Dans les Pyrénées, les amateurs de ski et de montagne ont pu observer que la neige manquait cet hiver. Et cela pourrait ne pas s’arranger dans les prochaines années. C’est pourquoi les stations de ski de la Haute-Garonne commencent à se réinventer et proposent des activités hivernales… sans neige.
Cela n’aura pas échappé aux amateurs de sports d’hiver : la neige se fait de plus en plus rare. Ces dernières semaines, les skieurs ont pu constater qu’en dehors des pistes de ski, l’enneigement des Pyrénées n’était pas optimal. Cailloux, herbe, rochers… Les vacanciers de la zone C n’ont pas eu des conditions de ski idéales avant l’arrivée, finalement, de la neige en cette fin de mois de février.
Selon les observations de Météo France, les Pyrénées connaissent actuellement leur plus important épisode neigeux de l’hiver dans la partie Ouest de la chaîne. Mais jusque-là, l’enneigement demeurait très insuffisant à toutes altitudes dans cette région. Selon le site Internet SkiInfos, « le niveau d’enneigement dans la région Pyrénées est actuellement de 31% par rapport à la normale. »
Face à ce manque de neige, Jean Micoud, directeur général de Haute-Garonne Tourisme, a déjà pu constater des changements de comportements chez certains touristes. Il explique : « Au niveau de la centrale de réservation de Haute-Garonne Tourisme, nous remarquons que lorsqu’il n’y a pas de neige, nous enregistrons une hausse des annulations des locations aux pieds des pistes. Pourtant, cette année, nous n’avons eu aucune annulation pour les hébergements réservés hors des stations. Ce qui signifie que les clients anticipent leur venue et ne font plus du ski leur priorité. »
Face à cette réalité, Jean Micoud souligne la nécessité pour les domaines skiables de diversifier leur offre, au-delà du ski, en réponse aux défis posés par le réchauffement climatique. Ainsi, la montagne commence à se réinventer face au manque de neige, et les stations envisagent de plus en plus d’alternatives. Balnéothérapie, randonnées, tyroliennes…
Au Mourtis, François Gillaizeau, gérant de la société Concept séjours, spécialisée dans la création de séjours dans les Pyrénées, est très engagé dans la mutation de l’organisation touristique en montagne. Depuis plus de 25 ans maintenant, il voit les conditions climatiques de la station haut-garonnaise changer : « Étant à 1 350 mètres d’altitude, Le Mourtis souffre depuis 20 ans du manque de neige. Nous en aurons toujours, mais de moins en moins et pas forcément au moment de l’ouverture des stations de ski. C’est trop aléatoire. » Cette année par exemple, les skieurs ont pu profiter des pistes du 12 janvier au 16 février avant que la station ne ferme, avant de rouvrir ce mercredi 28 février.
Seulement, cette fluctuation des conditions météorologiques crée d’importantes incertitudes chez les professionnels du tourisme. Pour François Gillaizeau, les stations de ski doivent « changer de promesse ». Il explique : « Nous vendons une image des Pyrénées avec des montagnes blanches, mais ce ne sont que des mensonges. De plus en plus, la neige se fait rare et les mœurs doivent changer. Le ski à tout prix, ce n’est plus possible. Les stations doivent donc proposer des activités à l’année, peu importe les conditions météorologiques. »
C’est dans cette optique que le gérant de Concept séjours propose désormais une multitude d’alternatives au ski. Ainsi, les amateurs de montagne peuvent faire une randonnée, du ski à roulettes, du biathlon, de la course d’orientation, des initiations de grimpe dans les arbres, du VTT, de la trottinette, du disque golf ou encore du frisbee. Et pour organiser au mieux les vacances des uns et des autres, certaines de ces activités sont à réserver à l’avance, nécessitant un peu d’organisation en amont pour les touristes. Le gérant souligne tout de même qu’il manque encore des aménagements pour pouvoir proposer des animations notamment lorsqu’il pleut. Piscine, cinéma, visites ? Des pistes à creuser.
