Juliette Quef, cofondatrice du média “Vert”, et habitante du Lot, est à l’initiative de la rédaction d’une charte “pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique” signée par plus de 1 400 professionnels depuis sa publication à la rentrée. Son engagement environnemental occupe aujourd’hui une place majeure dans sa vie professionnelle, après une reconversion en tant que journaliste il y a un peu plus de deux ans.
« Le transfert de Messi au PSG a fait plus de bruit que le dernier rapport du Giec », s’étonne encore la journaliste lotoise Juliette Quef qui ajoute que le footballeur n’est pas le seul, ces dernières années, à avoir fait la Une au dépens de sujets environnementaux importants. « J’ai passé mon Bac au moment de l’accident nucléaire de Fukushima (2011). Et à cette époque déjà, je me demandais pourquoi les sujets liés à l’écologie n’étaient traités que lorsque survenaient des catastrophes », critique-t-elle.
Un constat alarmant qui la pousse à agir. Entourée d’une trentaine de journalistes d’horizons divers, Juliette Quef a initié au mois d’avril 2022 la création d’une charte “pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique”. « L’objectif est d’inciter nos consœurs et confrères à se questionner sur la responsabilité des médias dans l’animation du débat public autour du climat, mais aussi sur le traitement médiatique des sujets environnementaux, parfois survolés, mal expliqués, voire même ignorés », poursuit la journaliste.
Journalistes de médias indépendants, radiophoniques, télévisés, de presse écrite, se sont donc réunis durant près de trois mois autour de Juliette Quef et Anne-Sophie Novel pour réfléchir à une question simple : que faire pour améliorer le traitement médiatique des sujets liés à l’écologie ? « Au départ, le texte prenait la forme d’un manifeste. Mais il a beaucoup évolué au fil des discussions pour devenir une charte, qui met en lumière 13 points essentiels à retenir pour améliorer notre pratique », raconte Juliette Quef.
Parmi eux, par exemple : considérer l’écologie comme un prisme et non la cantonner à une simple rubrique, ou encore, se former en continu sur les bouleversements climatiques et leurs impacts sociétaux afin de les expliquer au mieux au grand public. L’ensemble de ces propositions prend la forme d’un seul et même document publié le 14 septembre dernier et facilement affichable dans les salles de rédaction, ou les écoles de journalisme.
https://twitter.com/JulietteQuef/status/1569941818397310976
Le groupe France Médias Monde (RFI, France 24), Reporterre, Mediapart, Blast, Mediacités, Radio Nova… Une centaine de médias et d’associations, comme plus de 1 400 journalistes signataires de la charte, se sont déjà engagés à faire en sorte que leur pratique journalistique soit “à la hauteur de l’urgence écologique”. « Je suis heureuse de constater que différentes générations de professionnels se retrouvent autour d’un même texte », se réjouit la journaliste lotoise : « L’objectif maintenant est qu’il serve de boussole dans la profession, et surtout, qu’il provoque des remises en question au sein même des rédactions généralistes, pour pousser les journalistes à sensibiliser le grand public au sujet du climat ».
Pari réussi, donc, pour la jeune femme devenue journaliste il y a seulement deux ans. En effet, diplômée de Science Po Lyon, Juliette Quef s’est d’abord orientée vers la médiation, au sein d’un cabinet d’expertise dédié aux comités d’entreprises. « J’étais chargée de réaliser des enquêtes dans les sociétés au sujet des conditions de travail et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Mais je ressentais un malaise entre le fait de défendre des emplois dans des industries polluantes et mes convictions écologiques », se souvient la Lotoise.
Elle a alors mis un terme à son contrat pour se lancer un tout autre défi : écrire un livre retraçant la vie de Lisa Larsen, une photojournaliste américaine qui a exercé dans les années 1950. Celui-ci n’a pas encore été publié. « Je dis souvent que je suis devenue journaliste grâce à un personnage de fiction », plaisante Juliette Quef. Par un hasard de l’emploi du temps, au même moment, son compagnon et journaliste Loup Espargilière, ayant déjà travaillé pour Le Monde, Reporterre, Arte ou encore Mediapart, décide de créer “Vert”. Un média indépendant traitant de toute l’actualité sous le prisme de l’écologie et de la solution depuis le mois de janvier 2020. Juliette Quef se lance dans l’aventure avec lui.
Les premiers temps, n’ayant pas de formation journalistique, la jeune femme s’occupe d’élaborer la charte graphique du média et assure la relecture des publications. Mais son amour pour l’écriture la pousse rapidement à réaliser ses propres articles. Il faut dire que le métier lui colle à la peau depuis son enfance passée dans la campagne normande. « À 12 ans, j’ai lancé un “journal de famille” pour que chaque membre de ma famille puisse correspondre malgré l’éloignement. Plus tard, je me suis engagée dans le journal du lycée. Mais j’ai rapidement abandonné l’idée de devenir journaliste, les débouchés étant restreints », développe-t-elle. Son destin l’a pourtant rattrapée, puisqu’aujourd’hui âgée de 29 ans, Juliette Quef ne traite plus l’actualité de ses proches, mais bien celle de la politique, de l’économie… toujours en lien avec l’écologie.
Une cause pour laquelle elle s’engage aussi dans sa vie personnelle. Que ce soit au niveau énergétique, alimentaire ou dans ses déplacements, Juliette Quef tente quotidiennement de limiter son impact environnemental. Selon elle, ses petits gestes, combinés à ceux des autres, permettent de faire partie d’un « tout » qui, comme cela a été le cas pour la création de la charte “pour un journalisme à la hauteur de l’urgence écologique”, permettra de faire bouger les lignes.
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