Longtemps resté dans les cartons, le projet d’hôpital unique Tarbes-Lourdes commence à prendre forme, au grand dam de ses opposants qui dénoncent la fin du service public hospitalier de proximité dans les Hautes-Pyrénées.
Le conseil municipal de Tarbes a voté la fusion des hôpitaux de Tarbes et Lourdes le 25 septembre dernier. Le projet a reçu l’éligibilité du ministère de la Santé. Le président de la République a annoncé la participation de l’État à hauteur de 210 millions d’euros dans le cadre du Ségur de la santé. Et l’architecte qui réalisera l’établissement a même été choisi : il s’agit du cabinet belge Archipelago. Le programme d’hôpital unique qui regrouperait ceux de Tarbes, Lourdes, mais aussi de Bagnères-de-Bigorre et de Vic-en-Bigorre, semble désormais entériné.
Pourtant, d’irréductibles opposants continuent leur combat pour dénoncer la fin du service public hospitalier de proximité dans le département, à l’image de tous les représentants de la Nupes (Europe Écologie Les Verts, Génération.s, La France Insoumise, le Parti Socialiste et le Parti Communiste Français) des Hautes-Pyrénées « Tant que la construction n’a pas commencé, nous espérons encore pouvoir inverser la machine », lance Roland Cazeneuve, responsable de la commission santé au PCF. Selon lui, il s’agit-là d’un « projet totalement inutile qui ne résoudrait aucun problème, et qui, au contraire, éloignerait toujours plus les habitants des services de soins ».
Pour l’Agence régionale de santé (ARS) Occitanie, la préfecture des Hautes-Pyrénées et le Centre hospitalier de Bigorre, porteurs du projet, l’objectif de la création d’un hôpital unique, fusion de celui de Tarbes et de Lourdes principalement, est triple : limiter les déficits (50 millions d’euros cumulés entre les deux structures), éviter la fuite des praticiens et celle des patients. « Le projet de construire un hôpital commun, neuf, porte l’ambition de mettre au service des patients et des professionnels un plateau technique de qualité prenant en compte les enseignements de la crise sanitaire, pour y développer des activités d’excellence, aux standards actuels de qualité d’accueil et de conditions de travail », précise la préfecture. L’un des axes forts étant la prise en charge des personnes âgées dans un département où la démographie est l’une des plus vieillissantes de France. Toutefois, l’établissement garde pour vocation l’accueil de l’ensemble des patients.
Pour cela, les deux centres hospitaliers de Tarbes et Lourdes seraient abandonnés, au profit de la construction d’une nouvelle structure située à Lanne. Cette petite bourgade des Hautes-Pyrénées (un peu plus de 600 habitants) a été choisie pour sa position centrale dans le département. Sa situation géographique permet aux porteurs du projet d’assurer une large zone d’accessibilité en moins de 30 minutes. Et une équité de temps de trajet pour les Tarbais et les Lourdais évalué à une quinzaine de minutes.
Un projet estimé à 270 millions d’euros au total et dont l’État s’est engagé à en financer 210 millions. Quant à l’ARS, elle a mis sur la table 48 millions d’euros sur la période intermédiaire. Côté travaux, ils ne devraient commencer que fin 2025, pour une livraison en 2028 et une mise en service prévue au premier semestre 2029. Mais dès janvier 2023 déjà, le regroupement des hôpitaux de Tarbes et Lourdes sera concret puisque les services administratifs des deux établissements fusionneront.
« Une belle publicité, mais une belle fumisterie », s’exclame Roland Cazeneuve, en porte-parole des opposants politiques à ce projet. Tout d’abord parce que cette fusion est synonyme de « suppression de l’offre hospitalière publique à Tarbes comme à Lourdes, et la consécration du monopole des cliniques privées. C’est impensable ! » peste le communiste. Selon lui, il s’agit-là d’un pur projet idéologique, d’une simple « manœuvre d’Emmanuel Macron pour respecter la directive européenne qui lui impose de ne pas afficher de déficit public annuel excédant 3% du PIB ».
Car derrière cet établissement flambant neuf, les militants de la Nupes décryptent les non-dits. « Ce projet implique la suppression d’une centaine de lits, et de 200 à 300 postes », énumère Roland Cazeneuve, reconnaissant que ces chiffres restent à confirmer. Il s’interroge alors sur le réel maintien de la qualité des soins au vu du nombre réduit de places dédiées aux patients, et sur l’amélioration des conditions de travail des soignants à l’annonce des réductions de postes… Sans compter l’impact environnemental d’une nouvelle construction qui « saccagerait un site naturel et agricole », rappelle-t-il.
« Comment les habitants des Hautes-Pyrénées pourraient cautionner un projet qui diminue l’offre de soins et qui les en éloigne ? » résume l’opposant à l’hôpital unique.
Pour la Nupes, il n’existe qu’une alternative, celle du maintien des quatre hôpitaux de proximité que sont les centres hospitaliers de Tarbes, de Lourdes, de Bagnères-de-Bigorre et de Vic-en-Bigorre. Pour cela, des travaux de rénovation seraient nécessaires. Travaux que les porteurs de projet avaient estimés et dont le coût était, semble-t-il, trop élevé. « Mais personne n’a jamais vu ces études », regrette Roland Cazeneuve, qui estime que ce projet a été monté en toute discrétion, avec une absence totale de transparence.
Les opposants à l’hôpital unique comptent maintenant sur l’appui de la députée LFI, Sylvie Ferrer, qui s’est clairement positionnée contre le projet, et sur la mobilisation populaire. Car, « si les pouvoirs publics ne sont pas donnés la peine de réaliser une consultation publique pour concerter les habitants et les informer des conditions de la fusion, nous allons le faire », annonce le représentant de la Nupes. Pour cela, plusieurs réunions publiques seront programmées. Dans un même temps, les opposants au projet, qu’il s’agisse de politiques ou de citoyens, tenteront de s’organiser et de former un comité de défense de l’hospitalisation publique en Hautes-Pyrénées, qui aura notamment pour mission de mener une vaste consultation de la population. « Car nous avons besoin d’une véritable mobilisation populaire pour préserver nos hôpitaux », termine Roland Cazeneuve.
Commentaires