À Toulouse, 11 femmes issues des quartiers prioritaires de la ville (QPV) ont intégré la première promotion du dispositif “Des Étoiles et des Femmes” qui leur permet de suivre une formation gratuite de cuisine, en lien avec des chefs, grâce laquelle elles obtiendront un certificat d’aptitude professionnelle (CAP).
11 femmes et 11 chefs cuisiniers se sont réunis ce lundi 5 décembre autour d’un buffet gastronomique organisé dans les locaux du restaurant “Mordus” du quartier Saint-Agne de Toulouse pour fêter ensemble le lancement de la première promotion “des Étoiles et des Femmes”.
Depuis le mois d’octobre, ces 11 femmes issues des quartiers prioritaires de la ville (QPV) suivent en effet une formation gratuite de cuisine au sein du CFA de Blagnac pour apprendre, en compagnie de professionnels de la restauration, à devenir de vraies cheffes cuisinières.
Le premier objectif du programme des Étoiles et des Femmes est de favoriser le retour à l’emploi des femmes issues des QPV, alors même que, selon un rapport de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la moitié d’entre elles n’ont pas d’activité professionnelle.
Cette insertion vers l’emploi se fait par le biais de formations professionnalisantes, « en lien avec des chefs de Toulouse qui ont accepté de participer à la démarche », explique Alice Pavillet, coordinatrice du projet à Toulouse. Parmi eux : Mo Bachir, mais aussi les chefs des restaurants le Rocher de la Vierge, le Soulier, Solides, Une table à deux, le Vélo sentimental, la Ravigote, Cartouches, etc.
Concrètement, du mois d’octobre au mois de juin, les bénéficiaires réalisent une formation en alternance. Trois semaines se composent de cours de cuisine dispensés de 8h30 à 17h par l’équipe pédagogique du CFA de Blagnac. Puis, les deux semaines suivantes, d’une immersion dans les cuisines des chefs partenaires. Et ainsi de suite. Pendant leur apprentissage, les élèves perçoivent une indemnité versée par la Région Occitanie à hauteur de 680 euros. L’ensemble du matériel, tel que les tenues de cuisine, la mallette de couteaux et même un ordinateur, leur sont fournis.
À la clé de ces neuf mois de formation accélérée : des examens pratiques et écrits donneront lieu à l’obtention d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP), dont le cursus dure habituellement deux ans. « Cette démarche de retour aux études représente une fierté pour ces femmes, âgées de 26 à 53 ans, sorties du parcours scolaire depuis plusieurs années », complète Alice Pavillet.
En plus d’aider les élèves à obtenir un CAP de cuisine, les membres du dispositif continuent de les accompagner jusqu’à leur retour à l’emploi, voire la création de leur propre structure. « Début octobre, deux élèves nous confiaient vouloir ouvrir leur restaurant. Après deux mois de formation, elles sont désormais huit. C’est très encourageant », se réjouit la coordinatrice du projet : « Nous resterons à leurs côtés jusqu’à ce qu’elles trouvent une situation professionnelle qui leur correspond, que ce soit avec l’ouverture de leur établissement ou après avoir intégré une brigade existante ».
À l’issue de la formation, il est également possible que certaines élèves soient embauchées dans les restaurants dans lesquels elles ont effectué leur alternance. « Nous assistons déjà à la création de belles histoires et de vrais liens entre ces femmes et leurs chefs formateurs. En juin, lorsque la promotion sera diplômée, nous discuterons avec eux afin de voir s’ils souhaitent recruter les élèves ou s’ils préfèrent continuer leur chemin avec nous afin d’accueillir la promotion 2023-2024 », poursuit Alice Pavillet.
À Toulouse, deux associations portent le dispositif de formation en cuisine “Des Étoiles et des Femmes”. La première, Belles Gamelles, lutte depuis plus de deux ans contre le gaspillage et la précarité alimentaires à Toulouse. La seconde, Scop Egalitère, basée dans le quartier du Mirail, chaperonne depuis plus de 30 ans les femmes dans leur projet entrepreneurial. Toutes deux ont pour mission d’accompagner les élèves du dispositif dans leur parcours professionnel, mais aussi personnel.
« Nous cherchons à lever plusieurs freins identifiés auprès de ces publics, tels que la garde d’enfant, l’accès à la mobilité, la fracture numérique, ou même, dans certains cas, les violences intrafamiliales… », énumère Alice Pavillet, aussi membre salariée des Belles Gamelles. Ainsi, les bénévoles aident par exemple les femmes à trouver un logement ou à prendre un abonnement dans les transports en commun. Les jeunes mères qui élèvent leurs enfants seules peuvent également s’arranger avec les chefs pour assurer uniquement les services du midi, et non ceux du soir.
Le projet “Des Étoiles et des Femmes” a été créé en 2015 à Marseille, à l’initiative du chef étoilé Alain Ducasse. « Le dispositif a montré de si bons résultats en termes d’obtention de diplômes et d’insertion dans l’emploi des personnes accompagnées que la structure a décidé d’ouvrir plusieurs antennes sur l’ensemble du territoire national », évoque Alice Pavillet.
Ce programme est aujourd’hui présent dans 13 villes, dont Marseille et récemment Toulouse, mais aussi Montpellier, Bordeaux, Lille, Lyon, Nice, Strasbourg, Arles, ou encore au Pays Basque et en Île-de-France (trois structures). Les taux de réussite du CAP dépassent globalement les 70 %. Parmi les diplômées, 98 % trouvent un emploi dans la restauration à la suite de leur formation.
Les Belles Gamelles et la Scop Égalitère travaillent en lien avec les associations présentes dans les quartiers prioritaires de la ville afin d’identifier les personnes les plus à même de bénéficier du dispositif “Des Étoiles et des Femmes”. « Le recrutement de la prochaine promotion débutera dès cet été. C’est un long processus, qui nécessite beaucoup d’échanges avec les femmes. Elles rencontrent d’ailleurs en amont les chefs pour apprendre à se connaître et à cerner les besoins de chacun avant la rentrée », admet Alice Pavillet.
Selon la coordinatrice du projet, seuls deux critères sont nécessaires pour intégrer “Des Étoiles et des femmes” : la passion pour la cuisine et l’envie d’apprendre. Dès l’année prochaine, même la langue ne devrait plus être une barrière. En effet, Alice Pavillet négocie actuellement avec Pôle Emploi la mise en place de cours de français en langue étrangère, « pour une remise à niveau rapide avant le début des sessions de formation ».
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