Dans l’Hérault, des habitants vent debout contre la mise en bouteilles de leur eau
La Mairie de Montagnac, dans l’Hérault, a vendu des terrains, sur lesquels un forage est présent, à un géant de l’eau en bouteilles. Celui-ci compte exploiter une source qui s’y trouve. Les habitants, rassemblés au sein d’une association, s’y opposent.

« C’est le privé qui prend le pouvoir sur le système public », dénonce Christophe Savary de Beauregard, président de l’association “Veille Eau Grain”. L’année dernière, la Mairie de Montagnac, dans l’Hérault, a vendu, au prix de 30 000 euros, des terrains sur lesquels se trouve le forage de la Castillonne à la Compagnie générale des eaux de source (CGES). Cette société est une filiale du groupe Sources Alma, le troisième embouteilleur français qui rassemble plusieurs marques d’eaux minérales comme Saint-Yorre ou Cristaline.
Le projet de la CGES : « Exploiter sur le site la ressource en eau », qui n’est pas utilisée actuellement, et « y aménager une unité d’embouteillage ». D’une surface de 15 000 m², celle-ci serait en capacité de produire 1 600 000 bouteilles d’eau par jour, qui seraient ensuite transportées par 88 camions quotidiennement. C’est donc une usine importante qui verra le jour dans cette commune de l’Hérault d’environ 4 000 habitants.
Qu’espère la Mairie de Montagnac avec cette vente ?
Les riverains ont appris l’existence de ce projet à l’occasion d’une demande d’autorisation de passage d’une canalisation pour faire la liaison entre l’usine, qui serait installée au bord de la RD 613, et le forage, présent sur les parcelles d’un domaine à plus d’un kilomètre de là. « Nous n’avions eu aucune information avant. Mais la Mairie a été obligée d’en parler aux propriétaires se trouvant sur le trajet de la canalisation », indique Christophe Savary de Beauregard qui ne comprend toujours pas pourquoi la municipalité a vendu le forage.
Selon lui, elle l’a fait « sans clairvoyance de la vérité ». « Elle estime que ce projet va permettre de percevoir des recettes issues des taxes foncières payées par l’entreprise et de créer des emplois. Ces justifications nous font bien rire », confie le président de l’association. C’est effectivement ce que l’on peut lire sur la délibération adoptée le 29 septembre 2022.
« Un “foirage” écologique et économique »
Pour “Veille Eau Grain”, ce projet est « un “foirage” écologique et économique ». « Une réserve colossale d’eau ne doit pas servir à du commerce privé, mais à la collectivité. Ce serait bien de la garder car elle serait peut-être utile un jour », estime le président de l’association. Mais la Mairie a choisi de vendre le forage pour éviter de payer la sécurisation de ce dernier, d’un montant de 300 000 euros, ou de financer son exploitation. « Des communes voisines ou le Département pourraient participer au financement de ces coûts », suggère Christophe Savary de Beauregard.
D’après “Veille Eau Grain”, la ressource en eau du forage de la Castillonne pourrait effectivement permettre d’alimenter 20 000 habitants environ. « Nous avons déjà des problèmes d’eau dans notre commune. 27 foyers du vallon à proximité du forage n’ont pas l’eau de la ville et sont contraints d’acheter de l’eau en bouteille. C’est donc une totale hérésie de vendre de l’eau présente sur la commune qui sera ensuite embouteillée », déplore-t-il avant de rappeler que le département est par ailleurs victime de la sécheresse.
Une usine qui s’installera sur un site protégé
En plus d’aller « à l’encontre de l’intérêt général », ce projet est écocide, selon l’association. « L’usine va s’installer sur des terrains agricoles protégés. Personne ne peut y construire normalement », informe le président de “Veille Eau Grain”. Le site doit donc être au préalable déclassé pour que la Compagnie générale des eaux de sources puisse y construire son usine.
« Des études d’impact vont être réalisées par une société privée. Les résultats devraient être dévoilés début 2025 », annonce Christophe Savary de Beauregard qui espère un résultat négatif. Il craint en effet les conséquences à court et moyen termes de ce projet. « Cela va générer de la pollution et des problèmes de circulation dans la zone de l’usine. Celle-ci pourrait aussi conduire à l’implantation d’autres bâtiments et à la création d’une zone industrielle », prédit le président de l’association.
Un contre-projet d’élevage de poissons
En attendant les résultats de l’étude, l’association “Veille Eau Grain” use de tous les moyens à sa disposition pour éviter que le projet de la CGES ne voie le jour. Elle a ainsi déposé deux recours au tribunal administratif, qui sont en attente de jugement, mobilisé les médias, informé les habitants et les acteurs de la gestion de l’eau, mais également étayé un contre-projet.
« Il serait possible de faire un élevage de poissons avec cette eau qui est à 26°C. Il existe d’ailleurs une exploitation de ce type à proximité », informe le président de “Veille Eau Grain” qui garde espoir dans ce combat de David contre Goliath. « La première chose est d’y croire. Ce serait trop facile de baisser les bras », juge Christophe Savary de Beauregard. Sollicitée par la rédaction, la Mairie de Montagnac n’a pas souhaité répondre à nos questions concernant la vente du forage de la Castillonne.
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