La Coupe du monde de rugby n’est pas encore terminée, mais la France étant désormais éliminée, et tous les matchs qui se jouaient au Stadium étant passés, l’heure est au bilan. Cédric Coll, directeur de sites à Toulouse, était responsable de toute l’organisation dans l’enceinte du stade ; il révèle les coulisses de cet événement international hors normes.
Cédric coll, Toulouse a accueilli cinq matchs de la Coupe du monde de rugby, quel bilan en tirez-vous ?
Le bilan est très positif, comme dans toutes les villes hôtes de la Coupe du monde de rugby 2023. Toulouse présentait certains défis au regard des particularités du Stadium : il est sur une île, il dispose de nombreuses ouvertures, le TFC a continué à jouer sur sa pelouse pendant le mondial, certains aménagements étaient nécessaires pour les salles “protocole commotion” et pour les conférences de presse… Pendant les trois ans de préparation, il a fallu composer avec toutes ces données. Nous avons par exemple mis en place un préfiltrage pour accéder à l’île du Ramier, nous avons également décidé d’ouvrir le site trois heures avant pour fluidifier la circulation générée par l’événement. Tout l’enjeu était de garantir la sécurité des spectateurs et “l’expérience client” ; le contrat est rempli sur ces deux plans. Nous avons accueilli 150 000 personnes sur les cinq matchs, toutes les rencontres ayant été à guichet fermé, ou presque. C’est au final une très belle réussite.
Quelle dimension de l’organisation a été la plus difficile à mettre en place ?
De nombreux aspects de l’organisation ont été extrêmement complexes.Avec World Rugby (l’organisme international qui gère le rugby à XV, NDLR), nous avons identifié les points d’améliorations au niveau du Stadium afin de répondre aux exigences d’une telle compétition : il a notamment fallu adapter tout le système d’évacuation des déchets, tout le périmètre de sécurisation…
Quel match, organisé au Stadium, a généré le plus d’affluence ?
Sur le site de la Fan zone, la plus grande de France, c’était le match d’ouverture France-Nouvelle Zélande (27-13) : il y avait 40 000 spectateurs. Au Stadium, c’était toujours plein ! Mais, on a senti des différences d’engouement au regard de la vitesse à laquelle les places étaient vendues et des demandes d’invitation plus soutenues pour certaines rencontres. L’ambiance a été au rendez-vous, nous avons vécu des moments historiques. Pour le premier match, Japon-Chili (42-12), les gens sont venus par curiosité, mais cet événement a donné le ton : les spectateurs étaient contents, l’atmosphère était festive, dans un bon esprit. À partir de là, on est monté en puissance. Le match Nouvelle-Zélande-Namibie (71-3) qui était le plus attendu à Toulouse, s’est déroulé sous la pluie, et ce n’est finalement pas celui qui aura généré le plus d’emballement. En revanche, la rencontre Géorgie-Portugal (18-18), que personne n’attendait, a été géniale. Mais le plus beau match reste le dernier, Fidji-Portugal (23-24) : les premiers se qualifient pour les quarts de finale et les seconds gagnent le premier match de Coupe du monde de leur histoire. Au final, peu importe l’affiche, la Coupe du monde de rugby a une saveur particulière.
Tous les acteurs de l’organisation avaient beaucoup communiqué en amont pour inciter les spectateurs à emprunter les transports en commun pour se rendre au Stadium. Cette consigne a-t-elle été respectée ?
Tout à fait ! Nous nous sommes aperçus que 70 à 80% des spectateurs venaient de la région (3h autour de Toulouse), réduire l’empreinte carbone est devenu un objectif primordial. Car, il ne faut pas se mentir, un événement international de ce type génère forcément un impact carbone. Il faut alors réfléchir à le réduire au maximum. Nous avons ainsi choisi de proposer une offre restreinte de parkings sur l’île du Ramier (jauge à moins de 5% des spectateurs). Et nous avons travaillé en partenariat avec Toulouse Métropole et Tisséo qui avaient notamment mis à disposition un parking relais au Zénith et des navettes dédiées, en plus du tramway et du métro déjà existant. Mais également avec la Région Occitanie qui a développé une offre de train adaptée à l’événement. Et au final, 30% des spectateurs qui sont venus assister à un match au Stadium s’y sont rendus en transports en commun. Beaucoup ont également rallié l’enceinte à pied. Au total, deux tiers des supporters sont ainsi venus assister aux rencontres sans amener leur voiture en centre-ville.
