Riss, directeur de la publication de Charlie Hebdo, était à Toulouse ce jeudi 18 janvier. Accompagné d’une partie de sa rédaction, il s’est rendu au lycée Pierre de Fermat pour inaugurer une salle Bernard Maris, économiste et journaliste assassiné lors de l’attentat du 7 janvier 2015 contre le journal satirique. À cette occasion, l’équipe a également tenu une conférence sur la liberté d’expression.
Une partie de la rédaction du journal Charlie Hebdo, dont Riss, le directeur de publication, était de passage à Toulouse ce jeudi 18 janvier. Elle a tout d’abord fait halte au lycée Pierre de Fermat. Un lieu qui n’a pas été choisi au hasard. « Nous sommes venus à l’occasion de l’inauguration d’une salle Bernard Maris au sein du lycée », explique Riss. C’est en effet dans cet établissement qu’a été scolarisé l’économiste, mort le 7 janvier 2015 lors de l’attentat contre le journal satirique. Bernard Maris fait partie des victimes des frères Chérif et Saïd Kouachi. Pour rappel, les deux terroristes ont fait feu sur plusieurs personnes présentes dans les locaux de Charlie Hebdo, faisant 12 morts et 11 blessés.
Quelques minutes après l’attentat, le journal avait reçu une vague de soutien importante, notamment sur les réseaux sociaux avec le hashtag “#JeSuisCharlie”. De nombreux rassemblements et manifestations avaient également été organisés en France, mais aussi à l’étranger. Des centaines de milliers de personnes y avaient participé. « Beaucoup nous ont soutenus en janvier 2015, sans forcément savoir ce qu’était Charlie Hebdo. Ils ont d’abord soutenu un journal attaqué et un symbole, mais cela ne veut pas dire qu’ils étaient lecteurs. Ce n’est pas seulement pour Charlie Hebdo qu’ils ont agi, mais pour des principes fondamentaux dans une démocratie », estime Riss.
Neuf ans après l’attentat, le soutien reste toutefois indéfectible. « De nombreuses personnes sont encore très sensibles à tout ce qui s’est passé. Partout où nous allons, nous sommes accueillis très favorablement et recevons des messages d’encouragement. Nous sommes étonnés parfois de ce soutien. Mais tout cela nous encourage beaucoup », sourit le directeur de publication de Charlie Hebdo qui, depuis l’attentat contre le journal, ne se déplace jamais sans protection policière. « C’est à la fois rassurant et une contrainte. Il faut dire ce qui est. Mais je ne me plains pas. Au moins, cette protection existe, ce qui n’est pas le cas pour tous les journalistes dans le monde », souligne-t-il.
Le journal a d’ailleurs dû quelque peu modifier sa manière de travailler pour des questions de sécurité. « Elle est toujours la même, si ce n’est que nous devons faire attention. C’est plus difficile de faire des reportages dans certains pays étrangers parce que la sécurité n’est pas assurée. Pour ma part, j’en fais moins qu’avant 2015 où je pouvais aller partout dans le monde », révèle Riss. La rédaction doit aussi faire attention aux menaces qu’elle peut recevoir. « Il faut faire le tri entre les énervements passagers et les vraies menaces qui revendiquent de porter atteinte à notre intégrité physique, comme si quelqu’un dit explicitement, qu’il veut finir le boulot des Kouachi », confie Riss.
Pour autant, dans le choix des sujets et dessins de presse, Charlie Hebdo ne se refuse rien. « Nous faisons la même chose que depuis toujours. Paradoxalement, le journal peut d’ailleurs faire un peu tout ce qu’il veut aujourd’hui. Je ne vais pas dire que personne n’osera contester notre droit à utiliser notre liberté d’expression, mais j’ai l’impression qu’on nous respecte peut-être un peu plus qu’à une époque, même si on peut parfois se faire étriller. Ce qui n’est pas grave. Nous avons le cuir épais et cela ne nous impressionne pas. Cela a toujours été comme ça à Charlie Hebdo. Même avant 2015, nous avons fait des numéros qui ont énervé les gens. Nous sommes habitués », assure le directeur de publication.
La rédaction de Charlie Hebdo, qui n’a donc pas rogné sur sa liberté d’expression, a tenu une conférence à ce sujet à l’Université Toulouse Capitole, après son intervention au lycée Fermat. « Les années passent, il faut maintenir l’attention du public sur ces questions. La liberté d’expression n’est jamais une évidence. Il faut sans arrêt faire de la pédagogie », appuie Riss qui déplore que « des personnes se fassent assassinées pour des choses qu’elles ont pu dire ». Il cite ainsi Samuel Paty et Dominique Bernard, deux professeurs victimes d’actes terroristes. « La menace aujourd’hui est beaucoup plus large. Elle ne concerne plus seulement les dessinateurs de presse et satiriques », relève-t-il.
Près de dix ans après l’attentat, Riss « n’a pas envie qu’on oublie ce qu’il s’est passé et surtout les raisons pour lesquelles cet événement a eu lieu ». « Mais il faut aussi continuer à faire le journal, à s’intéresser à des sujets divers. Et ce, comme nous l’avons toujours fait. Nous ne parlons pas que de religion ou d’islam. Nous traitons également de sujets de société et d’économie », rappelle le directeur de publication de Charlie Hebdo qui s’écoule actuellement à 20 000 exemplaires en kiosque et compte un peu plus de 50 000 lecteurs chaque semaine.
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