Au cœur du Roussillon, entre Pyrénées et Méditerranée, une ancienne coopérative viticole devenue hôtel contemporain et restaurant gastronomique : Riberach, ou l’histoire d’une renaissance entre défis architecturaux, (oeno)tourisme durable et passion du terroir.
Authentique, insolite, majestueux, ressourçant : les adjectifs affluent quand on évoque Riberach, hôtel de luxe et de charme et restaurant étoilé niché entre mer, vignes et montagnes. À la fois pile dans l’air du temps et ancré dans son histoire. L’air du temps comme un éco-lodge inspiré au cœur d’une nature préservée. L’histoire comme celle d’un bâtiment emblématique de la viticulture du Languedoc-Roussillon.
C’est à Belesta, petit village du (presque) bout du monde, historiquement situé à la frontière entre royaumes de France et d’Aragon, et au détour d’une route qui serpente entre vallée de l’Agly, vignes et collines, que surgit Riberach. Tel un vaisseau amiral amarré sous le château médiéval et à un port fantôme perché à plus de 300 mètres d’altitude. L’imposante et longiligne bâtisse (120 mètres de long), construite en 1925, témoigne d’un âge d’or révolu, quand quelques centaines de vignerons du cru apportaient ici leurs raisins qui finissaient en vrac ou dans les vins d’autres régions… Quelques décennies et rencontres plus tard, un autre avenir se dessine, autour d’une nouvelle philosophie du vin et du tourisme : Riberach renait en 2011 sous l’impulsion de Luc Richard et Karin Pühringer, un couple d’architectes franco-allemand qui métamorphose les lieux en un éco-resort bucolique tandis que Luc, enfant du pays, s’associe avec des copains d’enfance pour perpétuer la production viticole, version bio.
Le chantier fut colossal et l’ambition affichée : respecter l’architecture et la vocation des lieux. Les anciennes cuves (douze mètres carrés, quatre mètres de haut), jadis bruissantes de l’activité de Saccharomyces cerevisae, sont désormais dédiées au repos des hôtes et se sont transformées en chambres et suites élégantes : cubiques arrondis, couleurs sourdes, lumières tamisées en écho au béton brut et en contraste avec le soleil éclatant du Roussillon. Le spa se niche lui aussi dans les anciennes cuves, silence de ciment propice à la détente. Dehors, au son des cigales, l’immense terrasse de bois et de métal s’agrippe à la façade de pierre et prolonge les chambres par une magnifique vue sur les vignes, dans un esprit loft très contemporain. En contrebas, le jardin poursuit l’invitation à la balade sensorielle, entre joli kiosque d’antan, terrain de pétanque et parterres de plantes, jusqu’à la piscine naturelle. Là, entre ponton, algues et galets, ce biotope aux airs d’étang propose l’expérience de la baignade en eau douce, filtrée par les plantes et au milieu des grenouilles et libellules. Car cet éco-lodge ne l’est pas seulement dans une approche esthétisante : Riberach met à profit l’architecture et les caractéristiques techniques de la bâtisse, et notamment son inertie thermique, et assure chauffage et gestion des eaux chaudes et froides via la géothermie et le photovoltaïque, fidèle à la conviction de ses propriétaires : « La meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas. » Comme une mise en pratique de la philosophie des lieux: nature, authenticité, luxe discret et tourisme durable.
Cette approche se retrouve chez le talentueux et étoilé chef Laurent Lemal, qui officie au restaurant logiquement baptisé La Coopérative. Sa cuisine est évidemment locavore et mise sur les saveurs et leurs alliances, la subtilité et la précision. Telle cette variation sur la tomate, en tartare et mariée à la fraise ou en pain comme un gâteau fondant. Déclaration d’amour au terroir et aux producteurs locaux, la carte met à l’honneur huitres de Leucate, rougets de petite pêche, calçots catalans ou veau Vedell des Pyrénées, au fil des saisons. Et se savoure, tout comme le très gourmand petit-déjeuner dans l’ancienne salle des presses, sous verrière Eiffel, pour prolonger le propos culinaire par des métaphores architecturales. À côté, une table vigneronne s’est installée sous le préau, pour savourer sur le pouce ou sur un air de jazz, charcuteries, tapas, sucreries et surtout les vins, bio évidemment, du domaine et d’ailleurs. Car l’ancienne coopérative accueille toujours un chai en activité, où s’assemblent des vins d’équilibre, de terroir et de conviction, aux noms intriguants et un peu rebelles : Thèse, Antithèse, Synthèse, Hypothèse, voire Parenthèse ou Fou-thèse… Tout un programme pour réinventer les assemblages traditionnels locaux à base de grenache, syrah, maccabeu, carignan.
Pour aller plus loin et parce que l’oenotourisme, désormais très en vogue, apparait comme une évidence ici, Riberach invite les hôtes de passage à découvrir les secrets de ses vignobles abrupts, bercés par le vent et baignés de soleil. Riberach a ainsi lancé son “Trek & Wine”, randonnée-balade pédestre et accompagnée, qui entraine le visiteur tout au long de ces terrasses et murets escarpés construits par les anciens pour y planter des ceps austères mais généreux. On y apprend aussi les aléas de cette histoire viticole, dont les imposantes coopératives du début du XXe siècle sont l’un des emblèmes. Nouveauté de l’été 2019 : Luc Richard et Karin Pühringer ouvrent en juillet la Maison du Château, qui abrite sur les hauteurs du village quatre gîtes de charme mais tout confort. Entre les murs épais de pierres blondes, sous les toits ou dans les anciennes granges du château, ces nouveaux gîtes offrent, à deux, en famille ou entre amis, une autre façon de profiter des lieux dans l’intimité d’un chez-soi.
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