29 Octobre 2025
29 Octobre 2025
CโEST LโHISTOIRE D’UNE ABEILLEโฆ qui avait le bourdon
Chaque soir, Maya rentrait plus tard et plus fourbue, les ailes alourdies par une couche de poussiรจre poisseuse. Encore cette fois, il lui avait fallu s’รฉloigner ร des dizaines de kilomรจtres de la ruche pour rรฉcolter laborieusement les quelques milligrammes de pollen nรฉcessaires ร la survie de l’essaim. Depuis trois semaines que Maya avait pris ses fonctions de butineuse, elle avait vu ses sลurs s’รฉpuiser, toujours un peu plus, dans cette quรชte vitale. On voyait de plus en plus d’ouvriรจres revenir les jabots vides puis repartir ร la tรขche, aprรจs s’รชtre dรฉsaltรฉrรฉes et ravitaillรฉes en nectar. Beaucoup d’entre elles disparaissaient, dรฉvorรฉes par les frelons ou foudroyรฉes par un poison inconnu. Tout autour de la ruche, d’interminables champs de cรฉrรฉales dรฉcoupaient une campagne aride et brรปlรฉe par le soleil. Sensible au moindre reflet, Maya survolait un ocรฉan de tournesols amers, toxiques. Plusieurs fois, elle s’รฉtait posรฉe sur la corolle d’une de ces appรฉtissantes plantes avant de reprendre son voyage, prise d’un hautle-cลur. Malgrรฉ le jour dรฉclinant, Maya avait poussรฉ son exploration bien loin des zones reconnues par ses camarades. Cette fois, sa persรฉvรฉrance avait portรฉ ses fruits. Bourrache, serpolet, pรขquerettesโฆ Elle se prรฉcipitait avidement d’une fleur ร l’autre, se frottant aux pistils sucrรฉs pour charger ses pattes de pollen. Elle ne se prรฉsenterait pas ร la ruche sans son prรฉcieux butin ! Mais celle-ci รฉtait loin et la pelote qu’elle charriait pesait plus lourd ร chaque instant. L’esprit brouillรฉ, Maya se posa sur une feuille de pissenlit. Ses idรฉes semblaient ne plus avoir de prise sur ses antennes. La fatigue รฉtait รฉcrasante. Ses ailes s’affaissaient sans mรชme qu’elle ait la force de fermer les yeux.
Nicolas Belaubre
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