Dans un séminaire en ligne organisé par l’Agence régionale de santé Occitanie et la préfecture de région, le professeur Alain Fischer, immunologue et président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale, s’est prêté au jeu des questions-réponses sur la vaccination avec des citoyens, des élus ou des journalistes de la région.
Comment expliquer l’arrivée de la cinquième vague ?
D’abord, parce qu’il reste, en France, 10% de la population qui ne sont pas encore vaccinés, soit 6 millions de personnes. Ensuite, parce que le variant Delta, arrivé à la fin du mois d’avril, est infiniment plus transmissible que ses prédécesseurs. Les scientifiques qui réalisent des modélisations de l’épidémie de Covid-19 ont également démontré que le relâchement constaté des gestes barrière, depuis l’été dernier, a favorisé la circulation du virus. La météo, plus froide et plus humide, est un autre facteur, d’autant plus qu’elle entraîne les gens à se regrouper dans des espaces intérieurs, où le risque de contamination est plus fort.
Faut-il s’inquiéter de l’avis rendu par la Haute autorité de santé qui déconseille le vaccin de Moderna pour les personnes âgées de moins de 30 ans ?
Chez les sujets de 12 à 30 ans, il a été en effet constaté des effets secondaires rares, comme des myocardites et péricardites. Cela ne concerne qu’un cas sur 10 000 ou 20 000 et uniquement les hommes. Dans sa grande sagesse, la Haute autorité de santé recommande donc d’utiliser le vaccin Pfizer à cette classe d’âge. Mais pour les autres, il n’y a aucune raison de limiter l’usage du Moderna. Il ne présente pas de risque supplémentaire et son efficacité est au moins aussi bonne que celle de Pfizer.
Pensez-vous qu’il faille rendre la vaccination obligatoire ?
Je ne suis pas opposé au principe, moi-même ayant contribué à rendre obligatoire la vaccination des nourrissons, il y a cinq ans, avec succès. Mais le contexte actuel est différent. D’abord, parmi les 6 millions de français non-vaccinés, près de la moitié est très éloignée du système de santé. Ce sont des personnes extrêmement fragiles ou de plus de 80 ans, ou dans la précarité. Elles ne refusent pas la vaccination, mais nous avons du mal à aller à leur contact. L’obligation vaccinale n’y changerait rien. Ensuite, on le voit auprès de la population de certains Territoires d’Outre-Mer, il s’agit d’un sujet particulièrement sensible politiquement. L’obligation pourrait engendrer plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait.
Êtes-vous favorable à la vaccination des 5-12 ans ?
Si leur taux d’incidence est très élevé aujourd’hui, c’est justement parce qu’ils ne sont pas vaccinés. Certes, ils développent des affections moins sévères que celles des adultes. Mais l’on observe, chez les enfants les plus fragiles, des cas de formes graves de la maladie, comme le syndrome Pims, responsable d’un décès en France. Nous savons aujourd’hui que le vaccin protège les adolescents de cette complication. D’autre part, la fermeture de centaines de milliers de classes, à l’heure actuelle, ne va-t-elle pas perturber les rythmes scolaires ? Ne risquons-nous pas une augmentation des troubles psychiques chez l’enfant, comme lors de la première vague ? La vaccination des 5-11 ans peut prévenir ce risque. Mais il faut d’abord s’assurer de la haute sécurité des vaccins et régler les questions éthiques que cela pose. Nous émettrons très prochainement un avis à ce propos. Si les conditions sont réunies, nous proposerons la vaccination pour les 5-11 ans en début d’année.
Ne vaut-il pas mieux attendre l’arrivée d’un vaccin plus efficace plutôt que de faire un rappel des vaccins existants ?
Nous sommes dans une situation où les indicateurs sont au plus haut, ce qui signifie que le risque est immédiat. Et il faut cibler des objectifs dans le temps. Pour l’instant, nous devons contrôler la cinquième vague de l’épidémie, celle du variant Delta, qui est très sensible aux vaccins actuels. Sans la campagne de rappel en cours, il y aurait des dizaines de milliers de personnes hospitalisées supplémentaires.
Où en est le développement de traitements contre la Covid-19 ?
Certains anticorps monoclonaux permettent de neutraliser le virus, s’ils sont administrés suffisamment tôt. Ils sont réservés à des personnes fragiles, âgées ou immunodéprimées, qui sont ainsi protégées à 80% de développer des formes graves. C’est un traitement qui n’est pas assez utilisé : seulement 4000 patients en ont bénéficié à ce jour en France. En outre, deux nouvelles molécules devrait arriver sur le marché d’ici la fin du mois et en janvier, toujours destinées aux personnes à risque. Hormis pour les personnes immunodéprimées, ces médicaments ne peuvent se substituer à la vaccination.
Que peut-on craindre du nouveau variant Omicron ?
Avec son nombre important de mutations, il est susceptible d’être davantage transmissible et plus résistant au vaccin. Mais ce n’est pour l’instant que de la théorie. Nous aurons davantage d’éléments d’information dans 8 à 15 jours. Une bonne nouvelle à prendre avec prudence : Omicron pourrait être moins virulent que le variant Delta.
En Europe, compte tenu de la forte circulation de ce dernier, il est possible qu’Omicron ne parvienne pas à s’implanter tout de suite. On peut toutefois craindre une vague ultérieure de ce nouveau variant, en février, mars ou avril.
Quels conseils de bonne conduite donneriez-vous pour les fêtes de fin d’année ?
C’est un sujet difficile qui frappe toutes les familles… y compris la mienne ! Et il paraît impossible, humainement, de renoncer à ces fêtes. Alors il faudra faire preuve de bon sens : ne pas être trop nombreux, respecter les gestes barrière, aérer, porter le masque et se laver les mains toutes les dix minutes, ne pas chanter tous ensemble, ne pas s’embrasser… Même si tout cela est très frustrant, cela permettra de se retrouver en famille.
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