Une dimension écologique qui a aussi pris place à l’intérieur du Stadium. Quelle a été l‘action phare ?
La gestion de l’évacuation des déchets au Stadium m’avait marqué quand j’ai pris mes fonctions. Elle n’était pas assez efficiente à l’échelle de nos ambitions. Je suis alors allé visiter la centrale de tri, analysé les rondes des collectes, pour rationaliser le tout. Car, lorsque j’ai pu assister à quelques matchs du TFC, je me suis aperçu que les bennes étaient déjà pleines avant même l’arrivée des spectateurs. Et qu’une fois sur place, ces derniers se servaient des poubelles pour les transformer en mange-debout… Nous avons donc créé des ilots de bennes ouvertes que nous avons regroupées et autour desquelles nous avons posé des barrières. Et bien sûr, nous nous sommes assurés qu’elles soient toutes vidées avant le match… Nous avons également installé des poubelles un peu partout, par deux, une pour le tout-venant, l’autre pour le plastique et le recyclable. L’idée est simple, mais il aura fallu un an et demi pour la mettre en place… Et j’espère qu’elle pourra se pérenniser dans l’enceinte du stade.
Qu’est-ce qui vous aura surpris pendant cette Coupe du monde ?
Je n’ai pas été surpris, mais touché ! Voir tous ces gens qui ont traversé le globe pour venir supporter leur équipe, comme les Chiliens ont été souriants, dignes et fiers. Je pense aussi aux Japonais qui restent des spectateurs incroyables : ils ont donné une belle leçon de savoir-être à tout le monde, en rentrant dans le stade avec des sacs poubelle pour le nettoyer à la fin des matchs. C’était plus propre quand ils partaient que quand ils arrivaient !
Des spectateurs qui ont consommé…
Nous avons battu des records de consommation au Stadium. Le prestataire gestionnaire des buvettes a enregistré une augmentation de ses ventes de 70% sur leur précédent record qui datait de novembre 2022 : France-Japon (35-17). Ce record a été d’ailleurs battu sur trois des matchs de la Coupe du monde qui ont eu lieu à Toulouse.
Quel aura été, pour vous, le moment le plus fort ?
Le match Fidji-Portugal restera longtemps dans ma mémoire : les Portugais, qui se sont quand même qualifiés pour cette Coupe du monde aux tirs au but, ont montré un beau visage à Toulouse. Ils auront fait un match nul face à la Géorgie et auront battu les Fidjiens, quarts de finalistes.
Côté organisation, je retiendrai les étoiles dans les yeux des gens que j’ai croisés. Ils étaient heureux ! Et je suis fier d’y avoir contribué !
Y a-t-il eu des couacs, des problèmes majeurs à gérer ?
Des problèmes non, mais des imprévus. Je prends pour exemple les contrôles du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps), de l’Urssaf, de l’inspection du travail, de l’hygiène… Nous nous y sommes toujours soumis et aucun manquement n’a été relevé. Ce n’est pas tant les contrôles qui ont été difficiles à gérer, mais le moment où ils avaient lieu. Quand vous attendez plus de 30 000 personnes en même temps, que vous avez beaucoup de pression parce qu’on vous annonce la présence du ministre des Sports, du préfet, de la princesse du Japon… et que les contrôleurs arrivent au moment de l’ouverture des espaces, ça met de la tension, je ne le cache pas… Et quand il y a un contrôle, c’est déjà compliqué, mais quand il y en a quatre en même temps…
Il y aura eu aussi la grève des salariés de Tisséo le 28 septembre, pour le match Japon-Samoa. Sachant que 30% des spectateurs venaient en transports en commun…
Lorsque nous avons appris qu’il y aurait une grève un jour de match au Stadium, nous avons pris contact avec Tisséo. Et ils se sont engagés à mobiliser le personnel non gréviste sur les lignes de bus, tramway et métro qui mènent au Stadium pour ne pas perturber l’événement. Un effort qui nous a permis d’assurer ce jour-là. C’était d’autant plus important que cette Coupe du monde était un test pour les Jeux olympiques…
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