La campagne de sensibilisation “Octobre Rose” bat son plein, rappelant que chaque année, 20 000 femmes subissent une mastectomie après un cancer du sein. Pour aider ces dernières à se reconstruire, l’association Les Seintillantes recense des professionnelles du tatouage 3D d’aréoles mammaires, un art thérapeutique alliant esthétique et bien-être psychologique, qui permet aux patientes de clore leur parcours de reconstruction.
Une femme sur huit souffrira d’un cancer du sein au cours de sa vie. Et si, dans neuf cas sur dix, cette pathologie se guérit, elle laisse souvent des stigmates indélébiles. Des cicatrices que l’association Les Seintillantes tente d’atténuer. Fondée par la Tarnaise Audrey Rojo en mai 2025, elle regroupe des professionnelles, la plupart anciennes infirmières, esthéticiennes, tatoueuses, spécialisées dans le tatouage d’aréole en trompe-l’œil et souhaite démocratiser la pratique. Si elles sont issues de milieux variés, elles ont en commun la volonté de permettre aux femmes de se reconstruire, dans tous les sens du terme.
En effet, 20 000 femmes subissent une mastectomie à la suite d’un cancer du sein, et près de 7 000 d’entre elles décident de subir une reconstruction mammaire. Mais si les chirurgiens esthétiques parviennent à reconstituer la forme du sein à l’aide d’une prothèse, ce n’est pas le cas du mamelon, qui parfois doit être enlevé. Pour nombre de patientes, l’absence de téton pose problème, ne permettant pas de terminer leur parcours de reconstruction physique et psychologique.
Tout comme cette femme qui, en 2013, a sollicité Audrey Rojo. Séduite par le travail sérieux et la réputation de la jeune femme, qui cumule des études d’art, d’esthétique et d’infirmière, et qui s’est spécialisée dans le maquillage permanent, elle la met au défi de lui tatouer un téton, le plus réaliste possible. La dermographiste, touchée, se fait un devoir d’aider cette femme. Puis le bouche à oreille fait son œuvre et, elle reçoit de plus en plus de femmes en rémission.
Autodidacte, elle finit par se spécialiser dans le tatouage d’aréole en trompe-l’œil 3D, souhaitant offrir au plus grand nombre cet espoir : retrouver « une belle image d’elles-mêmes ». Balafrées et mutilées, celles qui n’osent plus se regarder dans un miroir disposent-là d’un procédé leur permettant de se réapproprier leur corps après la maladie. « Je n’imaginais pas que ça me donnerait autant de bien-être. C’est juste un tatouage, quelques centimètres carrés. Ça change totalement la perception. Tous les matins, quand je sors de la douche.. Voilà ! Maintenant, c’est bien ! » témoigne Emmanuelle. Et le résultat est effectivement bluffant !
Pour démocratiser l’accès à ce service, Audrey Rojo met en place des formations d’un an (presqu’un apprentissage) au tatouage paramédical, et essaime son savoir-faire et ses valeurs à ses apprenantes, toujours plus nombreuses. Certaines d’entre elles intègrent d’ailleurs l’association Seintillantes, « gage d’un travail bien fait », se félicite la fondatrice. A ce jour, une quarantaine sont réparties à travers toute la France, dont neuf sont installées dans le Sud-Ouest, dont Audrey Rojo à Lavaur.
Le tatouage d’aréole en trompe-l’œil, à mi-chemin entre l’art et le paramédical, permet des résultats hyperréalistes, soignés, respectueux des volontés des clientes et professionnels. Audrey Rojo explique : « Avant de commencer, j’effectue un entretien approfondi pour connaître leurs antécédents, la manière dont s’est passée leur intervention, qui doit au moins remonter à 12 mois, pour savoir si elles sont sous traitement, si leur état de santé est stable… Je m’en réfère éventuellement à un kiné pour un second avis. Et seulement, à l’issue de ces échanges, nous décidons d’intervenir, ou pas ! » Une relation de confiance entre la praticienne et la cliente est ainsi primordiale. Car le travail peut durer 6 à 8 heures.
En effet la technique, « qui peut s’apparenter à celle d’un copiste », nécessite des connaissances spécifiques, dont la dimension artistique est poussée à l’extrême. Les Seintillantes utilisent une encre particulière, une colorimétrie précise. Elles travaillent le graphisme, les ombres, le relief… pour un rendu hyperréaliste. « Chaque aréole étant unique, chaque reproduction doit l’être autant. Cela demande un temps d’observation, d’analyse des couleurs, des formes… et bien sûr du talent pour la tatouer », confie Audrey Rojo, surtout dans les cas de mastectomie unilatérale.
Et c’est bien là la différence avec les tatouages qui peuvent être proposés en milieu hospitalier. Ils sont réalisés par des infirmières, au bloc, à la suite de l’intervention chirurgicale de reconstruction mammaire. Pour la fondatrice de l’association, « cette solution n’est pas optimale ! » « Imaginez la différence de travail et de résultat entre une infirmière qui a été formée en trois jours et une Seintillante qui aura suivi une formation d’un an ! Entre une aréole effectuée sur une peau qui vient d’être traumatisée, et celui d’une Seintillante qui n’agit qu’une fois la cicatrisation des tissus constatée », détaille Audrey Rojo.
Autre différence, et pas des moindres : le prix. Pour un tatouage en trompe-l’œil, « il faut compter entre 500 et 700 euros », tandis que celui exécuté en salle d’opération est remboursé par la sécurité sociale, l’organisme le considérant alors comme partie intégrante des soins. Ainsi, la présidente de l’association espère se faire connaître et reconnaître auprès des infirmières coordinatrices et des chirurgiens désireux de répondre au plus près aux besoins de leurs patientes, afin qu’ils informent les femmes des différentes possibilités qui s’offrent à elles : « Ces dernières méritent d’avoir accès aux meilleurs soins, pour qu’elles puissent clôturer leur parcours de reconstruction. » Ce que confirme Brigitte, qui a eu recours aux Seintillantes : « Même après la reconstruction mammaire, il manque quelque chose… qui ne permet pas de passer à autre chose ! Le tatouage d’un téton, bien fait, marque la fin de tout ce que l’on a subi. Une fin parfaite ! »
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