Afin de mieux contrôler et améliorer la qualité de l’air, dont la pollution provoque plus de 50 000 décès précoces par an, Toulouse pourrait se lancer dans le développement d’un ”quartier organique”. Un premier pas vers la ville intelligente dédiée à la santé et à l’environnent.
Allergie, asthme, maladies respiratoires… Avec plus de 50 000 décès prématurées par an liés à la pollution atmosphérique, la qualité de l’air que nous respirons est évidemment un enjeu de santé publique. Mais c’est aussi un enjeu économique et politique. « Une population en meilleure santé fait baisser significativement les coûts sociaux économiques », assure Claire Pitollat, députée des Bouches-du-Rhône et présidente du groupe d’études “Air et santé” à l’Assemblée nationale, qui est venu animer une table ronde sur le sujet à Toulouse. Deux pistes de travail ont été principalement abordés au cours de cette journée de réflexion, qui réunissait des spécialistes de la santé, des politiques et des acteurs locaux de la surveillance environnementale : la qualité de l’air intérieur et le développement d’un ”quartier organique”.
Contrairement à l’idée reçue, la pollution de l’air ne se limite pas à l’extérieur de nos maisons. « Les espaces intérieurs ont leurs polluants propres. Or, la crise de la Covid-19 à révélé que nous avions beaucoup de mal a aérer les milieux clos. D’autant qu’afin d’améliorer la performance énergétique des bâtiments, nous avons créé des boites étanches, et que près de 70 % des systèmes de ventilation des bâtiments sont défectueuses », alerte Claire Pitollat, qui souhaite que la qualité de l’air soit prise en compte dans les diagnostiques de performance énergétique. « Nous avons oublié que les gens ont besoin de respirer. Par exemple, dans une salle de classe trop isolée, la saturation des niveaux de CO2 peut entraîner une baisse de l’attention des élèves et avoir des conséquences dramatiques sur l’asthme », ajoute la députée. Pour elle, l’édification de nouvelles normes sur le sujet aurait le double intérêt de garantir un meilleur cadre de vie et de structurer une filière professionnelle (aération et ventilation), comme ce fut le cas pour le secteur de l’efficacité énergétique.
Si les gaz à effet de serre sont impliquées dans le réchauffement climatique et constituent un facteur déterminant de la question environnementale au niveau global, les enjeux de pollution de l’air sont, la plupart du temps, extrêmement locaux et ponctuels. « En ville, la présence d’une rocade ou d’un axe structurant peut provoquer des situations extrêmement disparates, à quelques rues d’écart. De même, deux mesures faites au même endroit en milieu de journée ou aux heures de pointe peuvent donner des résultats très différents », constate Claire Pitollat qui défend l’idée d’une densification du maillage des points de mesure. Ainsi qu’une multiplication des critères mesurés : niveau sonore, particules fines et allergènes, odeurs, pollens, etc.
De quoi fournir une importante base de donnée environnementale très utile pour les pouvoirs publics, qui pourront étayer leurs choix en matière d’urbanisme à l’aide d’études précises, mais également pour les usagers et les professionnels de santé. « Mesurer en temps réel les niveaux de substances allergènes peut permettre aux personnes fragiles de mieux se protéger ou aux médecins d’adapter plus finement les traitements prescrits », précise l’élue. Celle-ci a d’ailleurs profité de son déplacement à Toulouse pour rencontrer des sociétés spécialisées dans la mesure environnementale. Notamment Rubix qui développe des capteurs et des outils de mesure des nuisance environnementales et qui a participé à l’élaboration de la table ronde ”Air et santé”.
En plus de la multiplication de points de mesure de la qualité de l’air (actuellement Toulouse n’en compte qu’une douzaine en extérieur), Claire Pitollat souhaite s’appuyer sur l’expertise des entreprises toulousaine en matière de systèmes embarqués. « C’est une technologie très intéressante pour la mesure de la qualité de l’air », assure la député. Celle-ci espère même développer, avec la société toulousaine Rubix, un démonstrateur de ”quartier organique”. Une sorte de prototype de quartier intelligent, inspiré de la logique de smart-city, qui produirait, traiterait et rendrait accessible, en temps réel, une immense base de donnée environnementale.
En effet, équiper les flottes de véhicules des grandes sociétés ou des collectivités locales permettrait de quadriller la ville avec des mesures régulières, mais aussi d’avoir des informations immédiates sur le niveau de pollution de ces même véhicules. « Un système d’alerte donnerait la possibilité d’identifier un autobus qu’il faudrait envoyer en maintenance. Ou de détecter un carrefour mal régulé qui provoquerait des pics de pollution ponctuels. Alors qu’il serait resté en dessous des radars avec des moyennes journalières sur des zones trop large, comme c’est le cas aujourd’hui », imagine Claire Pitollat.
Pour elle, tous ces capteurs serviraient donc de ”lanceur d’alerte” et d’outil d’accompagnement citoyen. Ainsi peut-être que, demain, des QR codes placés sur la base des lampadaires proposeront aux personnes fragiles des informations sur les îlots de chaleur ou leur suggéreront des parcours fraîcheurs actualisés. Ou encore votre abri bus vous communiquera, en plus de votre temps d’attente, les meilleurs horaires de déplacement pour éviter une surexposition au pollen et autres particules allergènes.
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