Parmi les stations de ski de la Haute-Garonne, une autre fait face au manque de neige : Peyragudes. La station de ski culmine à plus de 2 400 mètres d’altitude, faisant d’elle le domaine skiable le plus haut du département. Moins impactée que le Mourtis, elle est quand même concernée par le manque de neige. Son directeur, Laurent Garcia, fait un point sur l’hiver en cours : « Nous avons dû décaler l’ouverture au 22 décembre, soit une vingtaine de jours après ce que nous avions annoncé, mais la fréquentation reste identique depuis trois ans. Nous rencontrons effectivement des difficultés d’enneigement au niveau de la station, mais 70% du domaine skiable reste ouvert. »
Cette capacité réduite n’empêche pas la station de fonctionner, mais elle fait réfléchir : « Nous étudions les différents moyens d’adapter la station depuis pas mal d’années déjà pour continuer d’attirer les amoureux de la montagne. Cela se traduit notamment par l’agrandissement du centre de balnéothérapie de Loudenvielle, Balnéa, ou encore la création de la télécabine Skyvall en 2019 permettant de relier la vallée du Louron à Peyragudes. Nous avons également décidé d’ouvrir la tyrolienne tout au long de l’année. » Par ailleurs, les visiteurs peuvent profiter de nombreuses activités nouvelles cet hiver : balades en dameuse, constructions d’igloo, chiens de traîneaux…
Mais les acteurs locaux souhaitent tout de même anticiper le scénario catastrophe : et si un jour, il n’y avait plus de neige dans les Pyrénées ? « C’est une trajectoire difficile à prévoir », commente Laurent Garcia avant d’ajouter : « On nous annonce de la neige jusqu’en 2060, mais ce n’est pas une vérité absolue. En ce qui nous concerne, nous avons une zone sensible qui se situe entre 1 600 et 1 800 mètres d’altitude. Nous réfléchissons donc à réaménager le bas des pistes pour en remonter le départ. »
À la station de ski Superbagnères, qui culmine à 2 100 mètres d’altitude, le discours est tout autre. Là, on fait en sorte que la neige recouvre les pistes, même artificiellement. Son directeur, Gianni Ragona s’explique : « Ce n’est pas la première fois qu’il y a moins d’enneigement sur les Pyrénées. Mais nous avons des techniques de plus en plus performantes concernant la neige de culture. » Cette méthode permet de produire mécaniquement des flocons à base de gouttelettes d’eau, qui se solidifient au contact de l’air froid. En revanche, elle ne peut se faire correctement qu’avec des températures humides comprises entre -5°C et -8°C.
Pour le directeur de station, « un hiver sans neige, ce n’est pas possible », car cela coûterait « trop cher de redéfinir toute l’économie de la vallée du Luchon » par rapport au coût énergétique actuel de la neige de culture. Mais il reconnaît malgré tout que face au changement climatique, les domaines skiables doivent s’adapter. Si « environ 70% des clients ne demandent que des sports de glisse », d’autres activités en dehors du ski existent déjà à Superbagnères. Les visiteurs peuvent ainsi faire des balades avec des chiens de traîneaux, en raquettes ou faire du ski randonnée.
Plusieurs projets sont également à l’étude en ce moment pour permettre une « utilisation quatre saisons de la station ». Gianni Ragona cite notamment la mise en place d’une tyrolienne ou d’une piste de luge d’été, ainsi que la possibilité d’accueillir un restaurant en altitude, mais sans entrer dans les détails. En attendant, plusieurs investissements ont déjà été faits un peu plus bas, dans la ville de Bagnères-de-Luchon. Son maire, Éric Azémar, évoque d’ailleurs les nombreux projets en cours, entre la rénovation des Thermes, la réouverture du Casino, ou encore la mise en service de la Crémaillère Express, nouveau téléphérique permettant d’accéder à la station de ski.
Chaque domaine tente donc de faire preuve de résilience et s’adapte tant bien que mal aux nouveaux enjeux induits par le changement climatique. Et si François Gillaizeau craint une certaine perte du chiffre d’affaires au Mourtis, les directeurs de Peyragudes et Superbagnères restent confiants. En revanche, il est une station qui n’a pas résisté au manque de neige : Bourg d’Oueil. Située à 1 350 mètres d’altitude, elle n’a pas pu ouvrir depuis décembre dernier, et il n’est pas prévu qu’elle le soit d’ici la fin de la saison.
Commentaires
Laurent Castelle le 01/12/2024 à 06:53
Si la neige revient en force Peyragude peut faire un effort de rester ouvert jusqu'au 8 ou 15 avril soit 3 semaines de plus pour compenser son ouverture tardive