Depuis le 1er mars, la Zone à faibles émissions (ZFE) a été mise en place à Toulouse, et loin de ne concerner que les habitants de la Ville rose, elle impactera également ceux du Muretain. Les élus de l’intercommunalité regrettent d’ailleurs le manque de dialogue avec la Métropole de Toulouse et Tisséo à ce sujet et réclament une offre de transports en commun plus importante. Thierry Suaud, maire socialiste de Portet-sur-Garonne et vice-président en charge des transports du Muretain Agglo, se fait leur porte-parole.
Thierry Suaud, la ZFE de Toulouse est désormais opérationnelle. Que pensez-vous de ce dispositif ?
La France ne brillant pas par ses actions en matière de lutte contre la pollution de l’air, et faisant l’objet d’un certain nombre de contentieux européens, ce type de mesure me semble indispensable. Il s’agit d’un dispositif nécessaire, qui répond à une problématique de santé publique. Un certain nombre de nos concitoyens sont exposés aux pollutions dues au trafic automobile, sur des niveaux portant atteinte à leur santé. Cependant, en mettant en place ce type de ZFE, Toulouse Métropole n’a pas pris soin de discuter de sa mise en œuvre. Autrement dit, si la mesure est louable, la manière dont elle a été mise en place est contestable.
Quand la ZFE sera totalement opérationnelle et que les contrôles auront débuté, quel impact aura-t-elle sur la commune de Portet-sur-Garonne, dont vous êtes le maire ?
D’abord celui de l’impossibilité pour les Portésiens qui ne disposent pas de véhicules Crit’air 1 ou 2 de se rendre à Toulouse en voiture. Ils ne pourront plus non plus emprunter la route d’Espagne, puisque la fin de celle-ci se trouve dans le périmètre de la ZFE.
Ensuite, celui du report de la circulation. Je regrette que nous n’ayons aucune modélisation des reports de circulation qui pourrait se faire sur les communes limitrophes, comme Portet-sur-Garonne. Nous n’avons à ce jour aucune visibilité sur les impacts du trafic automobile dans notre secteur. Je ne sais pas quel sera le comportement des automobilistes : passeront-ils par la rocade Arc-en-ciel ? Ou par les routes secondaires ? J’ignore donc quelles seront la nature et la force de ce report du trafic routier, mais je sais qu’il aura lieu.
Nous sommes ainsi, à Portet, doublement pénalisés.
« Autant je souscris au fond de la ZFE, c’est-à-dire la lutte contre la pollution de l’air, autant je pense que la méthode employée n’est pas la bonne »
Et sur l’agglomération du Muretain plus largement ?
Mes collègues, élus du Muretain, craignent tous que leurs habitants soient pénalisés dans leurs déplacements et souhaitent, comme moi, que l’on se donne les moyens, avec Tisséo, de trouver des solutions à cette situation que va créer la ZFE de Toulouse. Nous avons là un outil formidable, mais nous regrettons que cette mesure ait été lancée, en sachant qu’elle va avoir de nombreux impacts, sans les mesurer ni apporter des alternatives de transports en commun. Donc, autant je souscris au fond de la ZFE, c’est-à-dire la lutte contre la pollution de l’air, autant je pense que la méthode employée n’est pas la bonne.
Vous estimez notamment qu’il n’y a pas eu assez de discussions avec le Muretain Agglo…
François Chollet (vice-président de Toulouse Métropole en charge de l’écologie) et ses services sont venus nous présenter la ZFE, mais il n’y a pas eu d’échanges avec les élus du Muretain quant à la construction du dispositif. Mais l’État est aussi à incriminer : la loi a imposé aux métropoles de mettre en place cette mesure, nous n’avons donc pas été concernés directement. C’est l’État qui aurait dû favoriser une concertation plus large.
« Réfléchir à comment se déplacer, mais également à comment éviter de se déplacer »
Qu’attendez-vous aujourd’hui de Toulouse Métropole ?
J’attends de Toulouse Métropole qu’elle ouvre le dialogue, à travers Tisséo, pour intensifier la politique de transports en commun qui reste la seule alternative à la voiture. Nous n’avons eu aucun débat ni aucun échange à ce sujet. Or, Toulouse Métropole a le devoir de permettre à ceux qui ne pourront pas changer de véhicules pour un plus propre de circuler.
De notre côté, nous explorons la piste du Schéma de cohérence territoriale, le Scot, qui devrait nous permettre de favoriser le desserrement économique. Nous aurions ainsi la possibilité de recréer sur le territoire du Muretain Agglomération des conditions économiques favorables au travail des habitants de notre intercommunalité à proximité de chez eux et de limiter les déplacements, notamment vers Toulouse.
Il faut ainsi travailler et réfléchir à comment se déplacer, mais également à comment éviter de se déplacer.
La priorité, selon vous, est donc d’intensifier les dessertes en transports en commun du Muretain…
Quelques projets sont en cours de développement chez Tisséo : en janvier prochain, le Linéo 11, entre Basso Cambo et Frouzins devrait être opérationnel. En 2024, une ligne express devrait relier Muret à Basso Cambo en passant par Roques et Portet. Et, en 2025, une deuxième ligne express devrait entrer en service entre Colomiers, Fonsorbes et Saint-Lys. Mais au-delà de ces trois projets, nous demandons un accroissement des cadencements des bus existants sur notre territoire. Il faut que les mobilités vers Toulouse, mais aussi entre les communes du Muretain, soient prises en compte. Une première salve de demandes est en cours d’étude à Tisséo, qui a l’occasion aujourd’hui d’apporter des réponses aux habitants vivant en dehors de Toulouse Métropole. Pour résumer, nous avons besoin d’une fréquence de circulation des bus intensifiée, et pourquoi pas de nouvelles lignes. Je sais que les projets structurants sont longs à mettre en place, mais en renforçant la fréquence de passage des bus, il serait possible pour Tisséo de répondre rapidement à la problématique.
« Je ne peux pas m’avancer aujourd’hui sur d’éventuelles mesures à destination des ménages »
Quant aux habitants du Muretain qui opteraient pour le changement de leur véhicule pour un plus propre, ils ne disposeraient pas des mêmes aides que ceux résidant dans l’agglomération de Toulouse Métropole. Le Muretain Agglo prévoit-il des dispositifs d’accompagnement pour les soutenir ?
Nous avons souscrit à la mise en œuvre d’un fonds d’aide à la conversion de véhicules polluants, à destination des professionnels. Cette mesure doit être étudiée en Bureau de l’intercommunalité. Nous travaillons pour cela avec l’Agence de la transition écologique (Ademe) Occitanie. Il s’agit d’une convention tripartite entre le Muretain Agglo, le Sicoval et l’agence locale de l’énergie et du climat Soleval.
Nous ne disposons pas des mêmes capacités financières que Toulouse Métropole, et au vu de l’explosion du prix de l’énergie et de l’inflation, je ne peux pas m’avancer aujourd’hui sur d’éventuelles mesures à destination des ménages. Et je regrette d’ailleurs qu’il n’y ait pas eu à ce sujet de réflexions, d’approches communes entre toutes les intercommunalités de l’aire urbaine de Toulouse. Cela aurait permis d’éviter la tension et les disparités entre les habitants des territoires qui n’ont donc pas accès aux mêmes aides selon leur lieu de résidence. Il s’agit d’une profonde injustice sociale. Tant sur le soutien à l’adaptation à la ZFE, que sur le fond même de celle-ci, car ceux qui sont aujourd’hui pénalisés par cette mesure sont les mêmes qu’elle est censée protéger des gaz à effet de serre. Et c’est là un débat tout à fait politique !
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