À Bozouls, dans l’Aveyron, un projet de méthaniseur, porté par la société Biever, fait l’objet d’une vive contestation. Après une enquête publique réalisée du 8 au 23 avril 2025, la décision d’autoriser ou non l’installation revient désormais à la préfète. Associations, riverains et élus locaux dénoncent un projet surdimensionné aux risques environnementaux mal maîtrisés.
Du 8 au 23 avril 2025, la commune de Bozouls a accueilli une nouvelle enquête publique portant sur le projet d’unité de méthanisation, porté par la société Biever. Cette consultation a provoqué une mobilisation exceptionnelle : 253 contributions ont été déposées, contre seulement 35 lors de la précédente en 2023. Une participation record, qui témoigne de la persistance des inquiétudes autour de cette installation prévue pour traiter jusqu’à 60 000 tonnes de déchets organiques par an, dont 95% de lisier, fumier et digestat, selon les documents de l’enquête.
Le lendemain de la clôture de l’enquête, le 24 avril, le conseil municipal de Bozouls s’est prononcé très majoritairement contre le projet : 15 voix contre, 2 abstentions, 3 pour. Selon le maire Jean-Luc Calmelly, interrogé par France 3, « le dimensionnement du projet effraie les gens ». Il confirme également que plusieurs agriculteurs engagés initialement dans la démarche se sont depuis désistés.
La suite du projet dépend désormais de la préfète de l’Aveyron, Claire Chauffour-Rouillard. Elle attend les conclusions de la commissaire enquêtrice, qui devrait lui être communiquées au plus tard le 7 mai. En fonction de l’avis rendu, la préfecture décidera ou non de délivrer une nouvelle autorisation d’exploitation. En cas de refus, les porteurs du projet pourraient revoir leur copie. À l’inverse, si le feu vert est donné, les associations citoyennes opposées, comme Bozouls Comtal Citoyen et le comité Causse Comtal, annoncent déjà leur intention d’introduire un nouveau recours en justice.
Ce n’est en effet pas la première fois que le projet est freiné. En mai 2024, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la première autorisation d’exploitation, estimant l’étude d’impact initiale insuffisante. « Le tribunal a demandé de la compléter, notamment concernant les accès routiers et les canalisations de gaz », précise Marie-Aimée Lemarchand, membre de Bozouls Comtal Citoyen. Ce complément d’étude est précisément ce qui a motivé l’organisation d’une nouvelle enquête publique au printemps 2025.
Les critiques visent aussi bien les dimensions de l’installation que ses conséquences sur l’environnement et l’agriculture locale. Les opposants redoutent notamment des risques de pollution sur le causse de Bozouls, caractérisé par des sols très perméables. En cas d’infiltration, les eaux souillées pourraient rejoindre l’aquifère sous-jacent.
La logistique du projet est également pointée du doigt. « Il y aura des cuves de 20 tonnes, un camion toutes les 10 minutes sur la voie verte, très fréquentée par les randonneurs et les habitants », s’alarme Marie-Aimée Lemarchand. Par ailleurs, un arrêté préfectoral autorise le transport de matières végétales jusqu’à 28 kilomètres autour du site, soulevant la crainte d’une pression accrue sur les cultures locales, appelées à compenser le manque de fumier.
Si plusieurs agriculteurs ont pris leurs distances avec le projet, d’autres y restent attachés. C’est le cas de Quentin Tabard, pour qui « ce projet est vertueux ». Il met en avant la production de gaz renouvelable qui permettrait, selon lui, de réduire la dépendance au gaz russe. Le débat local autour du méthaniseur de Bozouls reflète ainsi un dilemme plus large entre transition énergétique et acceptabilité territoriale.
Contactée, la préfecture de l’Aveyron n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Mathys Debril
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