Atmo Occitanie va lancer une étude pour quantifier les perturbateurs endocriniens présents dans l’air sur le territoire. Une étude qui est inédite en France.
« C’est la première étude de cette ampleur au niveau national », indique Thierry Suaud, administrateur et membre du bureau d’Atmo Occitanie, l’observatoire régional de la qualité de l’air. Ce dernier va lancer, pour la première fois en France, une étude exploratoire de trois ans en 2024 afin d’identifier et quantifier les perturbateurs endocriniens (PE) présents sur le territoire. « Elle survient dans un contexte où des inquiétudes légitimes sont émises à ce sujet », note Thierry Suaud. Comme le rappelle Dominique Tilak, la directrice générale d’Atmo Occitanie, les perturbateurs endocriniens sont « des substances chimiques d’origine naturelle ou artificielle qui dérèglent le fonctionnement hormonal des organismes vivants ».
Parmi eux : les phtalates, les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) qui sont émis lors des processus de combustion, les insecticides ou les muscs synthétiques qui sont principalement utilisés comme fragrances dans divers produits de consommations. Des perturbateurs endocriniens qui sont notamment présents dans les produits du quotidien comme les cosmétiques, l’alimentation ou encore les produits d’entretien et qui se retrouvent dans les sols, l’eau, mais également l’air. « Ce sont des substances que l’on peut inhaler à tout moment », souligne Thierry Suaud. Et quand on sait qu’un adulte respire en moyenne 10 000 litres d’air par jour, « cela peut avoir une influence sur notre santé », estime Dominique Tilak.
En plus d’identifier et de quantifier la présence de ces substances dans l’air et d’analyser les variations au fil du temps, l’étude d’Atmo Occitanie viendra donc évaluer les risques d’exposition des populations aux perturbateurs endocriniens dans le milieu aérien. Et ce, avec l’objectif de « faire avancer les choses ». Pour l’observatoire régional, il faut poursuivre les recherches sur les PE : « Agissent-ils sans effet de seuil pouvant entraîner des effets même à faibles doses ? Qu’en est-il de leurs effets sur l’organisme avec l’interaction d’autres molécules chimiques “effets cocktails” ? ». « Nous souhaiterions avoir des réponses », appuie la directrice avant de rappeler « qu’il n’existe pas de valeurs réglementaires sur les PE actuellement ».
Pour information, cette étude exploratoire inédite sera menée sur cinq sites au sein de la région : une zone de grandes cultures en Haute-Garonne, une viticole dans l’Aude et trois urbaines à Toulouse, Montpellier et Alès. « Nous avons choisi d’évaluer les deux métropoles d’Occitanie puisque c’est là où se concentrent le plus de populations », informe Dominique Tilak. Ainsi, l’observatoire de la qualité de l’air pourra suivre l’évolution de l’exposition à des perturbateurs endocriniens pour près d’un quart de la population régionale. Et pas seulement durant trois ans. « Après cette étude exploratoire, des bilans annuels seront publiés », annonce la directrice. Mais avant tout cela, Atmo Occitanie a effectué une étude de faisabilité.
Des échantillons d’air ont ainsi été collectés à Toulouse du 29 juin 2022 au 30 août 2023 avant d’être analysés à la l’université de la Sorbonne. « Sur 56 molécules PE recherchées, 46 ont été identifiées et 34 l’ont été sur au moins 75% des échantillons », précise Dominique Tilak. Trois familles de perturbateurs endocriniens sont particulièrement présentes : les phtalates « qui le sont tout au long de l’année » avec des concentrations cumulées de 278,5 ng/m³, les HAP (84,1 ng/m³) « qui ont des concentrations plus élevées en hiver du fait de la combustion du bois de chauffage et d’une moins bonne dispersion dans l’air » et les alkylphénols (77,6 ng/m³) aussi identifiés sur toute la période d’étude.
« Nous ne nous attendions pas à retrouver ces derniers dans l’air extérieur », révèle la directrice. Il faut dire que les alkylphénols sont surtout présents dans les détergents, les cosmétiques ou les produits de nettoyage et donc dans l’air intérieur. Après ces trois familles de perturbateurs endocriniens, viennent ensuite les insecticides, dont le lindane qui est pourtant interdit depuis 1998 en France. « Cela démontre la rémanence des produits », observe Dominique Tilak. D’ailleurs, on retrouve « en très faible quantité » dans l’air des polychlorobiphényles (0,5 ng/m³), dont l’utilisation est interdite depuis 1987. En revanche, les muscs synthétiques (9,1 ng/m³) et les parabènes (5,5 ng/m³) sont davantage présents.
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