Les pharmacies d’Occitanie seront nombreuses à fermer leurs portes ce jeudi 30 mai dans le cadre de la grève nationale afin de dénoncer une situation devenue « intenable ». Entre la vente en ligne « mal encadrée », les pénuries de médicaments, et les difficultés de recrutement, les officines rurales sont particulièrement touchées. Ainsi, des fermetures temporaires des officines et des manifestations sont prévues à Toulouse et à Montpellier pour alerter sur la crise qui frappe le secteur. Interview de Bruno Galan, président de l’Ordre des pharmaciens d’Occitanie.
Ce jeudi 30 mai, la grande majorité des pharmacies sont en grève en Occitanie. Pourquoi ?
La grève est due à de nombreuses raisons qui s’accumulent depuis plusieurs années. Cela concerne notamment le développement de la vente libérale en ligne, qui n’est pas suffisamment encadrée. Celle-ci a mis le feu aux poudres. Si les patients préfèrent la proximité des pharmacies, ces dernières doivent s’adapter, et pas à n’importe quel prix. La mobilisation est également due à des difficultés économiques, des problèmes de recrutement du personnel et des pénuries de médicaments interminables.
Quel est le niveau de participation attendu ?
Nous avons un très bon taux de participation prévu : 100% dans l’Hérault, en dehors des officines réquisitionnées, et 90% dans les Pyrénées-Orientales. En ex-Midi-Pyrénées, une forte participation est également attendue.
Deux manifestations auront lieu en Occitanie ce jeudi 30 mai. La première sera à Toulouse à 10h, place Saint-Étienne, et la seconde à Montpellier à 14h, avec un parcours depuis l’Arc de Triomphe jusqu’à la place de la Comédie, en passant par la préfecture. Les défilés montrent à quel point nous sommes mécontents des mesures actuelles. La dernière fois que nous avons organisé une manifestation, c’était en 2014. Dix ans plus tard, le gouvernement a réussi à remettre les pharmaciens dans la rue…
Une pharmacie fermerait chaque jour en Occitanie. Que se passe-t-il exactement ?
Depuis le début de l’année, 36 pharmacies ont fermé en France, dont 18 en Occitanie. Dans l’Hexagone, on a déjà enregistré la fermeture de 2 000 officines ces 10 dernières années. La situation est alarmante et elle s’accélère. Nous constatons des regroupements et des fusions, surtout en centre-ville où il y a une densité importante de pharmacies, mais aussi des fermetures sèches et des liquidations. Certaines ne trouvent pas de repreneurs, notamment les plus petites ou celles situées dans les zones rurales où il manque des médecins et où la population est insuffisante.
Pourquoi ces fermetures affectent-elles davantage les petites pharmacies rurales ?
Les jeunes générations de pharmaciens préfèrent travailler en ville. Les pharmacies rurales n’attirent pas autant et peinent à retrouver des repreneurs. Il y a dans tous les cas un manque de personnel en général, qui se ressent très fortement en milieu rural. Les officines en centre-ville rencontrent moins de difficultés, mais les plus petites et celles situées dans les communes de moindre taille souffrent d’un manque de médecins et de patientèle.
Quels sont les seuils de rentabilité pour les pharmacies ?
Il y a un seuil de chiffre d’affaires en dessous duquel une officine n’est pas viable. Et s’ils augmentent avec la vente de produits plus chers, les marges sont en baisse et les charges et salaires toujours plus hauts.
Les pénuries de médicaments sont-elles toujours d’actualité ?
Oui, les pénuries de médicaments persistent, notamment pour les antidiabétiques. Cela nous demande en moyenne six à huit heures de travail par semaine pour trouver des équivalents et des solutions pour les patients. Nous passons beaucoup de temps au téléphone avec les médecins et les laboratoires pour trouver des alternatives, ce qui devient de moins en moins viable. Mais à notre échelle, nous ne pouvons rien faire, les pénuries sont dues au fait que d’autres pays achètent les médicaments plus chers que la France.
Depuis janvier 2024, certaines pharmacies participent à l’expérimentation Osys, n’est-ce pas paradoxal de vous donner plus de responsabilités alors que de nombreuses officines ferment ?
L’expérimentation Osys permet de soulager les médecins en autorisant certaines officines à renouveler des ordonnances, à délivrer des antibiotiques sans ordonnance ou à tout simplement aiguiller les patients qui ont des symptômes plus ou moins légers. Elle a très bien fonctionné en Bretagne et, à mon sens, elle aurait dû être étendue à toute l’Occitanie. Cela prouve que la pharmacie est un service essentiel. Cependant, pour que ces missions supplémentaires fonctionnent, il faut des moyens financiers et humains adéquats et nous ne les avons pas.
Est-ce qu’on assiste à la création de déserts pharmaceutiques ?
Oui, c’est exactement ce qui se passe. Petit à petit, quand un village perd sa pharmacie, il perd tout le reste. Malheureusement, avec la conjoncture actuelle, il n’y a pas assez de patientèle pour maintenir les officines en milieu rural.
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