est pas annulé », précise Didier Martinez (SGP). D’autres évènements d’envergure sont à venir, l’Euro 2016, notamment. Mais la réforme territoriale, qui doit se mettre courant 2016, pourrait entraver le travail des forces de l’ordre, car Toulouse ne dépendra plus de la zone de défense de Bordeaux, mais de celle de Marseille. Ce qui éloignera considérablement l’ensemble des brigades d’intervention spécialisées de la ville rose. Est-ce que les récents évènements pourraient changer la donne ? Les syndicats policiers l’espèrent.
Selon une information du Figaro, confirmée par l’AFP, l’homme qui aurait enregistré le message de Daesh revendiquant les attentats de Paris, serait le Toulousain Fabien Clain. Un nom connu des services de police. Il est repéré en 2001 en tant que fondateur d’un groupuscule salafiste – «la cellule d’Artigat», dans le quartier du Mirail à Toulouse. C’est là qu’il rencontre des membres de la famille Merah (Abdelkader Merah et Sabri Essid, respectivement frère et beau-frère de Mohammed Merah).En 2009, il est condamné à cinq ans de prison pour avoir animé une filière d’acheminement vers L’Irak. Période pendant laquelle il correspond avec l’auteur des tueries toulousaines. Puis, à sa sortie en 2013, il part en Syrie rejoindre l’État islamique. Il refait parler de lui en avril dernier, lors de l’attentat manqué de Villejuif, où il est considéré comme le commanditaire par les enquêteurs.
Depuis lundi, des fausses rumeurs qui annoncent des prochains attentats à Toulouse, circulent via les réseaux sociaux, textos et mails… Ces messages mentionnent un informateur proche de la DGSI à Toulouse, selon lequel des plans de la Fnac Wilson, et de centres commerciaux proches de Toulouse ont été retrouvés dans les perquisitions récemment menées. Alertée, la préfecture de Haute-Garonne dément ses informations et appelle les citoyens à ne pas les relayer.
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